À quoi sert-il d'écrire un poème, d'achever un blessé, de bâtir une cabane ?
À écrire un poème, achever un blessé, bâtir une cabane.
Louis Scutenaire, Mes inscriptions (1943-1944), p.204, Éditions Labor, 1990


Suis-je le seul à constater que l'importance accordée à l'écriture est exagérée ? Regardez un peu autour de vous.

La personne qui partage votre vie écrit-elle? (Hormis la liste d'épiceries...)

Vos enfants écrivent-ils ? (À part du scolaire que personne - sauf une - ne lit, évidemment.)

Recevez-vous des communications vraiment originales de vos patrons? Par communications originales, j'entends des phrases un peu plus longues que « Me voir » ou « Lis ces pages photocopiées et reviens m'en parler. »

Et vos collègues de travail, à l'exception des fameux courriels du genre « Pour te dérider » immanquablement suivi d'un copié-collé qu'on s'empresse de ne pas lire, ou encore un « Ne pas oublier l'anniversaire d'Untel... », écrivent-ils ?

On a beau crier sur tous les toits qu'apprendre à écrire, c'est essentiel dans la vie, je crois de plus en plus qu'on peut assez facilement s'en passer. Il suffit de connaître l'orthographe de quelques mots passe-partout :« Me voir », « Lait », « Je t'aime » (idéal dans une boîte à lunch), « Bienvenue sur mon site » (sur tout bon site qui se respecte), « Bonne Fête ! » (utile quand on veut être gentil), etc. Ces mots sont à l'écriture ce que l'arithmétique de base est à la pensée mathématique car lorsqu'on achète des bidules, on doit savoir additionner et soustraire pour s'assurer que le total est exact et que la monnaie sera bien rendue. De même, quand on écrit, on n'a, pour bien paraître, qu'à utiliser des mots-phrases-types. Si jamais on doit écrire un peu plus long, on trouvera bien quelqu'un (lire un subalterne) qui saura le faire et duquel on pourra se moquer.

Évidemment, un blogue composé de ces mots-phrases-passe-partout serait plutôt moche. Mais qui donc, après tout, est intéressé par les blogues ?