Jobineries

Blogue de Gilles G. Jobin, Gatineau, Québec.

samedi 25 juin 2005

Le double

La lecture d'un Saramago est toujours en expérience unique. L'auteur écrit généralement sans paragraphe et où tous les dialogues sont en quelque sorte sur une même phrase. Par exemple : « Bonjour, dit-il, Tiens, bonjour, Je vous interromps, demanda-t-il, Non, non, quelle idée, je jetais juste un deuxième coup d'oeil, j'ai pratiquement tout corrigé, Comment vont-ils, Qui, Vos élèves, Comme d'habitude, couçi-couça, ni bien ni mal, Exactement comme nous quand nous avions leur âge, dit le mathématicien avec un sourire. » La virgule agit comme un tiret, mais cela donne vraiment l'impression de suivre, en bon observateur, la conversation. Autre caractéristique intéressante : il arrive que l'auteur, Saramago lui-même, interrompe son histoire pour parler à son lecteur : Saramago nous accompagne dans le livre. Pour faire un peu court, le thème du double constitue la trame du roman : un professeur d'histoire découvre dans un film loué à un club vidéo son double parfait. Double qui vit dans la même ville que lui. Il partira en quête de son identité, pensez-vous? Oui et non. C'est un peu plus complexe que ça : Notre bon professeur sait très bien qui il est. La découverte de son double (où est-ce lui qui est le double de l'autre) chamboulera sa vie, mais sans provoquer vraiment une crise identitaire. Excellent roman.

lundi 6 juin 2005

Gourio : Apnée

Apnée de Jean-Marie Gourio fait partie de cette catégorie de livres dont je ne sais trop qu'en penser. En résumé, c'est l'histoire d'une femme, Chantal, dont la petite fille de 6 ans se fait violer et tuer par son voisin. Vingt-quatre ans plus tard, elle attend le meurtrier à la sortie de prison : « je ne veux pas me venger, je veux que cet homme me rende mon enfant, elle est à moi, il me l'a prise, il doit me la rendre... » Tout le livre est un voyage dans la tête de cette femme. Évidemment, on peut facilement condamner l'espèce de morbidité maladive de Chantal. Cependant, je crois que s'il m'arrivait de perdre une de mes enfants ou mon petit-fils, il me semble que j'aurais de la misère à m'en remettre « normalement ». Le livre décrit donc une possible survie à cette horreur.

Il vaut aussi la peine de lire ce petit livre de 154 pages pour le style extrêmement efficace de l'auteur : pas un seul point final dans ce livre, pas un seul paragraphe, tout est séparé par des virgules, et, parfois, Chantal se remémore ou récite des poèmes. C'est extrêmement efficace : on ne peut interrompre facilement la lecture pour vaquer à ses occupations quotidiennes. On doit presque le lire d'une traite. Prévoyez donc de vous installer dans une bulle de quelques heures, et prévenez les gens de ne point vous déranger.

À conseiller, même si je ne sais trop qu'en penser...