[...] les réticences des «scientifiques» à «vulgariser» leur savoir : est-il possible de transmettre à un public non «initié» des connaissances sans en dénaturer la signification ? Nous avons déjà dit que «l'esprit humain est en général si bien orienté vers le vrai que dans sa hâte d'approcher la vérité au moyen de reconstructions qui devraient être patientes et rigoureuses, il va trop vite et il se trompe». Comment un scientifique qui passe sa vie à éviter les à-peu-près et les raccourcis, qui construit lentement et patiemment son savoir pourra-t-il transmettre en quelques minutes (c'est le délai qui nous est accordé dans le meilleur des cas) un concept ou une théorie sans en dénaturer la représentation dans l'esprit d'un public qui, le plus souvent, manque de connaissances élémentaires ?
J-F Castell


La vulgarisation c'est le « fait d'adapter des notions, des connaissances scientifiques ou techniques afin de les rendre compréhensibles au non-spécialiste; reformulation d'un discours spécialisé qui consiste généralement à le débarrasser de ses difficultés spécifiques, de ses caractères techniques afin de le rendre accessible au grand public. » (Trésor de la Langue Française Informatisé)

Dans cet esprit, croyez-vous possible de vulgariser des idées, des concepts mathématiques ? Prenons par exemple les logarithmes. Je suis à peu près convaincu que pour plusieurs d'entre vous, la seule évocation du mot vous dresse les cheveux sur la tête. D'ailleurs, vous êtes peut-être immédiatement passé en mode «J'aiJamaisRienComprisAuxMaths/JeSuisPocheEnMaths». Si c'est votre cas, je tenterai d'expliquer la notion de logarithme pour diminuer un peu cette réticence. Ou, peut-être, êtes-vous soudainement devenu curieux? Dans ce cas, ma vulgarisation vous incitera-t-elle à aller un peu loin? Réussirais-je dans mon explication?

Un logarithme, c'est une drôle de bibite. Bibite elle-même très liée à une autre qu'on appelle un exposant. Ne paniquez pas ! Ce n'est pas si difficile que cela en a l'air. Voyez plutôt :

2 x 2 x 2 = 8.

Les mathématiciens, naturellement très paresseux, préfèrent écrire 23=8.
Dans leur langage, ils appellent ça la notation exponentielle. Dans ce cas, l'exposant est 3. Quant au 2, on lui donne le nom de base. Ils diront par exemple, 2 exposant 3 donne 8. Un autre exemple : 4 exposant 5 donne 1024 qu'on notera ainsi : 45=1024. Certains disent aussi : 2 élevé à la troisième puissance donne 8, 4 élevé à la cinquième puissance donne 1024. Ou, plus simplement, 2 puissance 3 donne 8; 4 puissance 5 donne 1024.

Est-il possible de donner un sens à une expression du genre 41,2 ou encore une expression dont l'exposant serait un entier négatif comme 5-3? La réponse est affirmative mais l'explication sort du propos de ce billet.


Le logarithme décrit autrement cette même idée. Il a en effet fallu inventer ce mot lorsqu'on désira énoncer l'expression en «partant» de l'exposant.
Dans le premier exemple ci-haut, «2 exposant 3 donne 8», on énonce l'égalité à partir de la base (2 exposant bla-bla-bla). Or, si on désire partir de l'exposant, on dira plutôt : 3 est le logarithme de 8 en base 2. Et, juste pour faire paniquer les non-initiés, ils notèrent la chose ainsi : 3 = log28. On peut aussi lire cette expression ainsi : 3 est l'exposant qu'il faut que je donne à 2 pour obtenir 8. D'autres diront plutôt «3 est le log de 8 en base 2».
Le deuxième exemple pourrait s'écrire : 5 = log41024. Autrement dit, 5 est l'exposant qu'il faut que je donne à 4 pour obtenir 1024. Ou encore : « Le log de 1024 en base 4 est 5 ».

La notation exponentielle et la notation logarithmique ne sont que deux styles pour décrire une même idée mathématique.


Peut-on parler ici de vulgarisation ? Si oui, est-elle réussie ? Si vous connaissiez déjà la notion présentée, trouvez-vous que ce texte en dénature l'esprit ?