Jobineries

Blogue de Gilles G. Jobin, Gatineau, Québec.

mardi 29 août 2006

Écrire à l'école

Bien écrire, c'est comme marcher droit.
Louis Aragon, Traité du style.


Ce paragraphe dans un article publié sur l'Infobourg m'a fait un peu sourciller.
Dans la classe de Nancy Ouellet, enseignante de cinquième année à l'école Val-Joli de Val-Bélair, tous les élèves de la classe ont un ordinateur portable. Les enfants sont toutefois obligés d'écrire leur brouillon à la main, indique Mme Ouellet. « Il faut qu'ils réfléchissent par eux-mêmes aux accords de verbe et à l'orthographe », dit l'enseignante.
Écrire son brouillon à la main ferait réfléchir ! Permettez-moi d'en douter. Le crayon, la dactylo, le traitement de texte ne sont que des ustensiles facilitant le jet d'une idée sur un certain support.

Il me semble que l'ordinateur-outil est fameux pour justement aider la réflexion, faciliter le travail de la phrase, permettre de trouver le mot juste, jouer à l'essai-erreur. Par exemple, la phrase suivante : Comment oser croire, après de pareilles menaces, qu'il revienne? L'enseignant pourrait demander à l'élève de reformer sa phrase pour modifier l'atmosphère :

Comment oser croire qu'il revienne, après de pareilles menaces?

ou encore :

Après de pareilles menaces, comment oser croire qu'il revienne?

Ne sent-on pas toute la subtilité dans ces transformations ? Rapprocher le qu'il revienne du oser croire donne un effet complètement différent. Comment tenter ces essais sur le papier ? Une bonne utilisation du traitement de texte ne permet-il pas ces jeux de phrases sans que cela soit trop pénible ?

Transcrire d'abord à la main m'apparaît à cet effet une pure perte de temps, temps qu'il vaudrait mieux investir dans le travail même sur les mots, sur les phrases, sur le texte. Écrire, c'est d'abord essayer d'écrire.

dimanche 27 août 2006

Daniel Levitin

Daniel Levitin enseigne à l'Université McGill.
Malgré leur génie, des artistes comme Neil Young, Paul Simon, K.D. Lang ou Stevie Wonder pensent que leur succès est accidentel. La plupart d'entre eux estiment même que des milliers d'autres musiciens sont beaucoup plus talentueux et qu'ils ne sont pas connus parce que moins chanceux qu'eux. Chose certaine, les musiciens qui réussissent sont persévérants. Ils travaillent fort et essaient, essaient encore, malgré de multiples échecs.
La musique pour maître à penser

I think we've debunked the myth of talent. It doesn't appear that there's anything like a music gene or center in the brain that Stevie Wonder has that nobody else has.
There's no evidence that (talented people) have a different brain structure or different wiring than the rest of us initially, although we do know that becoming an expert in anything -- like chess or race-car driving or journalism -- does change the brain and creates circuitry that's more efficient at doing what you're an expert at.
What there might be is a genetic or neural predisposition toward things like patience and eye-hand coordination. (On the other hand), you can be born with a physiology that gives you a pleasant-sounding voice, but that doesn't guarantee you'll have a career as a singer.
Music Makes Your Brain Happy

Lianes

Site web de D. Levitin.
Biographie sur Wikipedia
Son livre This Is Your Brain On Music: The Science of a Human Obsession

jeudi 24 août 2006

Les GROS titres

Dans Le DROIT
«Gatineau est une championne canadienne de l'obésité et de l'embonpoint infantiles. La moitié des enfants y sont trop gros. À l'inverse, Ottawa compte les enfants les plus minces au pays.»

Quelques lignes plus bas :
"Nos chiffres sont bons à l'échelle du pays ou des provinces, mais les échantillons sont trop petits à l'échelle locale pour conclure que Gatineau est la ville la plus atteinte au pays. Ce qu'on peut dire, c'est que Gatineau, Kingston et Winnipeg se distinguent par des taux plus élevés que la moyenne nationale", tempère toutefois l'analyste de Statistiques Canada Didier Garriguet.

vendredi 18 août 2006

Ensemble, c'est tout

C'est Audrey Tautou qui jouera le rôle de Camille dans le nouveau film de Claude Berri, Ensemble, c'est tout. Le choix n'est pas mauvais, évidemment. Mais j'aurais de loin préféré y voir Mélanie Bernier, sublime dans La petite Fadette.
Photo : photosonline.canalcast.com

lundi 7 août 2006

441

Deux ans et un quatre-cent-quarante-et-unième billet. Après trois mois d'activités, j'avais déjà écrit un mini bilan. Mes observations demeurent essentiellement les mêmes : le blogue est, d'abord et avant tout, chez moi, une activité nombriliste ou, si l'on veut, une épiphanie de la pensée. Je reviens souvent à cette citation du Journal de Jules Renard : « Écrire, c'est parler sans être interrompu. » Évidemment, cela s'applique à tout le web : il suffit d'y avoir un espace éditable, le blogue n'étant, après tout, qu'une application dynamique d'édition sur le net.

Alors, après deux ans de blogueries, que puis-je en dire ? Essentiellement, chez moi, bloguer sert à maintenir un degré d'awareness, une écologie intellectuelle, comme si mon cerveau restait aux aguets de nouvelles réflexions, de nouvelles joies. Au fil d'une observation, d'une lecture ou d'un mot d'un ami, je me dis : « Diable, j'aimerais bloguer ça ! » Mes Jobineries, sans doute un peu trop éclectiques pour intéresser bien du monde (je ne reçois qu'une centaine de visites par jour, ce qui est quinze fois moins qu'Au fil de mes lectures) sont le reflet de mes attirances, mes accointances. C'est une façon de me plaire.

En éducation ? L'école est tellement lente que lorsque les enfants et les enseignants s'y mettront, mon esprit sera sans doute occupé ailleurs. Non pas que je suis en avance, loin de là : c'est juste que l'école n'est pas de son temps. Après plus de dix ans de web, on en est encore à se demander ce qu'on peut « faire faire » aux enfants sur le net. Le web, il sert à quoi, à part faire de la recherche ? La relation école-ordinateur en est encore au sempiternel traitement de texte. Le scolaire traite l'ordinateur comme une dactylo : c'est tout juste si on n'entend pas le ding à la fin d'une ligne...

Que faire alors ? Pour l'école, j'ai carrément abandonné et ce, malgré de très très beaux projets que je vivrai cette année. Il reste donc l'action individuelle : écrire sur le web, et, peut-être, espérer devenir, pour certains, un modèle du possible. Plus nous serons nombreux à le faire, plus nos enfants, nos amis connus et inconnus, nos parents découvriront peut-être eux aussi le potentiel de ce que cela peut leur apporter et apporter aux autres.

vendredi 4 août 2006

Parabole chinoise

Un vieil homme du nom de Chunglang, qui signifie « Maître des rochers », possédait un petit lopin de terre dans les montagnes. Un jour, il perdit l'un de ses chevaux. Des voisins vinrent alors lui exprimer leurs condoléances pour ce malheur.
Mais le vieil homme leur demanda : « Pourquoi pensez-vous que cela soit un malheur ? » Et voilà que quelques jours plus tard l'animal revint, suivi d'une horde de chevaux sauvages. À nouveau les voisins apparurent, pour le féliciter cette fois-ci de cette aubaine.
Mais le vieil homme leur rétorqua : « Pourquoi pensez-vous que cela soit un aubaine ? »
Les chevaux étant devenus très nombreux, le fils du vieil homme se prit de passion pour l'équitation, mais un beau jour il se cassa la jambe. Alors, encore une fois, les voisins vinrent présenter leurs condoléances et à nouveau le vieil homme leur rétorqua : « Pourquoi pensez-vous que cela soit un accident malheureux ? »
L'année suivante, la commission des Grands Flandrins arriva dans la montagne. Elle recrutait des hommes forts pour devenir valets de pied de l'empereur et porter la chaise de celui-ci. Le fils du vieil homme, toujours blessé à la jambe, ne fut pas choisi.
Chunglang ne put réprimer un sourire.
Hermann Hesse, Éloge de la vieillesse, p. 146, trad. A. Cade, Livre de poche, n° 3376.