Jobineries

Blogue de Gilles G. Jobin, Gatineau, Québec.

mardi 28 juin 2005

Typographie

Lors d'une formation donnée hier matin, je mentionnais aux enseignants qu'il ne faut jamais, jamais, jamais taper deux fois de suite la barre d'espacement.

- Mais, m'a-t-on lancé, après un point final, on demande toujours aux élèves de faire deux espaces.
- Non, il n'y a qu'une seule espace.
- Pourtant, dans les cours de dactylo, on nous disait bien qu'il y a deux espaces.

Ces enseignants ont semé un doute dans mon esprit car, ma mémoire reprenant vie, il me semblait que j'avais déjà appris cette règle...

Revenu à la maison, je me suis garroché sur ma bible du typographe, le Ramat de la typographie (1998), et en page 137, oh ! soulagement, il est bien indiqué qu'après un point, « on met une capitale au prochain mot. On ne met jamais deux espaces de suite après un point final. »

samedi 18 juin 2005

CILE

Un véritable système éducatif devrait se proposer trois objectifs. À tous ceux qui veulent apprendre, il faut donner accès aux ressources existantes, et ce à n'importe quelle époque de leur existence. Il faut ensuite que ceux qui désirent partager leurs connaissances puissent rencontrer toute autre personne qui souhaite les acquérir. Enfin, il s'agit de permettre aux porteurs d'idées nouvelles, à ceux qui veulent affronter l'opinion publique, de se faire entendre.
Ivan Illich, Une société sans école, trad. Gérard Durand, p. 128, Éd. du Seuil, coll. Points n° 117, 1971.


Doit-on utiliser exclusivement le logiciel libre, les formats ouverts, les contenus libres et les systèmes d'exploitation libres en éducation ?

Dans ce texte, je regrouperai sous le sigle CILE (Concept Informatique Libre en Éducation) les quatre notions mentionnées dans cette question. Je sais que l'adverbe exclusivement en fera tiquer plus d'un, et que ma position extrême risque de choquer certains esprits. Je veux juste préciser que je n'en fais aucunement affaire de religion, mais plutôt une question de principe. J'aimerais étayer ici ce qui me pousse à une réponse affirmative à la question posée plus haut.

En fait, il n'y a qu'une seule raison fondamentale qui me force (de même que tous les intervenants du monde scolaire) à répondre par un oui haut et fort. C'est tout simplement parce que, au niveau de l'informatique, seul le CILE est en cohérence avec nos valeurs éducatives occidentales.

En éducation, il est dans nos valeurs profondes de permettre la libre circulation de la connaissance dans toutes les disciplines, les sciences informatiques incluses. Les éducateurs doivent aussi consentir à l'examen critique de toutes solutions apportées à un problème. De plus, nous devons autoriser aux élèves de reprendre ces solutions en les adaptant pour résoudre de nouveaux problèmes. En éducation, nous devons aussi examiner toutes les solutions apportées par un élève, nous devons lui offrir la possibilité de confronter sa solution au sein même de la société tout en fournissant un cadre pédago-sécuritaire pour le faire.

La libre circulation de la connaissance signifie qu'un élève doit avoir la possibilité d'étudier ce qui l'intéresse. Les connaissances ne doivent pas être taboues, mais être des leviers pour en créer d'autres et pour être source d'innovations. Imaginez une école dont la bibliothèque contiendrait un pourcentage des livres inaccessibles à l'élève, car selon le jugement de certains censeurs supposés responsables, certains livres enseigneraient des connaissances auxquelles l'élève ne doit pas accéder... Personnellement, je ne voudrais pas que mes enfants fréquentent cette école.

Au Québec, un très fort accent est mis sur la résolution de problème. Notre programme contient même deux compétences (une transversale, l'autre appartient au domaine des mathématiques) libellées spécifiquement par «résolution de problème». Imaginez une école où on enseignerait aux élèves le théorème de Pythagore, mais en leur signifiant qu'ils n'ont pas le droit d'en voir la preuve car celle-ci est protégée par une certaine licence. Imaginez l'enseignement d'un traité historique où l'élève n'aurait le doit d'en voir qu'un résumé, car le traité lui-même ne serait accessible qu'à ceux qui en paient le prix. Encore une fois, je ne voudrais pas de cette école où on dispenserait cet enseignement à mes enfants.

Imaginez maintenant que l'enseignant lance à ses élèves : « Voilà la réponse du problème » sans montrer la solution ou la démarche amenant cette réponse. Imaginez cet enseignant qui dirait : Chers enfants, c'est MA solution, et vous devez payer un certain montant d'argent pour la voir et la voir seulement : pas question pour vous de la montrer à d'autres ou de l'utiliser plubliquement dans vos propres solutions à vos problèmes. Encore une fois, je ne voudrais pas de cet enseignant dans mon école. Bien entendu, le CILE permet à tous d'étudier et de reprendre les solutions d'un problème.

En acceptant du logiciel propriétaire dans une école, c'est à peu près ces conditions-là qu'on accepte lorsque l'enfant s'installe devant un ordinateur. Vous me direz que ce n'est pas tous les enfants qui sont intéressés par la preuve du théorème de Pythagore, que peu d'enfants iront vérifier les sources apportées par son enseignant, qu'il est rare que les enfants désirent étudier les solutions à un problème. Cependant, si dans une école, on interdit aux enfants qui le désirent le potentiel d'aller plus avant dans la connaissance, je crois qu'on ne fait pas oeuvre d'éducation. Or, un enfant auquel on oblige l'utilisation d'un logiciel propriétaire est un enfant dont on brime potentiellement son droit à la connaissance. C'est, à mon avis, inacceptable.

Je suggère donc à tous les éducateurs de la province du Québec de se donner un plan d'action pour sauter vers le CILE. Allez voir votre patron et dites-lui que vous voulez du temps d'appropriation et de la formation pour effectuer ce saut. Demandez-lui comment il peut accepter que dans son école, on limite le potentiel de connaissance des élèves. Et demandez-lui de vous justifier en quoi il juge son établissement cohérent avec sa mission éducative en plaçant les enfants devant des logiciels propriétaires.

Le CILE, ce n'est pas une affaire d'argent, c'est une question de principe. Nos dirigeants méritent qu'on leur explique le CILE sous l'angle des principes pédagogiques plutôt que sous l'angle administrativo-budgétaire car, voyez-vous, la cohérence exige de la rigueur, du sang-froid et de la vision. Et d'après moi, seul le CILE permet aux éducateurs d'être cohérents avec leurs principes d'éducateurs.

Vive les examens !

Benoit m'envoie le lien pointant vers l'article Les jeunes Canadiens sont recalés en sciences : Un élève sur trois ne comprend pas des concepts scientifiques élémentaires.

Quasi au même moment, mon collègue Marcel me remet le Bulletin linguistique qu'il publiait à la commission scolaire dans les années 90. En page frontispice :

Le passé est-il garant de l'avenir ?

Il est [...] ordinaire de trouver [des écoliers de rhétorique] qui n'ont aucune connoissance des règles de la langue françoise, et qui en écrivant pèchent contre l'orthographe dans les points les plus essentiels.
Nicolas Audry, 1689.
Les jeunes gens sortent des collèges aussi ignorans [de leur langue maternelle] que s'ils avoient esté élevez chez les étrangers.
Pierre Restaut, 1730.
Même dans l'enseignement secondaire [...], on remarque que beaucoup d'élèves sortent du lycée avec une connaissance imparfaite de l'orthographe. C'est ce qu'attestent tous les professeurs qui ont pris part aux examens universitaires.
P. Meyer, 1905.
Toutes les critiques que l'on formule au sujet des insuffisances en orthographe des écoliers d'aujourd'hui étaient formulées il y a cinquante ou vingt ans avec la même insistance; il n'y a rien de changé sous le soleil
L. Poriniot, 1933.
Consultons au hasard, et sans même vouloir chercher «la bête noire », des textes écrits par des étudiants de niveaux collégial et universitaire, à l'âge où l'on devrait normalement avoir acquis les principes élémentaires de l'écriture : c'est une opération déprimante...
Lysiane Gagnon, La Presse, avril 1975.
Comme leurs aînés, les finissants [de 5e secondaire] de 1987 ont fait en moyenne une faute d'orthographe ou de grammaire à tous les dix mots, et la moitié d'entre eux ont échoué l'examen.
André Pratte, La Presse, 12 décembre 1987.
Marcel Belletête, Bulletin linguistique, Vol. 1 N°8, juin 1991.

Plus tard, dans la journée, un jeune de 2e secondaire vient m'annoncer qu'il avait gagné sa bataille contre son prof de math :
«Elle voulait que je fasse l'examen de fin d'année, mais comme j'ai plus de 85%, j'ai le droit, selon les règlements de l'école à l'exemption. La direction de l'école m'a donné raison.»
- Et alors?
- Bien, elle voulait m'obliger à faire l'examen qui, en passant, compte pour 97% de l'année.
- Pourquoi voulait-elle t'obliger à le faire?
- Je suis le meilleur de la classe. J'aurais agi comme barême pour pouvoir juger du niveau de difficulté de l'examen. Mais moi, je pense que c'est pas ma responsabilité de faire ça : je me suis forcé toute l'année, et j'ai droit à l'exemption.
Il a continué en me disant :
- En plus, elle m'a dit que je risquais d'échouer en 436 si je ne faisais pas ce test.
- Comment ça?
- Je sais pas. Il paraît que c'est un nouveau genre d'examen et que si je ne prends pas de l'expérience avec celui de deuxième secondaire, je risque d'échouer l'examen de 436. Mais moi, je trouve ça ridicule.

Son examen de math est mardi. Le jeune élève se donnait la fin de semaine pour réfléchir si oui ou non il allait faire le test. «D'un côté, ça me tente pas de le faire. D'un autre côté, c'est pour aider les autres élèves de la classe... Mais je veux pas que ma note de l'année baisse. Je vais peut-être faire le test si mon prof m'assure que je vais garder ma note de l'année...»

Quant à moi, j'en ai marre des notes...

vendredi 17 juin 2005

PolitiBlogue

Si, comme ici, les principaux acteurs commencent à bloguer intelligemment, cela me ralliera peut-être avec la politique.

Choisir sa proie

Petite heure du midi tranquille. Tout en mangeant, je visite les fils RSS et tombe sur cette jolie blague.

samedi 11 juin 2005

Aquops

AQUOPS : Pas de nouvelle, bonne nouvelle???

lundi 6 juin 2005

TIC

Ce n’est pas l’AQUOPS qui se meurt, c’est l’idée même des TIC dans les écoles.
Louis Desjardins, dans un commentaire de ce billet sur le blogue de l'AQUOPS.

Je fais à peu près le même constat que M. Desjardins. La situation est évidemment complexe, mais je suis persuadé qu'une cause importante d'une désaffection des enseignants est le paternalisme éhonté que les services informatiques exercent depuis des années sur les enseignants.

On a voulu garder les enseignants dans des espaces fermés, alors que les utilisateurs des TIC ne peuvent s'épanouir que dans l'ouverture au monde. Un exemple : on ferme les systèmes avec des Deep Freeze installés partout et sans discernement (même dans les salles de classes, même dans les salles de profs... même les postes des secrétaires ont DF... C'est faire insulte au professionnalisme des gens.) parce que «le monde savent pas utiliser les machines», qu'ils disent !

Au lieu de laisser les gens apprendre de leurs erreurs, on les a maintenu dans un état d'ignorance en les traitant d'imbéciles et d'incapables et en les faisant sentir cheap quand ils avaient le malheur de faire une fausse manoeuvre sur leur machine. Moi, je comprends très bien les enseignants qui ne veulent plus utiliser des ordinateurs dans des conditions de servitude et de dépendance envers les techniciens et les services informatiques. C'est un peu comme si c'était la secrétaire de l'école qui décidait de la manière qu'il faut que les enseignants enseignent le français. Il est urgent que les enseignants puissent expérimenter avec les TIC, qu'on les laisse jouer, se tromper, gaffer. Qu'on leur permette enfin de manipuler les ordinateurs comme bon leur semble. Si on commence maintenant à les laisser libres de faire ce qu'ils veulent avec les TIC, peut-être aura-t-on dans cinq ou six ans des enfants qui pourront développer une véritable compétence TIC dans un environnement scolaire.

Je crois qu'il faut impérativement que les services pédagogiques des CS mettent enfin leur culotte et imposent que les services informatiques deviennent ce qu'ils auraient toujours dû être : un service. Pas un service « on te dit quoi faire/pis si tu fais autrement/compte pas sur notre service », un service tout court!