Courriel provenant d’une enseignante : Comment peut-on expliquer l'importance d'apprendre la distributivité à des élèves de 5e année ??? Il y en a une qui s'obstine à dire que c'est trop long à calculer pour rien !

Ex :  52 x ( 5+2 ) 
Plus court 52 x 7  que (52 x 5) + (52 x 2)

Et elle n'a pas tort !


Réponse envoyée à l'enseignante :

Ton élève a parfaitement raison. Il est tout à fait ridicule d’utiliser la distributivité dans un problème arithmétique à moins que celle-ci n’accélère le calcul. J’ai vu des pages et des pages de «problèmes» dans lesquelles on demandait aux élèves de calculer des expressions arithmétiques en utilisant la distributivité. Imagine 50 problèmes tels que celui de ton exemple. Non seulement c’est abrutissant, mais c’est surtout complètement inutile.

Voici donc ce que je répondrais à ton élève.

D’abord, je lui montrerais que les nombres, c’est quasiment «vivant». Et qu’on peut les «combiner» via des «opérations.»

Commençons par l’addition : 8 + 5 c’est tout comme 5 + 8 (il faut rendre l’opération concrète, par exemple avec des ensembles de jetons).

Cette propriété qui permet de «switcher» les nombres par rapport à une opération tout en gardant la même valeur globale s’appelle commutativité de l’opération. Ici, la commutativité de l’addition.

Toujours avec des jetons, je lui ferais remarquer que cette propriété est vraie pour la multiplication, mais fausse pour la soustraction et la division.

Je passerais pas mal de temps sur la commutativité de la multiplication. Pourquoi ? Parce qu’on peut en faire ressortir l’aspect «mystérieux» :

Ex. 97 x 93 (si on donne le sens de «multiplier par» au symbole x) signifie :

97 + 97 + 97 + ... + 97 } 93 fois

alors que 93 x 97 signifie :

93 + 93 + 93 + ... + 93 } 97 fois

Comment se fait-il que le résultat soit le même ??? La question est intéressante et, en y répondant, on prouve que la multiplication est commutative chez les nombres naturels.

Je ferais ensuite remarquer que cette évidence (avec des jetons, c’est assez facile à démontrer) ne l’est pas pour TOUTES les structures mathématiques. Par exemple, un enseignant NE PEUT PAS DIRE que la commutativité de la multiplication est TOUJOURS VRAIE. En effet, il a des structures mathématiques (par exemple, les matrices) pour lesquelles c’est faux.

Bon, mais qu’en est-il de la distributivité de la multiplication sur l’addition ?

En fait, l’intérêt de cette propriété se manifeste surtout en algèbre : ex. 3 ( 2x +6 ) + 12 = 6x + 18 + 12 = 6x + 30. Et on peut même continuer par la factorisation, soit 6(x + 5). La distributivité joue dans les deux sens : a ( b + c) = ab + ac et ef + eg = e(f+g)

Ces «deux sens» (de droite à gauche, et de gauche à droite) par rapport au symbole = est TRÈS IMPORTANTE. Et il faut s’assurer que l’élève est à l’aise avec ces deux visions d’une même réalité.

Ceci dit, pour un élève de 5e, parler d’algèbre, c’est un peu comme lui dire :«Tu verras, tu en auras besoin plus tard», ce qui, à mon avis, ne doit JAMAIS ce faire. Les avantages d’un apprentissage doit être, généralement parlant, IMMÉDIATS.

Donc, que faire avec cette élève ?

D’abord, lui montrer la beauté de la chose.

Ex. 105 x 99. À la calculatrice, c’est assez simple à pitonner. Mais en calcul mental, c’est beaucoup plus ... intéressant. Essayons de comprendre :
105 + 105 + 105 .... + 105 
-------  99 fois --------

revient à faire :
 105 + 105 + 105 .... + 105   -  105
------- 100 fois -------     moins 1 fois.


ce qui, faut bien l’avouer, est beaucoup plus simple à compter dans sa tête puisqu’il suffit de faire 10500 - 105.

La généralisation de cette idée s'appelle la DISTRIBUTIVITÉ : 105 x 99 = 105 ( 100 - 1) !!!

D’ailleurs, dans l’algorithme de multiplication, c’est toujours ce principe de distributivité qui est utilisé. En maths, l’élève doit COMPRENDRE ce qu’il se passe, et non pas apprendre des recettes qu'il oubliera très rapidement.

Par la suite, au lieu de donner aux élèves des tonnes de «distributivité» à réaliser, je leur demanderais plutôt de trouver des manières de calculer plus rapidement des expressions arithmétiques. Puis, en gang, on vérifierait les méthodes des uns et des autres POUR LES MÊMES problèmes. On trouverait alors les avantages et les désavantages des méthodes utilisées, et on établirait les conditions dans lesquelles ces méthodes sont optimisées. L’idée est de rendre l’élève CRÉATEUR d’algorithmes mathématiques, et CRITIQUE des méthodes trouvées. On pourait ensuite faire des «vraies» mathématiques en leur demandant de GÉNÉRALISER ces algorithmes. On entre ainsi dans la troisième compétence (Communiquer à l'aide du langage mathématique) si on amène les élèves à exprimer clairement leurs découvertes.