En faisant une recherche sur L'Ironie, de Jankélévitch, livre dont j'entame tout juste la lecture, je suis tombé sur un excellent texte de Yann Yochum :

« L'ironiste dit autre chose que ce qu'il pense, mais, à la différence du menteur et de l'hypocrite, il fait comprendre autre chose que ce qu'il dit. L'ironie est donc une feinte. Elle reprend la lettre de l'ironisé mais en subvertissant l'esprit. L'ironie abrège et morcelle, elle brise la continuité du discours et instaure le dialogue et la dialectique. Elle s'arrête en route, par ascétisme, afin d'éviter de verser dans les complaisances du pathos. Ainsi, la simulation ironique devient décelable : l'ironie adopte le discours d'autrui mais elle est reconnaissable à ceci qu'elle le contracte et le morcelle. La conscience obscure à elle-même est le sujet de l'ironie. L'ironiste ne se contente pas d'être un bel esprit : il se moque non seulement des idées, ce qui est aisé, mais encore de ses propres instincts, ce qui présente plus de difficultés. Son intention est morale, il s'agit par ce détour de faire apparaître à l'ironisé ses propres erreurs et ses propres scandales afin qu'il en prenne lui-même conscience. L'ironie peut donc être logique et relever les contradictions du discours. Elle peut aussi être éthique et surenchérir sur un scandale de sorte que celui-ci devienne intenable. L'ironie est par conséquent un art, non de vaincre, mais de persuader. En ce sens l'ironie contourne l'obstacle : elle ne combat pas son sujet de front mais le montre à lui-même tel qu'il est afin qu'il s'amende. »