Jobineries

Blogue de Gilles G. Jobin, Gatineau, Québec.

samedi 3 mars 2007

Proverbe chinois

Quand un seul chien se met à aboyer à une ombre, dix mille chiens en font une réalité.

samedi 23 décembre 2006

4C

Les entreprises doivent se préparer à une évolution inexorable, elles doivent dorénavant penser leur organisation sur un mode en 4 C : communicatif, connecté, cohérent et communautaire. Elles n'ont pas le choix, elles sont appelées à se réinventer en devenant modestes, facilitatrices et éthiques pour garder la confiance des consommateurs. De la même façon, les hommes politiques doivent combattre le décalage qui existe entre eux et les citoyens.
Thierry Maillet dans une entrevue sur Influencia.

mardi 12 décembre 2006

Gracian

Via les commentaires sur Au fil de mes lectures, on me demande parfois si je connais l'origine exacte de certaines citations. Ce fut le cas récemment à propos de l'expression « Vivre et laisser vivre. » 

Le web semble être bien silencieux au regard cette maxime fort populaire. Je me suis donc mis à la fouille dans mes nombreux recueils de citations et mes bases de données.

Après plusieurs minutes, je suis tombé sur :
Pour vivre, laisser vivre

de Baltasar Gracian tiré de L'Homme de Cour. Cela se trouve dans le Dictionnaire illustré des pensées et maximes, Ed. Seghers, 1963.

Comme je n'aime pas beaucoup n'avoir qu'une seule source, j'ai vérifié dans le dictionnaire Robert de Citations du Monde Entier. On y trouve plusieurs citations extraites de l'Homme de Cour, mais pas celle mentionnée plus haut. J'avoue tenir en très haute estime les dictionnaires de citations chez Robert, et l'absence de ce Pour vivre m'inquiétait un peu.

Je me suis alors tourné vers l'excellentissime Encyclopédie des Citations de Dupré (1959). On y trouve quelques citations de Garcian mais encore là, absence de « Pour vivre... » D'ailleurs, Dupré donne non pas L'Homme de Cour comme référence mais bien Maximes de l'homme de Cour, trad. Amelot de la Houssaie. Curieusement, le Robert cite bien le même traducteur (1684).

J'ai donc recherché l'oeuvre sur le web pour la trouver sur Gallica. Un parcours rapide m'a mené à la page 116, maxime 192 :
L'homme de grande paix
est homme de longue vie.

Pour vivre, laisse vivre. Non seulement les pacifiques vivent, mais ils règnent. Il faut ouïr et voir, mais avec cela se taire. Le jour passé sans débat fait passer la nuit en sommeil. Vivre beaucoup, et vivre avec plaisir, c'est vivre pour deux ; et c'est le fruit de la paix intérieure. Celui-là a tout, qui ne se soucie point de tout ce qui ne lui importe point. Il n'y a rien de plus impertinent que de prendre à coeur ce qui ne nous touche point, et de n'y pas laisser entrer ce qui nous importe.
Conclusion : À moins que la numérisation Gallica soit erronée, le Seghers nous trompe en modifiant le laisse original par laisser. Notez cependant qu'il a peut-être suivi une autre traduction. Cette absence de précision à l'égard du traducteur mine la crédibilité de ce dictionnaire format papier.

Pour terminer, notez que l'oeuvre se trouve, en format beaucoup plus malléable que le PDF de Gallica, chez Wikisource.

vendredi 24 novembre 2006

Bischoff

Le Père Bischoff, Rédemptoriste, a publié en 1899 un petit recueil de citations appelé Une Gerbe d'Or. 155 pages de pensées, souvent plus catholiques les unes que les autres du genre :
Voulez-vous être purs ? Soyez charitables.

Est bien puissant quiconque veut toujours ce que Dieu veut. (Sainte Mathilde)

Tous les hommes peuvent être utiles, Dieu seul vous est indispensable.

Le blasphème porte malheur.
Ce qui n'empêche pas de trouver parfois des citations intéressantes :
De la plus douce raillerie à l'offense, il n'y a qu'un pas.

L'égoïsme est comme l'embonpoint; plus on en a, plus on est gêné par celui des autres. (J. Lemaître).
Cependant, en page 104, on trouve celle-ci :
L'esprit humain est pendu à l'infini par sa racine. (Flatons)
Ma question, encore sans réponse : qui est donc ce monsieur Flatons ? N'hésitez pas à laisser un commentaire si vous trouvez !

mardi 21 novembre 2006

Detoeuf

Je viens de tomber sur quelques citations d'Auguste Detoeuf, essayiste français mort en 1947.
  • La publicité s'impose ou n'est pas. On ne réussit pas auprès de la foule par la discrétion et le marivaudage. La publicité, c'est le viol.
  • J'ai souvent vu des techniciens avoir des avis contraires, je n'en ai jamais vu avoir tort.
  • CONSULTER.- Façon respectueuse de demander à quelqu'un d'être de votre avis.
J'ai commandé son Propos d’O.L. Barenton, confiseur chez un bouquiniste de Québec.

jeudi 9 novembre 2006

Ceux qui sont assez fous...


Les fous
Les marginaux
Les rebelles
Les dissidents
Les anticonformistes
Tous ceux qui voient les choses différemment
Qui ne respectent pas les règles
Vous pouvez les approuver ou les désapprouver
Les glorifier ou les dénigrer
Mais vous ne pouvez pas les ignorer
Car ils changent les choses
Ils inventent
Ils imaginent
Ils explorent
Ils créent
Ils inspirent
Ils font avancer l'humanité
Nous créons des outils pour ces gens-là
Car seuls ceux qui sont assez fous pour penser qu'ils peuvent changer le monde, y parviennent.


Publicité d'Apple Computer dans Le Monde du 6 février 1998.
Rendons hommage à tous les illuminés
Les rebelles
Les agitateurs
Les originaux
Ils ont permis de voir les choses autrement
Aucune règle ne les régit
Aucun statu quo ne les satisfait
Vous pouvez les citer, les dénoncer, les admirer ou encore les détester
Mais jamais vous ne pouvez les ignorer
Puisque ce sont eux qui changent les choses et poussent la race humaine au dépassement

Certains voient en eux la folie; nous, nous y voyons du génie.

Parce que ceux qui sont assez fous pour penser qu'ils peuvent changer le monde
Sont souvent ceux qui le changent.

Publicité d'Apple à l'occasion des 25 ans de l'Aquops.
(Merci à M. Jean Sylvestre pour le lien.)

dimanche 29 octobre 2006

Citation du jour

Cet enfant joue. À partir de quel instant a-t-il des opinions qui vaillent la mort ?
Antoine de Saint-Exupéry, Carnets, p.64, Éd. Gallimard, 1953.

jeudi 26 octobre 2006

Les choses sont simples

Les choses sont simples.
Il y a la vie et il y a la mort.
On se trouve soit dans un bord, soit dans l'autre.
Jamais dans les deux en même temps, même si la vie et la mort sont liées.

Alors vérifiez vos gestes, dans votre manière d'envisager demain, vérifier de quel coté vous êtes, et si vous ne surprenez pas de désirs, d'envies, d'illusions et de rêves, de peurs et de tendresse, si vous ne pouvez pas vous regarder en face sans vous raconter d'histoires ou accuser quelqu'un, si vous n'avez pas d'amis parmi les femmes les hommes les enfants et quelques animaux, si vous n'êtes pas capables de vous courber pour aimer, d'honorer sans trembler, de donner sans attendre, de vous réjouir sans jalouser, c'est que vous êtes du coté de la mort…

Si vous êtes du coté de mort, alors inventez-vous des dieux qui vous laissent libres, des rêves qui vous élèvent, des peurs qui enseignent l'exigence, des peuples et des amis qui vous donnent l'exemple et le courage.
Parlez aux fleurs, aux rivières et aux vents comme si c'était vous même.
Regardez les hommes comme de petits soleils, ayez des émotions et des admirations, laissez-vous emporter par la bonté et le désir d'offrir, aimez ce qui est vivant, qui rit, qui pleure, qui chante et chantez avec eux.

Ne soyez pas tendres avec votre corps, soyez bienveillant avec tout le monde, ne vous apitoyez jamais sur vous-même, prenez la douleur comme signe de vie, les ennuis comme l'écume de l'action.
Les larmes ne servent qu'à nettoyer les yeux et utilisez les pour dégager votre cœur.
Dites-vous que personne ne peut rien pour vous, que personne n'est la cause de vos manques et souffrances, que vous êtes seul à décider si vous êtes du manger pour la mort ou du manger pour la vie.

Créez-vous une richesse qui n'a rien à voir avec les biens de ce monde, faites battre votre cœur et votre esprit.
Aimez la solitude comme on va vers les autres, conservez le silence comme on prend la parole.
Tombez quand il le faut, mais ne rester jamais à terre.
Changez tous les jours, et rester ce que vous êtes dans ce changement qui va.
Chercher chaque jour quelque chose à apprécier, quelque chose à célébrer, quelque chose à construire.

Là où il n'y a pas d'hommes, soyez des hommes.
Là où il y a des hommes, soyez des frères.
Là où il y a des frères, soyez des pairs.
Soyez dans rien pour être dans tout.
Là où l'on prie, écoutez ce qui monte, là où on ne prie pas, voyez ce qui se fait.
Là où l'on aime, aimez plus que tout au monde.
Là où on n'aime pas , chérissez la beauté, gardez un œil sur vous, un œil qui doit vous trouver beau !

Faites de manière impeccable ce que vous pouvez faire, et ça vous le pouvez !
Et je vous le dis, sacrés morpions ! La mort n'aime pas ces manières-là !
Patrick Chamoiseau, Biblique des derniers gestes.

C'est Rémi qui m'a laissé ce texte dans la section commentaire d'Au Fil de Mes Lectures. Merci à lui !

jeudi 19 octobre 2006

Mon utopie (Jacquard)

Alors oui, l'École continue tout le long d'une vie. Une culture bloquée sur un temps scolaire est la négation même de la culture scientifique. Il n'y a de science que par une École permanente. C'est cette école que la science doit fonder. Alors les intérêts sociaux seront définitivement inversés : la Société sera faite pour l'École et non pas l'École pour la Société.
G. Bachelard, La formation de l'esprit scientifique, 1938



[Sur un schéma où] chaque humain est un point, il faut dessiner des flèches allant de l'un à l'autre et de l'autre à l'un. La réalité d'une collectivité est dans l'entrelacs de ces flèches.
Éduquer, c'est apporter du contenu à ces liens, c'est créer des réciprocités, c'est proposer à chacun d'être l'un des dépositaires du trésor collectif, d'être de ceux qui l'enrichiront, d'être aussi face à la génération suivante, un passeur de témoin. (p. 158)

La cité idéale est celle où tout est école. (p. 160)

L'éducation est semblable à un art; elle est une création perpétuelle qui progresse en provoquant des rencontres toujours nouvelles. [...] Le système éducatif peut donc être défini comme le lieu où l'on enseigne et où l'on pratique l'art de la rencontre. (p. 163)

Or l'éducation n'a nul besoin de palmarès. À quoi peut bien servir le constat que l'élève X est « meilleur » que l'élève Y ? Ce besoin est arbitrairement suggéré par la société, qui propose en effet à chacun de se contenter du confort intellectuel qu'apporte la soumission à de multiples hiérarchies. Elle nous fait admettre qu'un parcours de vie se résume à un enchaînement de sélections. Pour jour véritablement son rôle, l'école devrait tout au contraire tenir compte du potentiel créateur de chacun. (p. 168)

Le risque est grand que l'on réfléchisse à l'éducation avec une mentalité d'ingénieur s'efforçant de produire des objets définis avec précision, ou avec un regard d'économiste, de comptable, s'efforçant de dégager la meilleure rentabilité. (p. 170)

Les examens, considérés comme des événements importants qui rythment la succession des trimestres, y tiennent une place démesurée. Charles Pepinster, du GBEN, a calculé que, compte tenu de leur préparation et de leur correction, ils représentent une durée totale de deux années sur les douze des études primaires et secondaires. Ce sont deux années inutilement consacrées non à aider les élèves, à les faire progresser mais à les juger, les sélectionner, les exclure. (p. 183)

[...] La liberté de chacun ne peut s'épanouir que si la société ne possède pas trop d'informations sur lui. « Je suis celui que l'on me croit », dit un personnage de Pirandello. Mieux encore serait : « Laissez-moi devenir celui que je choisis d'être. »(p.193)

mardi 17 octobre 2006

Citation du jour

À vouloir trop réfléchir à la place des gens, on finit par croire que l'on sait comment ils pensent ; et en général, on se trompe...
Ange-Gabriel C. dans l'article Ubuntu veut-il devenir le prochain Microsoft ?

dimanche 15 octobre 2006

De l'indifférence

Extraits du Précis de décomposition de Cioran, 1949.

En elle-même, toute idée est neutre, ou devrait l’être ; mais l’homme l’anime, y projette ses flammes et ses démences ; impure, transformée en croyance, elle s’insère dans le temps, prend figure d’événement : le passage de la logique à l’épilepsie est consommé… Ainsi naissent les idéologies, les doctrines, et les farces sanglantes.
Idolâtres par instinct, nous convertissons en inconditionné les objets de nos songes et de nos intérêts. L’histoire n’est qu’un défilé de faux Absolus, une succession de temples élevés à des prétextes, un avilissement de l’esprit devant l’Improbable. Lors même qu’il s’éloigne de la religion, l’homme y demeure assujetti ; s’épuisant à forger des simulacres de dieux, il les adopte ensuite fiévreusement : son besoin de fiction, de mythologie triomphe de l’évidence et du ridicule. Sa puissance d'adorer est responsable de tous ses crimes : celui qui aime indûment un dieu, contraint les autres à l'aimer, en attendant de les exterminer s'ils s'y refusent. Point d’intolérance, d’intransigeance idéologique ou de prosélytisme qui ne révèlent le fond bestial de l’enthousiasme. Que l’homme perde sa faculté d’indifférence : il devient un assassin virtuel ; qu’il transforme son idée en dieu : les conséquences en sont incalculables.

L'envie de devenir source d'événements agit sur chacun comme un désordre mental ou comme une malédiction voulue. La société, - un enfer de sauveurs ! Ce qu'y cherchait Diogène avec sa lanterne, c'était un indifférent...

[...] Toute foi exerce une forme de terreur, d'autant plus effroyable que les « purs » en sont les agents. On se méfie des finauds, des fripons, des farceurs ; pourtant on ne saurait leur imputer aucune des grandes convulsions de l'histoire ; ne croyant en rien, ils ne fouillent pas vos coeurs, ni vos arrières-pensées  ils vous abandonnent à votre nonchalance, à votre désespoir ou à votre inutilité ; l'humanité leur doit le peu de moments de prospérité qu'elle connut : ce sont eux qui sauvent les peuples que les fanatiques torturent et que les « idéalistes » ruinent.

Dans tout homme sommeille un prophète, et quand il s'éveille il y a un peu plus de mal dans le monde...

vendredi 13 octobre 2006

La Noumanité

Trouvé ici ce très beau texte de Stig Dagerman écrit en 1950 dans l'hebdomadaire Vi. Traduit du Suédois par Philippe Bouquet, on trouve cet extrait dans La Dictature du chagrin, Agone 2001.

Parler de l’humanité, c'est parler de soi-même. Dans le procès que l'individu intente perpétuellement à l'humanité, il est lui-même incriminé et la seule chose qui puisse le mettre hors de cause est la mort. Il est significatif qu'il se trouve constamment sur le banc des accusés, même quand il est juge. Personne ne peut prétendre que l'humanité est en train de pourrir sans, tout d'abord, constater les symptômes de la putréfaction sur lui-même, sans avoir lui-même commis de mauvaises actions. En ce domaine, toute observation doit être faite in vivo. Tout être vivant est prisonnier à perpétuité de l'humanité et contribue par sa vie, qu'il veuille ou non, à accroître ou à amoindrir la part de bonheur et de malheur, de grandeur et d'infamie, d'espoir et de désolation, de l'humanité.

C'est pourquoi je puis oser dire que le destin de l'homme se joue partout et tout le temps et qu'il est impossible d'évaluer ce qu'un être humain peut représenter pour un autre. Je crois que la solidarité, la sympathie et l'amour sont les dernières chemises blanches de l'humanité. Plus haut que toutes les vertus, je place cette forme que l'on appelle le pardon. Je crois que la soif humaine de pardon est inextinguible, non pas qu'il existe un péché originel d'origine divine ou diabolique mais parce que, dès l'origine, nous sommes en butte à une impitoyable organisation du monde contre laquelle nous sommes bien plus désarmés que nous pourrions le souhaiter.

Or, ce qu'il y a de tragique dans notre situation c'est que, tout en étant convaincu de l'existence des vertus humaines, je puis néanmoins nourrir des doutes quant à l'aptitude de l'homme à empêcher l'anéantissement du monde que nous redoutons tous. Et ce scepticisme s'explique par le fait que ce n'est pas l'homme qui décide, en définitive, du sort du monde, mais des blocs, des constellations de puissances, des groupes d'États, qui parlent tous une langue différente de celle de l'homme, à savoir celle du pouvoir.

Je crois que l'ennemi héréditaire de l'homme est la macro-organisation, parce que celle-ci le prive du sentiment, indispensable à la vie, de sa responsabilité envers ses semblables, réduit le nombre des occasions qu'il a de faire preuve de solidarité et d'amour, et le transforme au contraire en codétenteur d'un pouvoir qui, même s'il paraît, sur le moment, dirigé contre les autres, est en fin de compte dirigé contre lui-même. Car qu'est-ce que le pouvoir si ce n'est le sentiment de n'avoir pas à répondre de ses mauvaises actions sur sa propre vie mais sur celle des autres ?

Si, pour terminer, je devais vous dire ce dont je rêve, comme la plupart de mes semblables, malgré mon impuissance, je dirais ceci : je souhaite que le plus grand nombre de gens possible comprennent qu'il est de leur devoir de se soustraire à l'emprise de ces blocs, de ces Églises, de ces organisations qui détiennent un pouvoir hostile à l'être humain, non pas dans le but de créer de nouvelles communautés, mais afin de réduire le potentiel d'anéantissement dont dispose le pouvoir en ce monde. C'est peut-être la seule chance qu'ait l'être humain de pouvoir un jour se conduire comme un homme parmi les hommes, de pouvoir redevenir la joie et l'ami de ses semblables.
Lianes
Librairie La Gryffe
L'Enfant brûlé, chez Critiques ordinaires.

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