L'espérance

Tenir l'anguille par la queue.

Sommaire. - Proverbe espagnol. - Jeux et fêtes de village. - Tout finit par un plongeon.

La peau de l'anguille est extraordinairement glissante ; morte, on a de la peine à la tenir dans la main; vivante et frétillante, la difficulté augmente encore ; la saisit-on seulement par la queue, il devient presque impossible de la garder.

En Espagne : « Qui prend l'anguille par la queue et la femme par la parole peut bien dire qu'il ne tient rien du tout ».

Sans poursuivre cette moqueuse comparaison qui a traversé les Pyrénées pour venir en France, nous considérons qu'entreprendre une affaire manquant de certitude et n'inspirant pas confiance, c'est tenir l'anguille par la queue.

Cette propriété glissante de la peau d'anguille a inspiré les organisateurs de fêtes villageoises où fleurissent déjà les courses en sac, le jeu des ciseaux pour les demoiselles, la chasse au canard et autres divertissements.

Ils ont imaginé la pêche à l'anguille. Dans une petite rivière ou dans un port de mer, on place au milieu de l'eau un mât auquel on a suspendu par la tête une anguille, la queue se trouvant à une faible distance au-dessus de l'eau.

Les concurrents à la matelote, en costume de bain, se jettent à la nage : arrivés à l'anguille, ils doivent donner un petit coup de reins pour atteindre l'animal par la queue; généralement elle leur glisse dans la main, et les nageurs se contentent d'un éclaboussant plongeon qui met en joie l'assistance. Rarement les « pêcheurs » ne reviennent pas bredouille ; leur bonne volonté et leurs efforts ont fait passer un bon moment aux nombreux spectateurs témoins de leur déconvenue. On est toujours si heureux des mésaventures d'autrui !

Émile Genest, Miettes du passé, Collection Hetzel, 1913. Voir la note du transcripteur.