Jobineries

Blogue de Gilles G. Jobin, Gatineau, Québec.

mercredi 7 décembre 2005

L'écriture

À quoi sert-il d'écrire un poème, d'achever un blessé, de bâtir une cabane ?
À écrire un poème, achever un blessé, bâtir une cabane.
Louis Scutenaire, Mes inscriptions (1943-1944), p.204, Éditions Labor, 1990


Suis-je le seul à constater que l'importance accordée à l'écriture est exagérée ? Regardez un peu autour de vous.

La personne qui partage votre vie écrit-elle? (Hormis la liste d'épiceries...)

Vos enfants écrivent-ils ? (À part du scolaire que personne - sauf une - ne lit, évidemment.)

Recevez-vous des communications vraiment originales de vos patrons? Par communications originales, j'entends des phrases un peu plus longues que « Me voir » ou « Lis ces pages photocopiées et reviens m'en parler. »

Et vos collègues de travail, à l'exception des fameux courriels du genre « Pour te dérider » immanquablement suivi d'un copié-collé qu'on s'empresse de ne pas lire, ou encore un « Ne pas oublier l'anniversaire d'Untel... », écrivent-ils ?

On a beau crier sur tous les toits qu'apprendre à écrire, c'est essentiel dans la vie, je crois de plus en plus qu'on peut assez facilement s'en passer. Il suffit de connaître l'orthographe de quelques mots passe-partout :« Me voir », « Lait », « Je t'aime » (idéal dans une boîte à lunch), « Bienvenue sur mon site » (sur tout bon site qui se respecte), « Bonne Fête ! » (utile quand on veut être gentil), etc. Ces mots sont à l'écriture ce que l'arithmétique de base est à la pensée mathématique car lorsqu'on achète des bidules, on doit savoir additionner et soustraire pour s'assurer que le total est exact et que la monnaie sera bien rendue. De même, quand on écrit, on n'a, pour bien paraître, qu'à utiliser des mots-phrases-types. Si jamais on doit écrire un peu plus long, on trouvera bien quelqu'un (lire un subalterne) qui saura le faire et duquel on pourra se moquer.

Évidemment, un blogue composé de ces mots-phrases-passe-partout serait plutôt moche. Mais qui donc, après tout, est intéressé par les blogues ?

mardi 6 décembre 2005

Alphamétique 1

Dans cette multiplication, chaque chiffre a été remplacé par une lettre. Par déduction, retrouverez-vous les nombres ?
         a x e o r u
               m e a
      --------------
       n n o o r u u
     n e s x n e v
   o o e u x n v
   -----------------
   o e v m m u o u u
Réf. L'Abeille, septembre 1926, p. 40.

En passant, si vous possédez des exemplaires de cette revue, et que vous êtes disposé à les vendre pour pas trop cher, écrivez-moi !

lundi 5 décembre 2005

L'avertissement de Vaneigem

L'avertissement aux écoliers et lycéens de Raoul Vaneigem a déjà 10 ans. Vous ne le connaissez pas ? Voici ce qu'en dit la quatrième de couverture des éditions Mille et une nuits (n°69) :

« Lorsque l'école et le lycée se comportent comme des entreprises, que les élèves sont traités comme des clients, incités non à apprendre mais à consommer, il est salutaire de rappeler que l'éducation appartient à la création de l'homme, non à la production de marchandises. L'auteur [...] étudie et dénonce l'aliénation qui s'empare des élèves et des enseignants et montre ce que l'école pourrait être : un lieu d'autonomie, de savoir et de création. »

Vous trouverez sur Au fil de mes lectures plusieurs citations du livre. Mais je vous suggère plutôt de lire le texte intégral.

Impossible de vous laisser sans cet extrait de la page 65 :
« Il n'y a pas d'enfants stupides, il n'y a que des éducations imbéciles. Forcer l'écolier à se hisser au sommet du panier contribue au progrès laborieux de la rage et de la ruse animales mais sûrement pas au développement d'une intelligence créatrice et humaine. Dites-vous que nul n'est comparable ni réductible à qui que ce soit, à quoi que ce soit. Chacun possède ses qualités propres, il lui incombe seulement de les affiner pour le seul plaisir de se sentir en accord avec ce qui vit. Que l'on cesse donc d'exclure du champ éducatif l'enfant qui s'intéresse plus aux rêves et aux hamsters qu'à l'histoire de l'Empire romain. Pour qui refuse de se laisser programmer par les logiciels de la vente promotionnelle, tous les chemins mènent vers soi et à la création. »

dimanche 4 décembre 2005

Cueco

- Avant, quand j'avais le vieux vélo déglingué, on disait : « T'as vu le vieux, le vélo pourri qu'il a ! » Maintenant, les jeunes qui me voient avec cette merveille disent : « T'as vu le beau vélo qui trimballe cette ruine !... »
- Les gens sont jamais contents. (p. 142)

Dialogue avec mon jardinier a été publié au Seuil en 2000. Il est disponible dans la collection Points. Cueco, peintre et écrivain, est né en 1929. Il nous livre ici un dialogue tenu entre un bon vieux jardinier et un peintre qui dessine des patates, des coquilles de noix et de la laitue. Tout au long des pages, une tendre amitié se tisse. Dans ce livre, sur le mode de la conversation, il est question de voyages, de vélos, de laitue, de soupe, de famille, de maladies, de mort... Mais surtout, surtout, il est question d'écoute.

Liane : Citations du livre sur Au fil de mes lectures.

samedi 3 décembre 2005

Les grèves rotatives : enfantillages

Je viens de recevoir un courriel de notre représentant syndical. Cette petite phrase très boniment syndical m'a fait sourire.
Pour notre part, avant de lancer la serviette et de se dire : « Pourquoi faire ceci ou cela… de toute manière le gouvernement fera ce qui lui plaira », je vous demande d’exercer encore une fois le seul vrai droit qui nous est accordé, celui de manifester notre colère et notre désapprobation face à ce simulacre de négociation et de démocratie.
Manifester notre colère et notre désapprobation est tellement enfantin. C'est un comportement du genre «Maman, si tu me donnes pas ce que je veux, je vais faire une grosse colère.»

Je pense qu'il est grand temps de penser à des solutions plus intelligentes. Voici la mienne, que j'avais déjà énoncée dans un commentaire d'un précédent billet :

1 - On abandonne immédiatement tous moyens de pression.
2 - On cible une seule petite CS de la province.
3 - Après une sérieuse préparation (nos représentants syndicaux devront travailler fort), en septembre 2006, tous les profs de cette cs démissionnent.
4 - Les autres syndiqués s'unissent pour payer ces démissionnaires le temps que le conflit se règle.

Prenons une petite commission scolaire de 450 enseignants. Actuellement, on donne trois jours de paye à nos employeurs pour exercer notre droit de grève (c'est-y pas assez niaiseux !). Imaginons que tous les enseignants de la province donnent cet argent au syndicat de manière à ce que ce dernier paye ces 450 enseignants le temps que le conflit se règle. Évidemment, pas question de régler sans que les démissionnaires réintègrent leur poste sans aucune perte. Je n'ai pas fait le calcul, mais j'ai bien l'impression qu'on pourrait bloquer une telle commission scolaire pendant deux ou trois mois... Et s'il le faut, tous les autres syndiqués pourraient encore ajouter quelques jours de leur salaire dans la banque. Tout cela deviendrait absolument intenable pour l'imployeur.

Il me semble qu'on aurait enfin un véritable rapport de force. Et aucune loi spéciale ne pourrait régler ce genre de bataille... Publicisez cette idée autour de vous. Voyez ce que les gens en pensent, et revenez commenter !

MàJ - J'ai trouvé un nom à ma proposition : le Gambit Jobin. Aux échecs, un gambit est le sacrifice d'un pion dans le but de récupérer plus tard le matériel avec un avantage.

jeudi 1 décembre 2005

La vulgarisation

[...] les réticences des «scientifiques» à «vulgariser» leur savoir : est-il possible de transmettre à un public non «initié» des connaissances sans en dénaturer la signification ? Nous avons déjà dit que «l'esprit humain est en général si bien orienté vers le vrai que dans sa hâte d'approcher la vérité au moyen de reconstructions qui devraient être patientes et rigoureuses, il va trop vite et il se trompe». Comment un scientifique qui passe sa vie à éviter les à-peu-près et les raccourcis, qui construit lentement et patiemment son savoir pourra-t-il transmettre en quelques minutes (c'est le délai qui nous est accordé dans le meilleur des cas) un concept ou une théorie sans en dénaturer la représentation dans l'esprit d'un public qui, le plus souvent, manque de connaissances élémentaires ?
J-F Castell


La vulgarisation c'est le « fait d'adapter des notions, des connaissances scientifiques ou techniques afin de les rendre compréhensibles au non-spécialiste; reformulation d'un discours spécialisé qui consiste généralement à le débarrasser de ses difficultés spécifiques, de ses caractères techniques afin de le rendre accessible au grand public. » (Trésor de la Langue Française Informatisé)

Dans cet esprit, croyez-vous possible de vulgariser des idées, des concepts mathématiques ? Prenons par exemple les logarithmes. Je suis à peu près convaincu que pour plusieurs d'entre vous, la seule évocation du mot vous dresse les cheveux sur la tête. D'ailleurs, vous êtes peut-être immédiatement passé en mode «J'aiJamaisRienComprisAuxMaths/JeSuisPocheEnMaths». Si c'est votre cas, je tenterai d'expliquer la notion de logarithme pour diminuer un peu cette réticence. Ou, peut-être, êtes-vous soudainement devenu curieux? Dans ce cas, ma vulgarisation vous incitera-t-elle à aller un peu loin? Réussirais-je dans mon explication?

Un logarithme, c'est une drôle de bibite. Bibite elle-même très liée à une autre qu'on appelle un exposant. Ne paniquez pas ! Ce n'est pas si difficile que cela en a l'air. Voyez plutôt :

2 x 2 x 2 = 8.

Les mathématiciens, naturellement très paresseux, préfèrent écrire 23=8.
Dans leur langage, ils appellent ça la notation exponentielle. Dans ce cas, l'exposant est 3. Quant au 2, on lui donne le nom de base. Ils diront par exemple, 2 exposant 3 donne 8. Un autre exemple : 4 exposant 5 donne 1024 qu'on notera ainsi : 45=1024. Certains disent aussi : 2 élevé à la troisième puissance donne 8, 4 élevé à la cinquième puissance donne 1024. Ou, plus simplement, 2 puissance 3 donne 8; 4 puissance 5 donne 1024.

Est-il possible de donner un sens à une expression du genre 41,2 ou encore une expression dont l'exposant serait un entier négatif comme 5-3? La réponse est affirmative mais l'explication sort du propos de ce billet.


Le logarithme décrit autrement cette même idée. Il a en effet fallu inventer ce mot lorsqu'on désira énoncer l'expression en «partant» de l'exposant.
Dans le premier exemple ci-haut, «2 exposant 3 donne 8», on énonce l'égalité à partir de la base (2 exposant bla-bla-bla). Or, si on désire partir de l'exposant, on dira plutôt : 3 est le logarithme de 8 en base 2. Et, juste pour faire paniquer les non-initiés, ils notèrent la chose ainsi : 3 = log28. On peut aussi lire cette expression ainsi : 3 est l'exposant qu'il faut que je donne à 2 pour obtenir 8. D'autres diront plutôt «3 est le log de 8 en base 2».
Le deuxième exemple pourrait s'écrire : 5 = log41024. Autrement dit, 5 est l'exposant qu'il faut que je donne à 4 pour obtenir 1024. Ou encore : « Le log de 1024 en base 4 est 5 ».

La notation exponentielle et la notation logarithmique ne sont que deux styles pour décrire une même idée mathématique.


Peut-on parler ici de vulgarisation ? Si oui, est-elle réussie ? Si vous connaissiez déjà la notion présentée, trouvez-vous que ce texte en dénature l'esprit ?

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