Jobineries

Blogue de Gilles G. Jobin, Gatineau, Québec.

lundi 21 novembre 2005

Toute passion abolie

Jubilatoire, ce roman de Vita Sackville-West (1892-1962). D'abord publié en 1931, il raconte l'histoire de lady Slane, 88 ans, qui vient de perdre son vieux mari. Après toute une vie consacrée à ce dernier, elle décide enfin de vivre la sienne. Elle quitte sa demeure de toujours pour se réfugier dans une petite maison, loin des tracas familiaux. Libre, lady Slane se fera de nouveaux amis dont l'un lancera la tirade suivante :
« [...] j'ai horreur de tous ceux qui ne voient pas le monde comme il est. C'est-à-dire monstrueux, lady Slane ! Et monstrueux parce qu'il est construit sur la compétition, sans que personne ne sache si la raison fondamentale de cette compétition est une pure convention ou une nécessité, une extraordinaire illusion, une loi naturelle ou animale destinée à disparaître à mesure que nous progressons dans la civilisation. Je crois que l'homme a construit sa vie sur un système mathématique erroné. Certes, il s'est arrangé pour que ses calculs tombent juste, parce qu'il a forcé le monde à accepter ses hypothèses. Mais si l'on choisissait de raisonner autrement, la réponse serait peut-être identique et ces hypothèses de départ apparaîtraient délirantes, astucieuses sans doute mais délirantes. Peut-être qu'un jour une authentique civilisation viendra corriger nos erreurs présentes? Mais nous avons encore du chemin à faire, oui, la route sera longue... » (p. 62)
Un excellent livre sur la beauté de la vieillesse.

samedi 5 novembre 2005

Audeguy et les nuages

La théorie des nuagesPas facile de choisir un livre. La multitude de choix donne le tournis car, parmi ces choix, il y en a tant qui semblent intéressants. C'est ainsi qu'en me baladant autour du promontoire des quasi-nouveautés, je tombe sur ce titre qui, immédiatement, attire mon attention : La théorie des nuages. La quatrième de couverture nous apprend qu'il s'agit là du premier roman de Stéphane Audeguy (né en 1964). Je le feuillette rapidement et quelques phrases lus ça et là m'indiquent que ce bouquin me ferait passer un heureux moment de lecture. Coût : près de 30$. Hésitation. Je le remets sur son promontoire, bien en place.

J'hésite.

Je quitte la librairie.

De retour à la maison, je sens un manque. Pourquoi diable n'ai-je pas acheté ce bouquin ? Bien sûr, j'ai déjà tant à lire. Bien sûr, c'est un nouvel auteur qui n'a pas encore fait ses preuves. Bien sûr, c'est 30$... Mais toutes ces raisons m'apparaissent faibles.

Heureusement, pouvant m'arrêter chez un libraire la semaine suivante, je l'ai acheté.

Qu'en dire ? C'est l'histoire très particulière d'un célèbre couturier japonais qui collectionne les livres sur les nuages et qui demande à une jeune bibliothécaire de les classer. On apprend la petite histoire des premiers hommes qui se sont intéressés à la catégorisation des nuages. Audeguy a une belle plume (voir quelques citations sur Au fil de mes lectures) et j'ai passé un heureux moment avec ce roman. Vers la fin du livre, j'ai fait un lien vers le Kuhn. Page 280 : « Au Centre météorologique, elle rencontre régulièrement les meilleurs spécialistes européens de la météorologie moderne; en les écoutant, en les questionnant, Virginie Latour comprend que Richard Abercrombie n'est pour eux qu'une figure pittoresque et pathétique, de la préhistoire météorologique; ce qu'un alchimiste est à la chimie moderne. Car pour ces informaticiens, ces mathémématiciens, ces géographes, la Science est ce qui se fait ici et maintenant; on connaît vaguement les grands précurseurs. Le reste n'existe pas, n'existe plus. »

mercredi 26 octobre 2005

Avant le gel

[Il] lui avait enseigné qu'il y avait deux sortes d'humains: ceux qui choisissaient la ligne droite, la plus courte, la plus rapide, et les autres, qui cherchaient le détour ouvrant sur l'imprévu, les courbes et les dénivelés.
H. Mankell, Avant le gel, Seuil/policiers, 2005, p. 76.


Mankell? Je ne le connaissais pas avant d'en entendre que des bons mots lors d'un dîner de conseillers pédagogiques à Terrebonne en mai 2003. Mes expériences du polar se limitant à du A. Christie (who-done-it), je m'étais alors dit qu'il était peut-être temps de m'attarder un peu plus sur ce genre littéraire. Et j'ai tout bouffé de cet auteur suédois. L'avantage du polar est de vous faire passer un bon moment sans avoir à vous casser la tête. Avant le gel répond fort bien à cette attente. Pour ceux qui connaissent déjà le commissaire Wallander, vous serez enchantés d'apprendre que c'est sa fille Linda qui tient le haut du pavé. En effet, Mankell fera tourner ses prochains polars autour de ce personnage qui, vous vous en rendrez vite compte, ressemble point pour point à son cher père : même mauvais caractère, même détermination, mêmes intuitions...

Si je me fie au éditions du Seuil, ils prévoient sortir au moins trois autres Mankell dont Profondeurs, Le Retour du professeur de danse et Tea Bag. Aucune date n'est précisée quant à ces parutions.

Lianes :
Mankell sur Au fil de mes lectures.
Les éditions du Seuil. C'est dommage à dire, mais voilà l'un des pires sites de maisons d'édition...

dimanche 23 octobre 2005

Albert Brie

Albert Brie a signé, au cours des années '70 et '80, une chronique intitulée Le mot du silencieux. Deux compilations rendent compte de cet aphoriste acerbe. Vous ne les trouverez que chez les bouquinistes comme Abebooks. On peut lire en quatrième de couverture du Retour du silencieux (Boréal, 1989) qu'Albert Brie «maîtrise l'art difficile de la formule courte qui fait réfléchir sans assommer, qui fait sourire et même rire tout en visant juste.» Je partage cet avis. On trouve peu d'information sur le web concernant cet auteur québécois né en 1925, mais ici, on apprend qu'il a été l'un des scénaristes des Enquêtes Jobidon, une émission que je suivais assidûment dans ma jeunesse!

J'ai déjà plusieurs citations de M. Brie sur Au fil de mes lectures provenant de vieilles découpures du Devoir. Vous en trouverez plusieurs autres au cours des prochaines semaines car je termine tout juste Le mot du silencieux (Fides, 1978).

En voici d'ailleurs quelques extraits autour du thème de la politique.

Pour défendre sa langue, la parlant français doit être vigilant ; l'Anglais pour faire usage de la sienne n'a qu'à être là où il se trouve.

Quand un discours politique a de l'élévation, de la vigueur, de l'élégance, de la tenue, détrompons-nous ! ce n'en est pas un.

Tous les politiciens sont opportunistes ; les plus habiles le sont au moment opportun.

Il ne mentait pas ce député qui lançait à ses électeurs : « Ma porte est toujours ouverte. » Il se gardait bien d'ajouter qu'il n'était pas dans la pièce.

La plupart des gens qui se passionnent pour les luttes électorales ne portent ordinairement aucun intérêt à la vie politique dans son cours normal. En cela, ils suivent l'exemple de bon nombre de politiciens qui s'agitent avec fureur durant un ou deux mois que dure la campagne électorale. On les trouve abîmés dans un sommeil comateux pour les trois ou quatre ans qui précèdent le prochain match.

Et une citation utile à Mme Marois.
Mon sentiment est qu'il faut voter pour le meilleur homme, surtout si c'est une femme.

En politique, s'expliquer c'est mentir, mais en beaucoup plus de mots.

Récemment, un sondage indiquait qu'une majorité de Québécois pense que les politiciens sont menteurs. Voici ce qu'en disait M. Brie en 1978:
Il est bien admis que les politiciens pratiquent couramment le mensonge. Si l'un d'eux prend l'habitude de dire la vérité, le peuple peut aller jusqu'à se demander si cet original ne manque pas à son devoir professionnel.

dimanche 16 octobre 2005

Kuhn et les paradigmes

La structure des révolutions scientifiques trainait depuis déjà plusieurs mois sur ma table de chevet. Ce n'est que cette semaine qu'il eut droit à ma lecture. Pour en savoir un peu plus sur Thomas S. Kuhn, vous pouvez vous rendre sur la Stanfort Encyclopedia of Philosophy ou sur Wikipedia. C'est ce billet de Benoit qui m'a fait découvrir ce livre. Vous y trouverez d'ailleurs un lien vers un résumé du bouquin. Évidemment, vous trouverez aussi des citations/extraits sur Au fil de mes lectures, mais pour vous donner un petit avant-goût, en voici deux :
[...] une nouvelle théorie, quelque particulier que soit son champ d'application, est rarement ou n'est jamais un simple accroissement de ce que l'on connaissait déjà. Son assimilation exige la reconstruction de la théorie antérieure et la réévaluation de faits antérieurs, processus intrinsèquement révolutionnaire qui est rarement réalisé par un seul homme et jamais du jour au lendemain. (p.24)
[...] la transition entre deux paradigmes concurrents ne peut se faire par petites étapes, poussée par la logique et l'expérience neutre. [...] il doit se produire d'un coup (mais pas forcément en un instant), ou pas du tout. (p.207)
Cette dernière citation me fait bien plaisir car, comme plusieurs le savent déjà, je ne suis pas un grand adepte de l'apprentissage par petits pas qui, dans l'esprit de plusieurs, mène inexorablement vers un changement dans la pensée du marcheur.

Une lecture conseillée à tous les amateurs de l'évolution de la pensée scientifique et de l'épistémologie.

samedi 15 octobre 2005

Monsieur Linh

« [...] ce peut être aussi cela l'existence ! Des miracles parfois, de l'or et des rires, et de nouveau l'espoir quand on croit que tout autour de soi n'est que saccage et silence ! » (p. 159)

À lire absolument, ce court roman de 160 pages nous prend droit au coeur. C'est un texte sur l'absence, le denuement et l'amour. Et sur l'amitié. On pourrait presque dire l'amitié/amour. Et puis on y trouve une belle leçon de communication humaine dans ce livre. Il se lit d'une traite et ne vous laissera pas indifférent. L'histoire? Imaginez un vieillard qui doit fuir son pays et qui se retrouve, désamparé, dans une grande ville dont il ne connaît ni la langue, ni les coutumes de ses habitants. Mais il n'est pas seul : il est avec sa petite fille, Sang Diû (Matin doux) âgée de quelques semaines...

Philippe Claudel, La petite fille de Monsieur Linh, Stock, 2005.

lundi 5 septembre 2005

Pourquoi M$ veut manger LL

Le livre date du début des années 60. C'est une espèce d'allégorie où la découverte du feu représente l'énergie atomique. Mais aussi, comme il est bien dit ici, « ce livre aborde des questions éthiques, sociales, économiques voir philosophiques (etc.) et montre du doigt ce qui pose problème encore aujourd'hui. »

Voici la transcription de trois pages (156 et suivantes) qui m'ont bien fait rire. Je n'ai pu m'empêcher de faire un léger parallèle entre les tenants du logiciel propriétaire et les tenants du libre. Cette courte lecture vous donnera peut-être le goût de lire ce petit roman de 180 pages au complet. C'est chez Pocket, pas cher, pas cher...

- Est-ce que j'ai bien compris, papa? Est-ce que tu te proposes vraiment de divulguer ta fo­mule d'allume-feu à n'importe quel Pierre, Paul ou Jacques en Afrique?
Père leva les sourcils.
- Bien entendu. Où veux-tu en venir?
Je fis une pause avant de répondre. Puis, les lèvres serrées, je dis avec le plus grand calme.
- Simplement à ceci : que je m'oppose absolument à toute divulgation de secrets intéressant notre sécurité, au profit d'une horde étrangère.
Mes paroles furent suivies d'un profond silence : Père regarda l'un après l'autre les visages surpris et attentifs, et dit lentement
- Ah oui? Et pour quelle raison?
- Pour différentes raisons, dis-je. Je les sou­mets aux réflexions de tous. Primo, parce que ce secret est le nôtre, que c'est à nous de décider si nous voulons nous en défaire. J'étais trop jeune alors, sinon je ne t'aurais jamais laissé dilapider un monopole de fait en allant dire aux gens comment se procurer du feu sauvage sur les volcans; mainte­nant, si l'on en juge par les volutes de fumée qui se lèvent un peu partout dans le pays, presque tout le monde en a, y compris mes charmants beaux-­parents. Et nous, qu'y avons-nous gagné? Pas même le cuissot d'un cheval.
- Pouvais-je le refuser à tous ces pauvres gens? dit père.
- Tu pouvais, dis-je, le leur vendre, en auto­riser l'usage sous licence; mais tu l'as tout simplement bradé, gaspillé pour rien, pas même des clopinettes. Cela ne se reproduira pas, voilà ce que je dis.
- Tu voudrais, si je comprends bien, dit père, que je leur fasse payer des leçons particulières? Six zèbres et trois bisons pour le maniement de la latérite, autant pour le combustible, autant pour le soufflage du feu dormant en feu flambant? Voilà ce que tu as en tête?
- Et pourquoi pas? Cela n'aurait rien d'immoral. Mais ce serait encore beaucoup trop bon mar­ché, à ce prix-là. Mon intention pour le moment, c'est que la horde garde pour elle le feu artificiel. Quelques vingtaines de zèbres ne nous revau­draient pas cet avantage. Les autres hordes devront admettre que nous sommes, tu l'as dit, la puissance dominante. Il faut, si elles veulent mettre un feu en route, qu'elles soient obligées d'en passer par nous et par nos conditions.
- Plus un mot! cria père, rouge d'indignation. L'inventeur, c'est moi. L'invention m'appartient et j'en ferai ce que je voudrai.
- Mais toi, répliquai-je, tu appartiens à la horde et tu devras faire ce qu'elle veut. Tu n'es pas seul en jeu. Moi je pense aux enfants. A leur carrière future, et non à des rêves romanesques. Et je déclare que, pour des utopies, tu ne gâcheras pas les chances de nos fils de s'établir comme des pyrotechniciens professionnels. Je ne dis rien, Oswald, contre la chasse et le métier des armes. Je dis seulement que l'on peut désormais penser à d'autres professions, par exemple pour ceux de nos garçons qui manqueraient de jambes ou de souffle.
- Ce n'est pas bête du tout, dit Oswald. Pour­quoi ferions-nous bénévolement cadeau de nos idées, gratuitement et à l'oeil, à tous ces salopards?
- Pour le bien de la subhumanité, dit père. Pour le salut de l'espèce. Pour l'accroissement des forces évolutionnaires. Pour...
- Des mots, des mots, des mots! lançai-je bru­talement.
- Ernest! gronda mère. Qu'est-ce qui te prend de parler à ton père sur ce ton?
- Je lui parlerai comme un fils doit parler à son père quand il se conduira comme un père doit se conduire avec ses enfants, mère, dis-je en me contenant.
- Ton père a toujours été un jeune homme très idéaliste, dit mère, mais c'était déjà comme pour l'excuser.
- Je suis un homme de science, dit père d'une voix calme. Je considère que les résultats de la recherche individuelle sont la propriété de ta sub­humanité dans son ensemble, et qu'ils doivent être mis à la disposition de tous ceux qui... eh bien... explorent où que ce soit les phénomènes de la nature. De cette façon le travail de chacun profite à tous, et c'est pour toute l'espèce que s'amassent nos connaissances.
- Père a raison, dit Tobie, et il fut remercié d'un regard.
- Très bien, affectai-je d'admettre. J'admire ce principe, père, très sincèrement. Mais permets-moi, à ce sujet, de faire deux observations. La première, c'est celle-ci : quelle aide avons-nous reçue, nous, de la part des autres chercheurs? Je suis moralement certain que, s'il s'en trouve quel­que part, ils restent les fesses serrées sur toute chose utile qu'ils ont pu découvrir. Comment leur faire lâcher prise, si nous ne nous réservons pas nous-mêmes une monnaie d'échange?
Quelques citations tirées au fil de ma lecture.

dimanche 21 août 2005

Paasilinna

L'humour n'est pas une étincelle qui jaillit brièvement lors du dénouement comique d'une situation ou d'un récit pour nous faire rire. Sa lumière discrète s'étend sur tout le vaste paysage de la vie.
Kundera, Le rideau, p.130


Paasilinna, né en 1942, est finlandais. J'ai fait sa découverte au hasard d'une visite en librairie : sur le promontoire des nouveautés en poche se trouvait La Cavale du Géomètre. Avec un titre pareil, impossible de ne pas acquérir le livre. J'ai vraiment eu beaucoup de plaisir à le lire. Imaginez un petit vieux, sénile, en arrêt en plein milieu de rue, les poches remplies d'argent. Un chauffeur de taxi doit s'arrêter pour ne pas l'écraser. Ainsi commence La Cavale, ainsi commence le début d'une belle amitié, ainsi commence un beau voyage à travers la Finlande.

« Deux suicidaires se retrouvent fortuitement dans une vieille grange où ils souhaitaient partir tranquilles. Entravés dans leurs funestes projets, ils se mettent en tête de rassembler d'autres désespérés pour monter une association. Commence alors [...] un périple loufoque », lit-on en quatrième de couverture.

L'intérêt de Petits suicides, comme de la majorité des livres de Paasilinna, réside dans cette formidable construction de l'amitié. Des liens, légers mais solides, se tissent entre les personnages qui vivent tous un genre de dépression. Les personnages de Paasilinna ne fuient pas leurs conditions de vie : ils voyagent. Le coeur léger ressenti une fois la désicion prise, le coeur lourd accompagnant la responsabilité de cette décision, ils acceptent cette condition essentiel du voyage, le fait qu'il se terminera. Ce qui, évidemment, les transforme, mais sans les rendre tragiquement étrangers à eux-mêmes. Attention ! tous les livres de Paasilinna font rire et ce Petits suicides entre amis ne fait pas exception : Que les agélastes (faut bien utiliser les nouveaux mots qu'on apprend...) s'en éloignent.

Quelques citations au fil de mes lectures de Paasilinna.

lundi 15 août 2005

Hanff

[En parlant de Helene Hanff]
« On ne sait jamais très bien si elle est une pessimiste gaie ou une optimiste triste. »
Jean-Noël Liaut


- Pourquoi tu souris ? me lança Aurélie.
- Ce livre est tellement bon, lui répondis-je.
- Ça parle de quoi ?
- C'est un échange épistolaire entre une jeune New-Yorkaise et un libraire de Londres. Les lettres datent de la fin des années 40 et s'étalent sur près de vingt ans.
- C'est drôle ?
- Drôle ?
- Depuis que tu as commencé ce livre, tu as le sourire fendu jusqu'aux oreilles.
- C'est... jubilatoire. La jeune fille est folle des vieux livres d'occasion anglais. Elle est sans le sou, mais arrive tout de même à faire de bons achats. Ses lettres illustrent une amoureuse profonde des livres. Le libraire répond avec la politesse tout anglaise, voulant bien aider sa correspondante américaine. Dans les lettres du libraire, je retrouve à peu près le même ton que dans les courriels que j'échange parfois avec des libraires sur le web. C'est cela, sans doute, qui me fait sourire : le bonheur de savoir qu'on n'est pas seul dans notre folie.

Aurélie devait quitter. J'ai poursuivi ma lecture.

- Il semble bon ton livre, me dit Marie en s'asseyant confortablement au salon.
- Excellent, absolument excellent. Tiens, écoute.

Et j'ai relu, juste pour elle, à haute voix, les trente premières pages du bouquin.

Si les livres vous intéressent un tant soit peu, ce 84, Charing Cross Road vous transportera de joie.

dimanche 14 août 2005

Bouquinage

Hier matin, après un bon petit dejeuner au Café Cognac de Hull, j'ai visité quelques librairies. Avec moi, cette liste :

Les masques du héros de J. M. de Prada;
84, Charing Cross Road d'Hélène Hanff;
Petits suicides entre amis de Paasilinna;
Petit cours d'autodéfense intellectuelle de Baillargeon;
Tout ce que j'aimais de S. Hutsvedt;
Nedjma de K. Yacine;
Notes de chevet de Sei Shönagon.

Je voulais aussi jeter un oeil sur les polars de N. French et Mooney, de même que sur les livres d'Alain de Botton. De plus, il n'était pas question de revenir à la maison sans les trois premiers livres de la liste car : Le Prada est une suggestion enthousiaste d'un lecteur d'Au fil de mes lectures; cela fait plus d'un an que j'attends la sortie en poche du Paasilinna; et partout sur le web, on ne tarit pas d'éloges pour le Hanff.

Premier arrêt : La librairie du Soleil du secteur Hull. Grosse déception : ils n'avaient pas encore reçu le Paasilinna, qui pourtant, était paru en Folio depuis plusieurs semaines. Aucun Prada et pas de Hanff. Le Hustvedt était bien là, mais un rapide survol, et ma déception de ne rien trouver d'autres, m'ont incité à reporter cet achat à une date ultérieure.

Je suis donc passé chez la librairie d'occasion Le Loisir des Usagers, à quelques pas de là. Pour la première fois en plusieurs dizaines de visites, je suis ressorti bredouille. Ils ont toujours le dictionnaire Littré en quelques volumes des années 20, mais à près de 200$, j'ai décidé de ne pas le prendre... Il y avait aussi un Nicci French en poche mais très magané.

J'ai donc traversé la rue et me suis rendu à la Librairie Réflexion des Galeries de Hull. Pas de Hanff, ni de Prada. J'y ai cependant trouvé le Paasilinna. En attendant Marie, j'ai pu lire les trois premiers chapitres. En soirée, je me suis rendu à 115 pages et je compte bien terminer le livre dans la journée ou, au plus tard, demain soir.

- On retourne à la maison ? m'a lancé Marie dans l'auto.
- Non. Je vais faire un arrêt chez Archambault, on sait jamais...

Et je lui expliquai que ma quête de la journée avait été pour le moins infructueuse.

Je n'aime pas vraiment le magasin Archambault, tout au moins celui de Gatineau. Je trouve qu'il n'y a pas là une atmosphère de librairie. Les employés sont jeunes et semblent plutôt ignorants en matière de livres. Cependant, j'y ai trouvé deux Hanff dont j'ai déjà lu, ce matin - c'est un petit livre - , l'extraordinaire, le jubilatoire 84, Charing Cross Road. L'autre Hanff est La duchesse de Bloomsbury Street, qui est une espèce de suite au premier. Les Prada, Baillargeon, Shönagon et Yacine brillaient par leur absence. Cependant, dans la petite section consacrée aux sciences, j'ai trouvé Petit voyage dans le monde des quanta d'Étienne Klein, prix Jean Rostand 2004 publié dans la collection Champs chez Flammarion de même que L'Univers élégant de Brian Greene (Folio/essais) gros livre de 600 pages sur l'histoire de l'infiniment grand à l'infiniment petit pour nous amener jusqu'à la théorie des cordes. Brian Greene, nous dit l'intro, est l'un des spécialistes mondiaux de cette théorie. Quant au Klein, je devrai le retourner chez Archambault : les pages 138 à 176 sont remplacées par les pages 51 à 88. Certainement une erreur de l'imprimeur. J'espère qu'ils ne feront pas de chichis.
Finalement, il aurait sans doute été plus fructueux de commander chez Pantoute à Québec ou chez Gallimard de Montréal. Ce qui me fait apprécier la vente en ligne palliant les inventaires plein de trous de nos librairies locales.

dimanche 24 juillet 2005

Paul Carvel

Astrologie, ou quand les étoiles éclairent des illuminés qui éblouissent des lunatiques.
(Jets d'encre - 299 , Éd. Laetoli, 2000)

Le livre t'inspire, la télévision t'aspire.
(Mots de tête - 621, Éd. Laetoli, 2002)

Polytique : nouvelle orthographe pour un sens plus contemporain : plein de parasites.
(Sel d'esprit - 772, Laetoli, 2005)


Paul Carvel est Belge et est auteur d'aphorismes. Jusqu'à présent, il en a composé 1000 et on les trouve dans ses trois petits recueils publiés aux Éditions Laetoli : Jets d'encre, petit délire de fin de siècle (2000), Mots de tête, trithérapie ludique contre l'hibernation cérébrale (2002) et son petit dernier Sel d'esprit, poil à gratter pour méninges hébétées (2005).

Évidemment, vous trouverez une jolie sélection des petits joyaux de Paul sur mon site. L'auteur me fait l'immense plaisir de m'envoyer gracieusement une édition de ses livres car, à ma connaissance, ils ne sont pas encore distribués au Canada. Rendez-vous ici pour plus de détails.


Cul-de-lampe numérisé de la revue L'Abeille, mai 1927.

samedi 9 juillet 2005

Genest ou Qui est-ce donc ?

On a bouleversé la terre avec des mots.
A. de Musset, À quoi rêvent les jeunes filles, Acte 1, Sc. 4


Je n'avais encore jamais acheté sur ebay. Il y a quelques semaines, j'ai visité pour la première fois ce fameux site. Évidemment, je me suis immédiatement tourné vers les quelques titres que je recherche constamment. C'est ainsi que j'ai gagé et gagné (3 euros !) ce magnifique livre d'Émile Genest «Les belles citations de la littérature française (deuxième série)» (1939). L'épigraphe de ce billet est d'ailleurs tirée du livre, à la rubrique Mot. De cet auteur, je possédais déjà la première série (1923), de même que «Les belles citations de la littérature latine» (1939) et «Les belles citations de la littérature étrangère» (1926). Il a aussi publié deux autres recueils intitulés « Où Est-ce donc ? » (première et deuxième série) que je vais recevoir dans quelques jours grâce à Abebooks.
Assez étonnamment, le web est silencieux au sujet d'Émile Genest. Je n'ai pu trouver ni sa date de naissance, ni sa date de mort. De même, ma recherche bibliographique à la Bibliothèque Nationale du Québec est restée infructueuse.

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