Jobineries

Blogue de Gilles G. Jobin, Gatineau, Québec.

samedi 27 novembre 2004

Diophante

[...] la plus belle de toutes les sciences, celle du nombre [...]
Eschyle, Prométhée enchaîné.

Dimanche dernier, j'ai fait une petite recherche sur Abebooks sur les six livres arithmétiques de Diophante. Quelle ne fut pas ma surprise de voir qu'un bouquiniste d'Ottawa en possédait une copie. J'ai immédiatement posé ma commande. Le mercredi suivant, ô surprise! je répondais à un appel téléphonique où le bouquiniste en question me proposait de me livrer le livre en main propre! J'ai donc eu le grand plaisir de rencontrer M. Gaétan Jeanrond avec qui j'ai échangé près de 45 minutes.

J'ai toujours eu un faible pour Diophante d'Alexandrie, dont on ne sait à peu près rien. Et puis, si j'ai étudié les mathématiques, c'est bien à cause de ce livre. Au milieu des années 60, j'étais en 6e année et un bon vendredi après-midi, pour nous détendre, l'enseignant a mis au tableau l'équation suivante :
xn + yn = zn
Il nous a alors expliqué que personne, absolument personne n'avait trouvé une solution rationnelle à cette équation pour n>2. Et que si on en trouvait une, on pourrait faire plein d'argent car on offrait une rondelette somme pour une solution à cette équation. Il nous a expliqué que cette équation provenait d'une note posée en marge d'un livre d'arithmétique (précisément celui de Diophante) par Pierre de Fermat. Le texte de Fermat est le suivant :

Décomposer un cube en deux autres cubes, une quatrième puissance, et généralement une puissance quelconque en deux puissances de même nom au dessus de la seconde puissance, est une chose impossible, et j'en ai assurément trouvé l'admirable démonstration. La marge trop exiguë ne la contiendrait pas.

Fermat commentait le problème VIII et IX du deuxième livre  : « Diviser un carré donné en deux autres carrés. » (Précis des Oeuvres Mathématiques de Fermat, éd. Gabay). Dans l'édition ci-dessus de Paul ver Eecke, le problème est plutôt traduit ainsi : « Partager un carré proposé en deux carrés. »

Je me rappelle toute la fascination qu'exerçait sur moi cette équation. Il suffisait de trouver une combinaison qui marche, une combinaison de quatre nombres, une combinaison cherchée depuis des siècles. Grâce à cet enseignant, j'ai su que les nombres recelaient un mystère grandiose. Mystère qui ne demandait qu'à être percé. Dans les semaines suivantes, j'ai passé des heures et des heures à tenter de trouver une solution par essai-erreur. C'était devenu un passe-temps.

Si je pouvais retourner dans le temps et visiter un personnage auquel j'aimerais poser une question, c'est vers Pierre de Fermat que je me dirigerais. Je lui demanderais de me jeter sur un grand bout de papier cette preuve magnifique qui ne pouvait tenir dans la marge de son Diophante.

mercredi 17 novembre 2004

Gödel

La collection « Les génies de la science » (Pour la Science) est très bien faite. Il vient tout juste de paraître un numéro sur Gödel. Je l'ai rapidement feuilleté et je suis tombé sur l'article dans lequel on apprend que Gödel, au cours des années 40-50 a développé un modèle cosmologique original.

Un extrait :

En étudiant les équations de la relativité d'Einstein, Gödel a remarqué que parmi les solutions de ces équations, certaines étaient des modèles d'espace-temps dont les lignes d'univers étaient fermées. [...] Que signifie une ligne d'univers fermée dans l'espace-temps ? Une telle ligne est une trajectoire où l'on revient au point initial (d'espace-temps), c'est-à-dire non seulement aux coordonnées spatiales initiales, mais à la coordonnées temporelle initiale : un personne empruntant une telle trajectoire remonterait le temps simplement en la suivant... « Si nous voyageons à bord d'un vaisseau spatial suivant une courbe suffisamment grande, explique Gödel, il est possible, dans ces univers, de se rendre dans n'importe quelle région du passé, du présent ou du futur et d'en revenir, exactement comme il est possible dans d'autres univers de se rendre dans des parties éloignées de l'espace.» (pages 81-82)

En lisant cela, ça me désole de ne pouvoir être là dans 200 ans. Il me semble que toutes ces idées risquent de trouver une niche technologique intéressante dans le futur. D'un autre côté, il faut garder espoir : peut-être que mon petit-petit-petit-fils viendra me visiter un jour ou l'autre !