Jobineries

Blogue de Gilles G. Jobin, Gatineau, Québec.

jeudi 22 juin 2006

Lecture estivale

Ce billet m'a bien fait rire, même si ce n'est pas drôle ! Particulièrement le commentaire numéro 6 de l'auteur au regard de la formation de maîtres passionnés. J'entends le soupir de Marie : Ah ! la passion.

Je pense qu'au MELS, on gagnerait à relire (lire?) Montaigne. Dans le chapitre 26 des Essais, on trouve :
À un enfant de maison qui s'appliquera aux lettres, non pour le gain (car un but si abject est indigne de la grâce et de la faveur des Muses, et puis il regarde autrui et en dépend) ni pour les commodités sociales, mais pour lui-même, pour s'en enrichir et parer son for intérieur, et si l'on veut faire de lui un habile homme plutôt qu'un homme savant, je voudrais qu'on fût soigneux de lui choisir un conducteur qui eût plutôt la tête bien faite que bien pleine, les deux étant à souhaiter, mais les manières et l'intelligence devant passer avant la science; et puis qu'il remplît sa charge selon de nouvelles méthodes. On ne cesse de criailler à nos oreilles, comme si on versait dans un entonnoir, et notre charge consiste à redire ce qu'on nous a dit. Je voudrais que le précepteur corrigeait ces façons et que dès le début, s'adaptant à l'âme qui lui est confiée, il commençât à la mettre sur la piste, lui faisant goûter les choses, d'elle-même les choisir et les discerner, quelquefois lui ouvrant le chemin, quelquefois le lui laissant ouvrir. Je ne veux pas qu'il invente et parle seul, je veux qu'il écoute son élève parler à son tour. Socrate et, après lui, Archésilas faisaient parler d'abord leurs disciples, et puis ils leur parlaient. [NDA : Ici, Montaigne cite Cicéron : « L'autorité de ceux qui enseignent nuit la plupart du temps à ceux qui veulent apprendre.  »]

[...]

Qu'il ne lui demande pas seulement compte des mots de sa leçon, mais du sens et de la substance, et qu'il juge du profit qu'il aura fait, non par le témoignage de sa mémoire, mais de sa vie. Que ce qu'il viendra d'apprendre, il le lui fasse mettre en cent visages et accommoder à autant de divers sujets, pour voir s'il l'a encore bien pris et bien fait sien, prenant l'instruction de son progrès des pédagogismes de Platon.

[...]

Qu'il lui fasse tout passer par l'étamine et ne loge rien en sa tête par simple autorité et crédit. Que les principes d'Aristote ne soient principes pour lui, non plus que ceux des Stoiciens et des Épicuriens. Qu'on lui propose cette diversité de jugements: il choisira s'il peut, sinon il restera dans le doute. Il n'y a que les fous qui aient imperturbablement des certitudes.
Dernière remarque mais elle est, pour un citateur, de grande importance. C'est dans le premier paragraphe qu'on trouve la citation tellement répétée « qui eût plutôt la tête bien faite que bien pleine » qu'on rapporte souvent ainsi : « Mieux vaut une tête bien faite que bien pleine. » Plusieurs croient que la remarque de Montaigne s'adresse aux enfants. S'appuyant seul sur cette citation prise hors contexte, c'est tout faux car il est bien question ici du précepteur, de l'enseignant ! Cependant, il est très clair dans tout le chapitre 26 que Montaigne juge ce principe tout aussi valable pour les élèves. Tiens, tiens... je pourrais suggérer à monsieur le Ministre de l'Éducation Montaigne en lecture d'été !

samedi 17 juin 2006

Que faire ?

Comment se fait-il que les enfants qui pétillent de l’envie d’apprendre quand ils ont cinq ou six ans se retrouvent un peu plus tard démoralisés, atones, sans motivation pour l’école ? Qu’est-ce qu’on a fait de faux ?
Émile, On n’explique pas tout aux enfants.


Dans ce billet de François Guité, un joli tableau qui illustre bien ce que tout le monde sait depuis de nombreuses années : l'école est, généralement parlant, plate. Et déjà en 1983, plus de 60 % des élèves étaient de cet avis. Qu'a-t-on fait depuis ? Si on en croit le tableau, pas grand-chose car la proportion a dépassé les 70 %.

Quand on prend la peine de demander aux élèves ce qu'ils pensent de l'institution scolaire, la réponse est invariablement la même : « Ça ne vaut pas grand-chose et on y perd son temps. » Bien entendu, nous, adultes savants, avons la réplique facile : « T'es jeune encore, tu verras plus tard en quoi elle t'aura été utile. » Comment supporter (plusieurs y arrivent) de voir tous ces adolescents blasés?

Le problème, c'est que nous ne savons absolument pas quoi faire avec ça. On aura beau implanter toutes les réformes que l'on voudra, si on n'écoute pas vraiment les jeunes, rien ne s'améliorera.

Je suis sans doute l'un des rares à penser que ce qu'on apprend à l'école n'est pas important. C'est être en état d'apprentissage qui importe ! Car avec cet état viennent joie et euphorie de vivre.

Dans les discours et les documents du MELS, on sent un net recul de l'importance accordée au développement des compétences transversales par rapport aux compétences disciplinaires. C'est l'inverse qu'il faut réaliser : supprimer les disciplinaires pour ne vérifier que le développement des compétences transversales. Mais ça, c'est aussi une solution d'adulte...

dimanche 11 juin 2006

Sur un air connu

Au terme du Conseil national de sa formation à Saint-Hyacinthe, André Boisclair a promis de rehausser de 376 millions $ le financement des universités, d'ouvrir les écoles primaires et secondaires de "8 à 5" et de réduire de 10 pour cent le nombre d'élèves par classe, de la troisième année du primaire à la première année du secondaire, dans les écoles des milieux défavorisés. (Presse canadienne, 11 juin 2006)


J'suis un politicien ben ordinaire
Des fois, j'ai l'goût d'promettre toute sorte d'affaire...
J'fumerais du pot j'boirais d'la bière
J'f'rais d'la politique par goût du pouvoir
Mais faut que j'pense à me faire élire
Je suis politicien en plein délire...

Des promesses, des promesses... Je l'entends déjà nous dire, une fois élu, que les Libéraux ont laissé les finances gouvernementales dans un tel état, qu'il ne peut, pour l'instant, honorer les baisses d'élèves par classe. Ou bien, il nous jouera le truc bien connu : on baisse les élèves dans une classe, mais on donne la différence à l'enseignant qui est dans une autre classe. Question de maintenir une moyenne... Quelle bullshit !
Moi, je ne voterai pas pour ce type : le PQ, en 1983, a été on ne peut plus salaud avec les enseignants. J'ai l'impression qu'on va nous refaire le coup : «Restez jusqu'à 17 h les gars, mais on ne vous augmente pas de salaire... De toute manière, on vous l'a déjà dit : les enseignants, ça vaut pas grand'chose.»
Et puis, il a déjà clairement mentionné qu'il ne reviendrait pas sur la loi 142. Boisclair, Charest, c'est du pareil au même.

vendredi 2 juin 2006

Petit matin heureux

Lire ce dernier billet de Thierry Crouzet me fait un immense bien ce matin. Quelques citations :
« Je crois que plus nous nous interconnectons, plus nous devenons heureux, plus nous nous sentons capables d'entreprendre et de changer ce qui nous déplait dans le monde. »
« [...] l'imprévisibilité n'implique pas l'impuissance. »
« Dire que l'auto-organisation est possible, c'est privilégier les actions locales par rapport aux actions globales. En fait, le global résulte de l'auto-organisation d'une multitude d'actions locales. Les choses partent du bas, remontent, s'élèvent. »
« Nous devons abandonner la raison cartésienne au profit d'une approche plus artistique. Plutôt que d'essayer de décomposer les problèmes en problèmes plus simples ce qui s'avère impossible, nous devons essayer de faire évoluer les choses, de les cultiver. »
« Vivre dans un monde complexe n'implique pas que le monde soit compliqué. C'est un grand paradoxe. »
Dommage que je ne puisse être à Genève le 7 juin prochain. Mais j'ai tout de même le livre que je peux relire en tout temps.