Jobineries

Blogue de Gilles G. Jobin, Gatineau, Québec.

mercredi 11 août 2004

Le vol des cigognes

J'ai lu ce polar de Jean-Christophe Grangé suite à un commentaire enthousiaste de ma nièce Sabine. C'est écrit sous forme de best-sellers c'est-à-dire qu'à la fin de chaque chapitre, on n'a quasi pas le choix de poursuivre sa lecture. Ce qui me dérange le plus dans ce livre, c'est peut-être le peu de vraisemblance. Deux exemples : Louis, le héros du livre, à son premier assassinat, ne réagit presque pas. Or, c'est un type très rangé qui a passé sa vie à l'école  : il en sort tout juste, à 32 ans, avec un doctorat en histoire... Ailleurs, Interpol lui permet de rencontrer Sarah en prison alors que l'organisme n'a absolument aucune raison logique de donner cette permission. Comme si un petit ornithologue amateur pouvait dicter ses exigences à Interpol ! L'histoire est certainement bien racontée quoiqu'assez prévisible. Lirais-je un second livre de cet auteur - j'ai en réserve Les rivières pourpres ? Certainement ! Le vol des cigognes est le premier livre de Grangé, et j'ai bien l'impression que l'auteur ne peut que s'améliorer. Ce fut une belle lecture d'été.

jeudi 5 août 2004

Encyclopédie des mots historiques

Au travers Abebooks, j'ai fait l'acquisition des deux tomes de cette encyclopédie (Historama, Paris 1970). Deux magnifiques volumes dans un état neuf.

Description du bouquiniste :

2 volumes en reliure éditeur au 1er plat décoré, pièce de titre et de tomaison, in 8, 19x13, lettrines, illustrations à pleine page et dans le texte, préface d'Albert Demazière, index alphabétique des auteurs et des citations, bel exemplaire sur alfa bouffant de luxe. 290+286 pages.

Pour moins de 20$ l'ensemble, j'ai l'impression d'avoir fait un très bel achat. L'encyclopédie est bourrée d'illustrations choisies parmi des gravures de livres anciens.
Sur chaque page (voir l'image), on trouve l'auteur (ou l'auteur présumé), l'année du « mot historique », le mot lui-même et une explication. Par exemple, en page 61 on a la citation : Tout est perdu, fors l'honneur.. Il est de François Ier, 25 février 1525. L'encyclopédie donne l'explication suvante :
On ne sait qui a éprouvé le besoin de réduire aux dimensions d'un télégramme le billet qu'adresse François Ier (1494-1547) à sa mère, la duchesse d'Angoulême, régente du royaume en son absence, le lendemain de la désastreuse bataille de Pavie (24 février 1525) à l'issue de laquelle il eut la douleur de voir son armée battue par les Impétiaux et lui-même fait prisonnier par Charles Quint.
Voici le texte de son billet :
« Madame, pour vous faire savoir comment se porte le reste de mon infortune, de toutes choses ne m'est demeuré que l'honneur et la vie qui est sauve. »

Othon Guerlac, dont j'admire la rigueur, dans Les Citations françaises (Armand Colin, 1931), précise : « En réalité, c'est la forme abrégée d'une lettre plus longue publiée pour la première fois par Dulaure (Histoire de Paris, 1837, t.III, p. 209.) »

Voici ce qu'en dit le dictionnaire Les mots de l'histoire (Larousse, In extenso, 1998, pp. 532-3) : L'honneur d'un roi n'a-t-il jamais consisté à se faire battre à plate couture ? Mais le souverain fait ici allusion à l'héroïsme qu''il démontra réellement dans ce désastre. De fait, renversé de son cheval tué sous lui, se défendant à pied, quoique blessé, méconnaissable, le roi aurait été tué par les Espagnols, si quelques Français combattant dans les rangs des Impériaux ne l'avaient identifié et tiré de ce très mauvais pas... Le mot a été repris par Napoléon à son retour de Waterloo [...]. Plus loin, le dictionnaire reprend l'explication de Guerlac.

C'est toujours intéressant de comparer le traitement de différents dictionnaires pour un même thème.

mercredi 4 août 2004

Comment il ne faut pas écrire

Je suis en train de lire ce petit livre publié chez Plon en 1921. Je suis vraiment sous le charme après une soixantaine de pages - le livre en compte 286.

Pour donner un peu le ton de Monsieur Albalat, ce début du chapitre IX. Je ne suis pas rendu là dans ma lecture, mais comme ce chapitre porte le titre de L'abus des maximes et sentences, je n'ai pu m'empêcher d'y jeter un coup d'oeil.

« Jamais on n'a tant publié de recueils de pensées. On dresserait un interminable catalogue de ces sortes de livres, et il y en a d'excellents, Laténa, Louis Dépret, Alph. Séché, A. Ducros, Mme Calmon, Thiaudière, Georges d'Avenel, Cohin, Étienne Rey, sans compter les Pensées choisies de Balzac, Capus, Hervieu, Donnay, Marcel Prévost et même Napoléon. Ainsi se continue la tradition de La Rochefoucauld, La Bruyère, Rivarol, Chamfort, Duclos, Sénac, Joubert, etc. Ce genre de littérature a tout envahi. La suprême ambition des trois quarts de ceux qui tiennent un plume est de passer pour des moralistes. C'était autrefois un signe de maturité ; aujourd'hui, c'est par là que l'on débute. » (p.157)

Un autre exemple, page 38 :

« L'usage du passé défini a quelque chose de déplacé dans la prose de notre temps. Il n'y a plus que MM. les académiciens qui emploient encore cette façon de parler. Un discours sans passé défini ne leur semblerait plus un discours académique. Ces messieurs s'imaginent parler la langue du grand siècle quand ils disent  :

Vous fûtes élevé dans ce milieu exemplaire et familial, qui fut, comme vous le déclarâtes plus tard, le germe même et la raison de vos idées et de vos oeuvres. Vous grandîtes ainsi au milieu des conseils éclairés d'un entourage qui se passionnait pour la culture intellectuelle et scientifique, à laquelle vous rendîtes si souvent hommage. C'est alors que vous décidâtes de choisir cette carrière où de si beaux exemples vous avaient prédédé. »

Et un peu plus loin (p.39) : « Quand Moréas dit dans ses poésies : " Et les flûtes, vous les voulûtes ", c'est qu'il les voulait, en effet. »

Qui était Antoine Albalat ? Les dictionnaires sont à peu près silencieux. Et je pense que le web le serait quasi tout autant n'eût été ma lecture de son Art d'écrire (Armand Colin, réédition 1992) et des nombreuses citations que j'y ai trouvées. En quatrième de couverture de ce livre, on apprend qu'Albalat (1856-1935) était romancier et critique. Ses thèses et ses préceptes eurent longtemps beaucoup de détracteurs ; ils comptent désormais un très grand nombre d'adeptes.

Cela me laisse perplexe car il semble bien que ses livres hormis Le travail du style soient épuisés chez l'éditeur.

Heureusement, il y a abebooks.fr qui m'a permis de trouver, en plus du Comment il ne faut pas écrire, Comment on devient écrivain (1925, les pages n'étaient pas découpées) et La formation du style par l'assimilation des auteurs (1901, très beau livre en excellent état).