Jobineries

Blogue de Gilles G. Jobin, Gatineau, Québec.

mardi 30 janvier 2007

À Télé-Québec

C'est en décembre que j'ai été interviewé pour l'émission Méchant Constraste. J'ai pu voir ce que cela a donné hier soir. On est toujours un peu craintif du choix des extraits retenus par un journaliste, mais je suis finalement satisfait.

Dans la section EXTRAS du site, on peut m'entendre un peu plus longuement qu'à l'émission même.

À lire aussi les notes de mon copain Pierre.

lundi 29 janvier 2007

Réponse à un édito d'Infobourg

Je réponds ici à un éditorial paru aujourd'hui sur l'Infobourg. En citation, les propos de l'Infobourg.
[M. Bibeau] n’est pas d’accord avec la dichotomie que monsieur Jobin fait des TIC, à savoir qu’il y aurait des TIC « ustensiles » (traitement de texte, chiffrier, logiciel de présentation) et des TIC « pour changer le rapport de l’élève au savoir » (blogue, wiki). « Comme s’il y avait des TIC honteuses et d’autres tout à fait dans le vent; des TIC antipédagogiques et d’autres intrinsèquement pédagogiques, comme si ceux qui utilisent les premières étaient dans l’erreur et faisaient fausse route », soutient-il.
Je n'ai jamais parlé de TIC honteuses et antipédagogiques. Je dis qu'utiliser l'informatique comme ustensile est bien différent de l'utiliser comme extension et amplification de la pensée. À l'école, tout le monde fait de la bureautique à des niveaux adaptés aux jeunes. Est-ce honteux? Certainement pas, et je trouve très malheureux que M. Bibeau croit que je le pense. Quant au mot antipédagogique, je ne l'ai jamais mentionné. Je ne l'ai même jamais pensé.
Bien sûr que je crois qu'il y a des différences importantes entre l'utilisation d'un traitement de texte et l'utilisation d'un blogue. Mais que ce soit pour l'un ou pour l'autre, on peut en faire un acte pédagogique ou non. Je crois cependant que l'utilisation d'un blogue est beaucoup plus intégrateur que l'utilisation de Word. C'est tout.
D’ailleurs, n’oublions pas que les enfants d’aujourd’hui ont besoin d’apprendre à se servir d’outils comme le traitement de texte puisqu’ils auront pratiquement tous à les utiliser au cours de leur vie professionnelle à venir.
Bien sûr ! Mais 11 ans de Word et de PowerPoint, c'est un peu long, non?
Par exemple, il précise qu’un blogue sans lecteur et surtout sans commentateur n’arrivera pas à ses fins, notamment l’interaction entre les élèves. Il faut donc une certaine animation, un suivi pédagogique. Un projet où les élèves prépareraient un document PowerPoint ou Impress, puis le présenteraient à d’autres élèves par le biais de la vidéoconférence pourrait aussi les amener à interagir.
Un blogue sans lecteurs? Diable, le web est un véritable cimetière de blogues et de sites. Comment savoir si un blogue est sans lecteur? Il ne faut pas oublier que bloguer, c'est d'abord écrire. Que ce soit à la suite de la lecture d'un livre, du visionnement d'un film, d'une participation à l'harmonie de l'école, etc. il faut bien attendu un suivi pédagogique ! Qui dirait le contraire ?

Un blogue scolaire doit-il être différent d'un vrai blogue? À chacun de répondre. Pour ma part, le blogue est un outil extraordinaire de développement de la personne, de la structuration de la pensée, et de bien d'autres choses encore. Pour moi, un élève qui blogue, c'est d'abord être un humain qui blogue. Voilà pourquoi j'aime bien l'approche de Rochebelle ou celle de Mario Cyr (Philoblogue) : on laisse l'élève libre d'utiliser ou non l'outil. Et on l'entoure d'une aura pédagogique.

Bien sûr que l'utilisation ustensile d'un outil (comme PowerPoint) peut amener les élèves à interagir. Mais cela demeure une utilisation ustensile. Est-ce de l'intégration des technologies? Si on répond oui, alors mea culpa, ça va très bien au Québec.
« Il faut se mettre au niveau de chaque enseignant et chercher à répondre à ses besoins particuliers. Il faut lui demander : qu’est-ce que tu veux faire? Et après, on lui présente les possibilités. Si c’est un blogue qui répond le mieux, on y va pour le blogue. Mais il se pourrait aussi qu’une présentation PowerPoint fasse l’affaire. Alors là, il ne faut pas dénigrer cette option ».
Mais loin de moi l'idée de dénigrer cette option. La semaine dernière, j'ai répondu à une demande de toute une école qui voulait une formation OpenOffice. Cette semaine, je rencontre des enseignants qui veulent en savoir plus sur Scribus. Mais, et j'y reviens, c'est là de l'informatique ustensile. En tant que conseiller pédagogique, je prends certainement les gens où ils sont, mais mon rôle est de les amener beaucoup plus loin. Or, depuis 25 ans, comment se fait-il qu'on en soit encore à de l'informatique ustensile? N'y aurait-il pas lieu de questionner fortement nos formations? À petits pas, nous stagnons. C'est tout.
« Attention », répond monsieur Bibeau, qui a déjà évalué qu’une telle opération coûterait entre 1 et 2 milliards de dollars au Québec. « Il faut se demander quels seront les bénéfices tangibles et réels compte tenu de l’ampleur de la dépense? Est-ce qu’il s’agit du besoin le plus urgent dans le monde de l’éducation? »
La réponse est simple et évidente. D'ailleurs elle est dans mon billet : NON, ce n'est pas un besoin urgent. Voilà pourquoi tout le monde s'en fout. Bien sûr qu'à Québec on voit ma proposition comme une dépense. Pour moi, c'est un investissement. Mais investir sans avoir la foi que cela sera rentable est effectivement suicidaire. Moi, je crois en la rentabilité de cet investissement. De toute évidence, nos élus et les fonctionnaires ne sont pas de cet avis.
Par ailleurs, ce n’est pas tout de posséder un ordinateur, encore faut-il savoir en tirer profit pédagogiquement… « Je connais des écoles où des ordinateurs dorment dans des boîtes parce que personne ne sait quoi en faire », affirme-t-il.
Je connais des dizaines et des dizaines d'enseignants qui voudraient bien faire quelque chose de pédagogique avec les TIC mais qui n'ont même pas d'ordinateur. Si des ordinateurs dorment dans des boîtes, cela veut dire que le leadership pédagogique de cette école est absent. Qu'on y change la direction de l'école, ça presse!
« Il ne faut pas penser que les élèves pensent à apprendre quelque chose aussitôt qu’ils ouvrent l’ordinateur. Il faut les guider dans leur utilisation pour que celle-ci devienne instructive et donc pédagogique », rappelle monsieur Bibeau.
C'est vrai pour un ordinateur. Mais c'est aussi vrai pour n'importe quel livre, n'importe quelle ressource. Mais pour que l'enseignant puisse guider un élève avec un ordinateur, ne faut-il pas au moins que cet enseignant et cet élève aient un ordinateur ???

Sur l'Infobourg...

Nouvel article sur l'Infobourg qui interview Robert Bibeau à propos de mon billet sur l'intégration des TIC dans les écoles. Je trouve dommage que M. Bibeau ne soit pas intervenu en laissant un commentaire à la suite de mon billet (évidemment, c'est son droit), mais je prendrai sans doute le temps de répliquer à ses propos d'ici quelques heures...

lundi 8 janvier 2007

Wikiquote : online

Wikiquote est de nouveau en ligne, et ce depuis le 4 décembre dernier. On y trouve actuellement près de 200 articles. La charte est intéressante. On y lit entre autres :
Afin d'éviter de rencontrer à nouveau les problèmes qui ont valu la fermeture du projet, toute source issue d'une extraction d'une base de donnée est interdite.
C'est pourquoi les citations sur Wikiquote doivent comporter les indications suivantes :

Citations littéraires
nom de l'auteur de la citation ;
titre de l'ouvrage ;
nom de l'éditeur ;
année de publication ;
numéro de la page dans l'ouvrage ;
nom du traducteur, le cas échéant.
L'intention est claire : éviter le plus possible l'extraction de citations provenant de bases de données sur le web, car la majorité de ces bdd ne donne pas les renseignements exigés par la charte.

Évidemment, comme Au fil de mes lectures contient déjà les bons renseignements, je vais sans doute visiter régulièrement Wikiquote pour m'assurer qu'on ne prenne pas mes trouvailles.

Selon moi, un wiki n'est vraiment pas un bon outil pour une collection de citations. Rapidement on va sombrer dans les problèmes de catégorisation et forcément des doublons vont apparaître. Je vois aussi très difficilement comment on pourra chercher efficacement les citations à partir d'un mot-clé. Mais le projet mérite un deuxième essai. On verra bien ce qu'il en sortira.

mardi 2 janvier 2007

2007, l'école et les TIC

À l'aube de l'an 2007, qu'en est-il de l'intégration des technologies de l'information et de la communication dans nos écoles québécoises ?

Tout dépend de ce qu'on entend par l'intégration des TIC. Si intégrer les TIC, c'est mettre du gras dans un texte électronique, faire une recherche sur le web ou faire de jolis acétates en PowerPoint pour illustrer cette recherche, alors on peut dire que cela va très bien.
Par contre, si on comprend l'intégration des TIC comme un processus complexe modifiant le rapport au savoir, alors on est loin du compte !

Que voulez-vous dire par rapport au savoir ?

Le mieux est de procéder par des exemples. Récemment, j'ai assisté un peu par hasard à un cours donné par un enseignant de musique au labo informatique. Les élèves avaient une feuille à remplir du genre : Années de naissance et de mort de Vivaldi, citez une oeuvre du compositeur, trouvez une anecdote, etc. La recherche se faisait sur le web, les réponses étaient données sur papier. La plupart des élèves (4e année) sont tombés sur Wikipédia, et après une vingtaine de minutes, le travail était fait. Est-ce de l'intégration des TIC? On pourrait être tenté de répondre oui. Et, ma foi, il est très heureux qu'un spécialiste du primaire ait amené ses élèves au labo. Mais si on fouille un peu plus, quelle différence y a-t-il entre cette activité, et cette même activité faite en bibliothèque dans un livre d'une encyclopédie qu'on y trouve ? Il n'y en a aucune. Si, par la suite, ces élèves sont amenés à mettre leur travail au propre et à utiliser un traitement de texte pour ce faire, il y a peu de différence entre le mettre au propre à la main ou à l'aide d'une dactylo. C'est là une utilisation ustensile de l'informatique.

Pourrait-il en être autrement ?

Bien sûr ! Au niveau de la recherche même, il faut amener les élèves à être toujours critiques face à leurs découvertes. Dans ce cas précis, aucun élève n'a pensé à comparer les différentes versions apportées par les différents auteurs de l'article. Ils recopiaient tout simplement l'information de cette page web. De plus, ils ne donnaient jamais la source de leur information. D'ailleurs, personne n'est allé sur une deuxième ressource pour comparer et vérifier les informations. Ils sont tous restés sur la même page, contents de pouvoir remplir le questionnaire. Comme ils devaient recopier le titre d'une oeuvre, aucun élève n'a eu l'idée de rechercher un fichier midi leur permettant d'en écouter des extraits (quelques ordis étaient pourtant équipés d'une carte de son). Les TIC donnent accès à une diversité de sources d'information et il ne suffit plus de trouver la bonne réponse à une question.
Bien intégrées, les TIC pourraient permettre de construire significativement le savoir. Pour poursuivre l'exemple, au niveau de la prise de notes, aucun élève n'avait accès à un wiki, un idéateur ou un outil semblable pour structurer, consigner et mettre en commun leurs données, des images ou du son. Si ces élèves avaient eu un blogue, certains d'entre eux auraient pu écrire un billet sur ce Vivaldi pour nous partager leur opinion, leur enthousiasme ou leur incompréhension de son oeuvre. Si ces élèves avaient eu un accès à un site web dynamique, via le système d'administration, ils auraient pu commencer la rédaction d'un article en vue d'une publication collective future.
Bien sûr, un ordinateur bien équipé fait plein de choses que d'autres machines faisaient auparavant. C'est une imprimerie et une maison d'édition. C'est une dactylo. C'est aussi un studio d'enregistrement, une chambre noire pour photos, une calculatrice, etc. Mais c'est aussi bien plus. C'est un amplificateur d'idées, un gestionnaire de données, des livres, une ludothèque, un système de téléphonie, un simulateur, un robot, des langages, etc.

Vous nous dites qu'en 2007, les élèves ont accès à tout cela ?

Voilà le grand malheur. Les enseignants ont de la misère à avoir des ordinateurs pour les classes. Ils en arrachent, car ils n'ont souvent pas accès à un site web personnel, n'ont pas d'applications web utiles installées pour eux et sont souvent confinés dans une standardisation de type portail. Puisque les ordinateurs sont confinés au laboratoire, les enseignants et leurs groupes n'y accèdent souvent qu'une ou deux périodes par semaine. Et puis, la formation est à peu près inexistante et, surtout, inefficace.

Le plan Marois n'était-il pas censé combler ces lacunes ?

Faisons un petit retour historique. Déjà en 1982, j'avais acheté pour ma classe 6 COCO (TRS color computer) avec des ROM LOGO. 2007-1982 = 25 ans. Je me rappelle avoir invité le conseiller pédagogique à venir voir comment cela se passait. Entré dans la classe, il s'est dirigé vers les fenêtres, m'a fait la remarque qu'il faisait très beau, et deux minutes après, a quitté le local. Il s'en foutait complètement. L'été suivant, j'ai revendu, à perte, mes ordinateurs. En 1985, c'était la grande erreur Comterm. Je ne sais combien de millions ont été engloutis dans cette histoire. En 1990, je suis allé voir mon directeur d'école (c'était le CP de 1982) lui exhortant de m'acheter un 286 pour ma classe. Je voulais mettre mes élèves sur Internet (via Freenet) pour les faire participer aux newsgroups en mathématiques entre autres. Refus complet. Pour lui, tout allait bien : les fenêtres étant toujours en place.
En 1996, le plan Marois. Au Québec, on sentait bien qu'il fallait faire un virage TIC dans nos écoles. Les écoles devaient écrire un projet justifiant une augmentation du ratio ordinateur/élève. J'avais mis plusieurs heures à écrire le plan pour mon école. Ce plan prévoyait entre autres l'ajout d'ordinateurs multimédias. Nous visions une transformation vers une école sans papier. À partir des plans des écoles, la CS devait présenter un plan consolidé au ministre. En réalité, les plans consolidés étaient bidon et le fait d'écrire un projet qui expliquait ce que nous voulions faire avec les ordinateurs était complètement inutile. La ministre voulait juste un meilleur ratio, peu importait l'usage que feraient les intervenants des ordinateurs. Notre école n'a rien eu... Je me souviens un message dans une liste de discussion de l'époque où un enseignant du secondaire lançait : « Wow, on a eu un nouveau labo informatique. Pourriez-vous me donner des idées de projets qu'on peut réaliser avec ? ». J'étais choqué : clairement, la ministre n'avait pas lu leur plan! Bien sûr, dans plusieurs cas, le plan Marois a permis, au secondaire, de monter des laboratoires informatiques pour des cours d'informatique. Mais des cours où on enseigne le Visual Basic sont très loin de l'idée d'une intégration des TIC. Le plan Marois, c'était juste une opération permettant d'augmenter le ratio ordinateur/élève. Comme les enseignants ne savaient pas ce que cela leur apportait de plus, pédagogiquement parlant, la plupart des machines sont restées inexploitées.

Le problème en est donc un de formation du personnel ?

Au début des années 90, le Ministère a mis en place les CEMIS (Centre d'enrichissement en micro-informatique scolaire). C'était une personne du primaire et du secondaire par région. Je répète par région! Une manière de se donner bonne conscience, mais comment cela peut-il être considéré comme un formateur efficace?
Au début 2000, les CEMIS ont fait place au RÉCIT (Réseau pour le développement des compétences par l'intégration des technologies) . C'était là certainement une amélioration, car d'une personne par région, on passait à une personne par CS. De plus, on a créé des RÉCIT nationaux associés aux domaines d'apprentissage. L'idée d'un animateur RÉCIT par CS est bonne, je crois. Cependant, le responsable du RÉCIT local ne fait souvent pas ce travail à plein temps.
Par ailleurs, on doit se poser de sérieuses questions sur l'efficacité et la pertinence des contenus des formations en TIC. Par exemple, est-il utile de former des enseignants qui n'ont pas leur ordinateur pour s'exercer ? Quelles distinctions y a-t-il entre l'apprentissage d'un logiciel et son utilisation dans un cadre pédagogique ? Doit-on former à Word ou à l'utilisation adéquate d'un traitement de texte ? Comment intégrer la compétence transversale TIC aux matières ?

Comment répondez-vous à toutes ces questions ?

Il n'y a pas de mystère.
D'abord, il faut absolument que tous les enseignants de la province aient leur propre machine. On ne peut apprendre si on ne possède pas son outil. L'apprentissage exige généralement une grande période d'essai-erreur. Or si un prof ne peut gaffer sur son ordinateur, il ne pourra apprendre à résoudre des problèmes TIC.
Parmi ces enseignants, plusieurs ne sauront absolument pas comment utiliser efficacement leur ordinateur. Entre alors la formation de base qui pourrait être donnée soit en groupe soit individuellement, par les pairs ou par l'animateur RÉCIT.
D'autres, qui ont déjà des bases, (Traitement de texte, courriel, web) devront apprendre à aller un peu plus loin (wiki, site web dynamique, logiciels spécialisés, graphismes, élaboration de bases de données, etc.) en développant des projets personnels (ou des projets de classe) leur permettant d'apprendre tout en s'amusant. L'animateur RÉCIT est bien placé pour accompagner ce genre d'individu. Ces enseignants sont dans la catégorie débutants.
Puis il y a les avancés. Ce sont des enseignants qui ont sans doute un ordinateur personnel depuis plusieurs années, ont beaucoup appris en mode autodidacte, ont parfois monté des projets TIC, et, souvent, ont été découragés par le peu de moyens techniques, les Deep Freeze, les proxies, et les limites des ordinateurs de misère dans nos écoles. Actuellement menacée, il faut préserver la survie cette race, car ils seront des modèles pour les débutants de leur école. On doit TOUT leur donner. Mais, surtout, on doit leur donner du temps pour qu'ils puissent développer une pensée orientée TIC dans leur environnement de travail. Ce sont des gens que l'animateur RÉCIT de la CS doit visiter régulièrement en les appuyant dans tous leurs projets et en leur ouvrant de nouvelles perspectives.

Mais tout cela coûte des sous...

Bien sûr. Mais je ne vois aucun moyen de faire autrement. Les TIC, c'est coûteux. Ou bien on y croit, et on investit. Ou bien on fait semblant d'y croire, et on fait comme maintenant. Si on juge qu'on n'a pas les moyens de payer un portable par enseignant et de les former, alors il faudrait penser à supprimer la compétence TIC de notre programme.

Mais après tout, est-ce si important l'intégration des TIC ?

Dans mon esprit, l'apprentissage des TIC est un incontournable, que cela se fasse à l'école ou ailleurs. La question est surtout de savoir si cela devrait se faire.... à l'école. On pourrait par exemple laisser la chose aux parents, ou à d'éventuels organismes extérieurs. Pour ma part, je réponds que l'école a un rôle crucial à jouer ici.

En quoi consiste ce rôle ?

Il est multiple et je crois sincèrement que seule l'école peut le remplir.
Parlons d'abord de l'importance du rôle éthique. Plusieurs questions d'ordre moral doivent être éclairées par l'école : peut-on dire n'importe quoi dans une salle de clavardage ? Les notions de spam, de virus, de publicités non sollicitées, etc. sont à la base de problèmes touchant la morale. Les choix technologiques sont-ils neutres ? Comment développer une conscience-vigilance nous permettant de faire des choix éclairés ? Quelle position prendre dans le très actuel débat logiciel propriétaire vs logiciel libre ? Que dire des moteurs de recherches "qui trouvent tout" genre Google ? Comment savoir qui dit vrai ? Comment porter un jugement sur les encyclopédies en ligne, la pornographie web, les folksonomies ?
Pensons aussi à l'aspect culture informatique. Quand peut-on joindre un fichier? Comment les types de fichiers influencent-ils nos interventions ? Le sens qu'il faut donner à une liste de diffusion. Comment réagir sur une liste de discussions, etc. Et puis, il a des connaissances pures à acquérir. Par exemple, le redimensionnement des images pour le web, l'écriture Web, la structuration des idées à l'aide d'un traitement de texte, le bon logiciel à utiliser pour un travail particulier, l'utilisation de l'ordinateur pour amplifier nos idées, etc.

Compte tenu des difficultés que vous citez (équipements insuffisants, formation inadéquate), comment vous y prendriez-vous en 2007 pour tendre vers une optimisation du rôle de l'école à l'égard de l'intégration des TIC ?

Le Ministère a annoncé des investissements dans les TIC scolaires. La mesure prévoit 29 $ par élève. Une école de 300 élèves recevra donc environ 9000 $ soit l'équivalent de 7 ou 8 ordinateurs neufs. On pourrait bien sûr acheter une clé USB aux élèves... Si on croit qu'on va faire des avancés avec ça, on nage en pleine pensée magique. Il faut donc utiliser une stratégie efficace pour tendre vers le but.
Donc, si j'étais directeur au primaire, je demanderais à un prof de diriger une classe sans papier. Pour environ 5000 $, il serait possible d'équiper une classe de portables P3-1000. J'inclus un ou deux routeurs, et des fils. En récupérant un vieil ordi de l'école, il pourrait servir de serveur de fichiers pour que les élèves puissent y déposer leurs travaux. Ce n'est pas le Pérou, mais au moins tous les élèves de la classe auraient un ordinateur qui a de l'allure. L'idée est aussi de rendre l'enseignant vivant un tel projet complètement autonome. Évidemment, il ne faut pas réseauter ces ordinateurs (ce qui rendrait l'enseignant dépendant des services informatiques de sa CS). Seul un lien internet stable suffit.
Avec les 4000 $ restants, j'achète aussi des P3-1000 que je partage dans deux autres classes qui ont des enseignants prêts à essayer. Dans ces classes, les ordinateurs ne seraient pas toujours ouverts, mais ils le seraient souvent. Je demanderais ensuite aux services pédagogiques de la CS de former sur place les enseignants. L'animateur RÉCIT pour les aspects pédagogiques novateurs, les autres CP pour agir comme modèle auprès des enseignants intégrant les TIC.
Évidemment, il faut prévoir un réinvestissement du même montant à chaque année.

Que prévoyez-vous pour 2007 ?

Rien du tout ! Si la tendance se maintient, 2007 sera aussi décevante que les cinq ou six dernières années. Pour y changer quelque chose, cela prendrait une volonté, un leadership et une vision. Mais comme l'intégration des TIC n'est pas un sujet très à la mode, on ne lui accorde pas l'importance ni les ressources pour la bien mener.