La richesse

Faire l'âne pour avoir du son.

Sommaire. - Manger pour vivre. - II faut savoir s'y prendre. - Bête et animal.

Il ne faut pas « vivre pour manger », c'est un point acquis, et nous sommes en cela d'accord avec le seigneur Harpagon; ce qui est non moins indiscutable, c'est qu'il est indispensable de manger pour vivre. Or, pour manger, il faut avoir quelque chose à se mettre sous la dent ou les moyens de se le procurer.

Chacun s'ingénie à trouver sa pâture ; les procédés sont multiples; le préférable est celui qui donne le meilleur résultat.

Dans tous les cas, on atteint le but rêvé peu ou prou, aux dépens de son prochain, chacun suivant sa manière. Les uns procèdent par le travail, les autres par l'habileté, certains par la malice, d'aucuns par la flatterie. Il n'en manque pas qui affectent la niaiserie ou l'imbécillité pour tromper plus aisément et faire des dupes.

Dans ces dernières catégories, il convient déclasser ceux qui font l'âne pour avoir du son, ou du chardon, c'est tout comme. N'a-t-on pas dit d'ailleurs que

.... Tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l'écoute ?1

Réflexion faite, quel est le plus âne des deux, lequel mérite mieux le nom de « bête », celui qui singe l'âne pour avoir du son, ou celui qui est assez « bête » pour fournir le son ?


1. La Fontaine, Le Corbeau et le Renard, livre I, fable 2.

Émile Genest, Miettes du passé, Collection Hetzel, 1913. Voir la note du transcripteur.