Jobineries

Blogue de Gilles G. Jobin, Gatineau, Québec.

samedi 15 janvier 2005

Glanure

Le seul petit problème de la « société de l'information », c'est qu'on y véhicule quatre-vingt-dix pour cent de minables stupidités et neuf pour cent plus quelques décimales de gros mensonges. De la fraction réduite qui reste, il convient encore d'ôter les vérités plates ou déjà mortes, et vous verrez qu'il ne subsiste plus grand-chose comme espace de probabilité où une quelconque métaphysique puisse s'élaborer. Nous dirons tout bonnement que la société de l'information est la masse des mensonges autour de laquelle une nouvelle métaphysique critique se devra d'orbiter, en vue d'en dérégler les marées et les équinoxes, d'en transformer toute l'économie, afin de préparer l'émergence d'une nouvelle vérité.
Maurice G. Dantec, Le théâtre des opérations, p.539, Gallimard/Folio

vendredi 14 janvier 2005

Impression

Dans une banque, j'ai toujours l'impression d'y être floué.

dimanche 9 janvier 2005

La culture

Je me suis souvent trouvé en présence de personnes... qui manifestaient leur incrédulité devant le manque de culture des scientifiques. Une ou deux fois, il m'est arrivé, me sentant attaqué, de leur demander si elles pouvaient m'énoncer le deuxième principe de la thermodynamique. Leur réponse fut... négative. Et pourtant, ce que je leur demandais était l'équivalent pour la science de : avez-vous déjà lu une ligne de Shakespeare ?
C.P. Snow, The Two Cultures

La pratique du reader's digest reflète fidèlement les tendances profondes de notre temps et me fait penser qu'un jour toute la culture passée sera complètement réécrite et complètement oubliée derrière son rewriting. Les adaptations cinématographiques et théâtrales des grands romans ne sont que reader's digest sui generis.
Milan Kundera, Jacques et son maître (Introduction à une variation)

Qu'est-ce que la culture enfin ? La résurrection irrégulière et régulière de ceux qui ont bravé la mort pour créer, qui reviennent pour coudre la tradition d'hier à la vivacité d'aujourd'hui. Sans eux pas de continuité, pas d'immortalité de l'espèce humaine, sans leur renaissance pas d'histoire.
Michel Serres, Le Tiers-Instruit

samedi 8 janvier 2005

Géométrie des réseaux

« Les mêmes pensées poussent quelquefois tout autrement dans un autre que dans leur auteur; infertiles dans leur champ naturel, abondantes étant transplantées. »
Pascal, Pensées
J'ai trouvé cette épigraphe à la sixième récréation intitulée La géométrie des réseaux et le problème des dominos des Récréations Mathématiques t.4, d'Édouard Lucas, Albert Blanchard, 1975. Ces quatre tomes, publiés d'abord en 1894, sont un must pour tout amateur de jeux mathématiques.

Bribes.org

« Je me reproche de n'avoir pas, au jour le jour, transcrit sur un carnet spécial les phrases glanées au cours de mes lectures, qui méritaient de retenir l'attention, dont je voudrais me souvenir pour pouvoir les citer au besoin ; »
(25 décembre 1942 p.157)
André GIDE / Journal 1939-1949 Souvenirs / Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1954

Je respecte énormément le site Bribes de J.-P. Morel. Sobriété, rigueur. On y passe de très bons moments. C'est d'ailleurs pour cela qu'il se retrouve dans mes quelques liens donnés sur mes Jobineries. Une grande particularité du site est la possibilité de le télécharger au complet pour une consultation hors ligne. Cela a d'ailleurs valu à M. Morel d'être quelques fois outrageusement plagié. Ma seule amélioration souhaitée : un petit lien vers les nouveautés pour que les visiteurs réguliers du site puissent lire les derniers ajouts.

J'aurais bien aimé trouver la phrase ci-haut. Il me semble qu'elle pourrait triompher en épigraphe de la majorité des dictionnaires de citations. J'ai le tome 1 du journal de Gide, mais je cherche toujours le tome 2, justement pour le lire et pouvoir ainsi ajouter cette petite merveille à ma propre collection.

mardi 4 janvier 2005

Webtrouvailles

« L’élève de demain travaillera à l’aide d’un ordinateur portable, d’un PDA (assistant numérique personnel), d’un téléphone cellulaire ou d’un iPod. Il n’aura que faire d’un cahier d’exercices. Or, un livre qu’on ne range pas dans sa bibliothèque personnelle ne vaut pas un clou. »
François Guité, Relief, janvier 2005

« May your coming year be filled with magic and dreams and good madness. I hope you read some fine books and kiss someone who thinks you're wonderful, and don't to forget make some art -- write or draw or build or sing or live as only you can. And I hope, somewhere in the next year, you surprise yourself. »
Neil Gaiman, Journal
[À lire absolument ce web log d'un écrivain. -GGJ]

« Il est évident qu’un travail fondamental de l’éducation est d’apprendre à se distancier de sa propre culture, de la regarder tout en se regardant. »
Edgar Morin, Conférence, 2001 Format PDF

mercredi 29 décembre 2004

Le temps

Ce n’est pas le passe-temps qui m’intéresse,
C’est le dépasse-temps.
Claude Roy (Citation trouvée ici.)

lundi 27 décembre 2004

Einstein

Je prends parfois le temps de consulter l'origine des visiteurs de mes différents sites. Ici, par exemple, on signale ma page sur les citations d'Einstein. Dans ce message, l'auteur juge douteuses certaines des citations et, pour appuyer ce jugement, il cite un passage en anglais. Or, le livre d'où sont tirées les citations est une traduction de l'allemand. Il eût été pour le moins plus rigoureux de citer le « vrai » passage en allemand.

Ce qui est intéressant dans ce message d'une liste dont le thème est le créationnisme, c'est qu'on semble vouloir faire dire à Einstein qu'il croyait en Dieu. Ce qui, à mon avis, est tout à fait faux. Einstein avait un profond sentiment religieux. Religieux en ce sens qu'il considérait la création, la nature comme une vaste mécanique compréhensive mais dont cette compréhension, d'une très grande beauté, est susceptible de nous transporter au-delà de soi-même.

Quand Einstein parle de Dieu ne jouant pas aux dés avec le monde, il signale tout simplement qu'il est profondément déterministe. En fait, je pense qu'il fut le dernier physicien déterministe. Au 19e siècle, on croyait que si on pouvait obtenir avec précision toutes les variables de l'univers, on pourrait déterminer son futur et son passé. La mécanique quantique a démoli cette idée. Mais Einstein, têtu, n'a jamais voulu démordre de cette conception de l'univers.

Cela fera déjà 50 ans, ce 18 avril 2005, qu'Einstein est décédé. J'ai hâte de voir tous les livres qui sortiront sur celui qui fut l'un des plus grands génies que la Terre ait connus.

jeudi 23 décembre 2004

Ma citation quotidienne

« Un véritable système éducatif devrait se proposer trois objectifs. À tous ceux qui veulent apprendre, il faut donner accès aux ressources existantes, et ce à n'importe quelle époque de leur existence. Il faut ensuite que ceux qui désirent partager leurs connaissances puissent rencontrer toute autre personne qui souhaite les acquérir. Enfin, il s'agit de permettre aux porteurs d'idées nouvelles, à ceux qui veulent affronter l'opinion publique, de se faire entendre. »
I. Illich, Une société sans école, trad. Gérard Durand, p. 128, Éd. du Seuil, coll. Points n°117

vendredi 17 décembre 2004

Ma citation quotidienne

[...] seule la mise en place d'un modèle de travail actif assure l'existence d'un loisir actif. En devenant responsables dans leur travail, les individus peuvent devenir des créateurs actifs pendant leurs loisirs.
L'absence de passion pendant les loisirs est doublement tragique. Elle résulte d'un manque de passion pendant les heures de travail et la vie centrée autour du Vendredi est de plus en plus absurde. Gérés de façon externe dans leur travail, les gens attendent le Vendredi pour avoir plus de temps pour regarder la télévision et être divertis de façon externe. Les hackers, en revanche, utilisent leur temps libre - le Dimanche - comme une opportunité pour réaliser leurs passions personnelles différentes de celles qu'ils poursuivent dans leur travail.
Pekka Himanen, L'éthique hacker, trad. Claude Leblanc, p.110, Exils Éditeur, 2001

mercredi 15 décembre 2004

Ma citation quotidienne

[La normalisation est] un mot qu'aiment les dictatures de bureaucrates.
Claude Roy in Permis de séjour 1977-1982, p.241, Folio n°1700

Lire plusieurs autres citations de ce grand humaniste que fut Claude Roy.

samedi 11 décembre 2004

La connaissance

Connaître, c'est primairement computer

Nous sommes encore aux débuts de la connaissance artificielle, et nous avons interrogé les débuts de la connaissance vivante. En dépit des énormes différences de l'une à l'autre, il y a ce trait fondamental commun: connaître, c'est primairement computer. La connaissance, nous le verrons, ne se réduit nullement à la computation, mais nous pouvons supposer qu'elle comporte toujours de la computation.
Une computation est une opération sur/via signes/symboles/formes. Connaître, c'est effectuer des opérations dont l'ensemble constitue traduction/construction/solution.
Autrement dit, la connaissance est nécessairement:
- traduction en signes/symboles, et systèmes de signes/symboles (puis, avec les développements cérébraux, en représentations, idées, théories...);
- construction, c'est-à-dire traduction constructrice à partir de principes/règles («logiciels) qui permettent de constituer des systèmes cognitifs articulant informations/signes/symboles;
- solution de problèmes, à commencer par le problème cognitif de l'adéquation de la construction traductrice à la réalité qu'il s'agit de connaître.
C'est dire que la connaissance ne saurait refléter directement le réel, elle ne peut que le traduire et le reconstruire en une autre réalité.

Edgar Morin, La Méthode 3. La Connaissance de la Connaissance, Seuil, 1986

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