Jobineries

Blogue de Gilles G. Jobin, Gatineau, Québec.

vendredi 16 septembre 2005

WikiQuote

Il semble que Wikiquote, version française, soit menacé de disparition. C'est un site de citations français qui forcerait la fermeture pour cause de plagiat.

En ce qui me concerne, je sais que plusieurs de «mes» citations se retrouvent sur Wikiquote (et sur bien d'autres sites français de citations!). Évidemment, c'est toujours un peu frustrant de voir qu'avec un simple copie-colle et un réarrangement mineur du fichier, on donne l'illusion d'avoir travaillé très fort et de passer pour un collaborateur à la connaissance universelle. Il reste que piller en tout ou en partie une base de données, c'est, à mon avis, répréhensible.

Je ne veux pas vraiment parler de cette question de plagiat, mais plutôt de ma décision, lors de la création de Wikiquote, de ne pas y participer.

D'abord, lorsque j'ai pris connaissance d'outils Wiki (bien avant Wikiquote), j'ai immédiatement pensé transférer toute ma base de données sous cette forme. Avec quelques scripts, cela eût été relativement simple à faire. Puis, je me suis rendu compte que la base perdrait de son efficacité. En effet, les pages wikis sont créées à la volée. Par exemple, sur un site de citations, il peut être intéressant d'avoir une page bonheur où toutes les citations faisant référence à ce thème s'y trouveraient. Prenons la citation de Beaumarchais : «L'amour n'est que le roman du coeur, c'est le plaisir qui en est l'histoire.» tirée du Mariage de Figaro. Pour que le wiki soit efficace, il faudrait que cette même citation se retrouve sur le thème «amour», «plaisir» et pourquoi pas, «coeur». Par ailleurs, on devrait aussi la trouver sous Beaumarchais et sous l'oeuvre Mariage de Figaro. C'est donc dire qu'en ajoutant cette citation, il faut penser à l'ajouter sur plusieurs pages wikis pour que l'internaute puisse tomber dessus selon sa propre recherche. Cela n'est vraiment pas pratique, et augmente immensément les risques de bruits autour de la citation. En effet, si un internaute qui veut bien contribuer au site décide de créer une nouvelle page wiki sur, par exemple, le mot roman et y inscrit cette citation sous cette forme : «L'amour n'est que le roman du coeur; c'est le plaisir qui en est l'histoire.» soit un point-virgule au lieu de la virgule, on se retrouve avec deux variantes de la citation. Qui dit vrai? Croyez moi, il est très très difficile de faire une citation exacte. Et, à cet effet, je crois qu'Au fil de mes lectures et Bribes sont les deux seuls sites fiables du web (toutes les langues confondues) où l'internaute peut toujours vérifier par lui-même la citation. J'ai trouvé énormément d'erreurs sur tous les autres sites à citations même ceux qui sont abondamment «sponsorisés ».

C'est donc pour cela que je crois qu'un Wiki n'est vraiment pas un bon outil pour un site à citations collaboratif.

Pour qu'un tel site fonctionne, il faudrait :
  1. Qu'un formulaire permette à l'internaute de soumettre une citation.
  2. Que les champs du formulaire soient rigoureusement remplis. Parmi ces champs, l'auteur, la référence exacte, le traducteur, la citation précise.
  3. Qu'une équipe de vérificateurs (des bibliothécaires?) puissent valider la citation avant de l'accepter sur le site.
Pour le reste, il suffit de faire un site comme n'importe quel site de citations sur la toile qui permet une recherche par auteur ou par mot-clé.

Une autre belle possibilité serait de mettre sur pied un équipe de volontaires qui entreraient les citations tirées de recueils qui sont maintenant du domaine public.

samedi 10 septembre 2005

Aquops

À la prochaine rencontre des RÉCIT, l'AQUOPS viendra « recueillir nos besoins, attentes et enjeux relatifs à l'intégration des TIC et ce à l'égard de deux sujets: l'AQUOPS (mission et buts) et la programmation de son prochain colloque (ateliers et journée thématique).»

Depuis l'annonce de ses difficultés et la menace de sa disparition au printemps dernier, je me posais de sérieuses questions sur le rôle de cette organisation au Québec. Par exemple, l'Aquops sert-elle à autre chose que l'organisation d'un très bon colloque? L'Aquops a-t-elle une influence sur l'intégration des TIC? L'Aquops est-elle utile à ses membres? Quelle est donc la véritable place de l'AQUOPS dans le paysage pédagotic provincial?

Or je sentais, et je sens toujours, que l'Association est une force, mais une force molle. Autrement dit, à part l'organisation et la réalisation de son colloque, on voit peu l'exercice de son leadership. Par ailleurs, qu'on y soit membre ou pas ne semble pas faire de différence au niveau de notre travail quotidien. C'est pourtant une force car tous ses membres ont une vision enthousiaste des TIC. Comment l'Aquops peut-elle dynamiser cette force? Ci-dessous, my two cent.

Je pense que l'Aquops devrait immédiatement ouvrir son site à l'accueil de matériel pédagogique sous licence libre. Je pense en effet qu'il est temps d'offrir aux enseignants et aux enfants des manuels scolaires entièrement libres. Actuellement, notre gouvernement finance des éditeurs qui nous vendent leurs livres dont ils demeurent propriétaires.

Je crois que l'Aquops devrait centraliser les efforts des pédagogues québécois (mondiaux?) qui désirent rendre publics et librement accessibles leurs écrits, leurs notes de cours, leurs préparations de cours, leurs textes pédagogiques, etc.

Je pense que l'Aquops pourrait innover en facilitant le travail de ces partageurs de la connaissance en créant une espèce de wiki dans le style wikipedia, mais concentré sur les manuels scolaires.

Je pense que l'Aquops pourrait mettre sur pied des équipes de bénévoles (pour tous les domaines disciplinaires) qui se chargeraient de faire vivre les projets (élaboration/écriture/conception).

Je pense que l'Aquops pourrait établir une liste de programmeurs bénévoles prêts à mettre un peu de temps sur des illustrations dynamiques de grands pans de cette connaissance : animations FLASH, animations JAVA, etc. Tout doit être ouvert !

Il ne s'agit pas ici pour l'Association de faire comme bien d'autres le faisaient dans le temps (vous vous rappelez les «envoyez-nous vos projets, on va les centraliser sur notre site, etc.» ?). Ces sites n'étaient que des collectionneurs de contenu. Il faut devenir GÉNÉRATEUR de contenu. Un générateur de contenu aide à la construction de ce contenu par exemple en suggérant des améliorations, en proposant des animations associées au contenu, en aidant/stimulant/soutenant la création de contenu, et plus encore... (Voir ici pour un exemple brillant de contenu libre.)

Il faut absolument commencer la nouvelle ère du partage éditorial des connaissances dans le domaine de la pédagogie. Si l'Aquops ne prend pas ce créneau, quelqu'un d'autre le fera, car cette voie est, je le crois profondément, incontournable. Il faut donc agir immédiatement.

Vous le savez, je suis entièrement vendu à la cause du logiciel libre en éducation. Je suis aussi profondément convaincu qu'il faut offrir à nos enseignants et nos élèves du matériel adaptable à leurs besoins. Que l'AQUOPS prenne un véritable leadership dans ce domaine serait une excellente nouvelle !

mardi 6 septembre 2005

Nathalie Cloutier

C'est toujours pour moi un immense plaisir d'écouter Nathalie Cloutier. Cette dame, que vous ne connaissez probablement pas, est lectrice de nouvelles à Espace Musique. Elle est sans doute la meilleure lectrice que j'ai jamais entendue, à part, peut-être, mais dans un tout autre registre, Andréanne Laffont. Si vous avez une chance, syntonisez Espace Musique vers la demi-heure. Il y a toujours un petit 2 minutes de nouvelles. Si c'est madame Cloutier au micro, prenez le temps de bien l'écouter. L'intonation de sa voix est très particulière. Ses fins de phrases sont uniques. Vraiment. Fantaisie : qu'elle me lise à haute voix un Christian Bobin. Puis, pour le thrill, un Thomas Bernhard.

Note 1 : Je m'ennuie terriblement de la Chaîne culturelle. Avec la venue d'Espace Musique, je n'écoute à peu près plus la radio. Il me semble que Radio-Canada a fait une véritable gaffe en effectuant ce changement.

Note 2 : Andréanne Laffont. Je me demande ce qu'elle est devenue. Elle était une grande animatrice des années 70. D'ailleurs, pourquoi croyez-vous qu'une de mes filles se prénomme Andréanne?

Note 3 : J'ai recherché le courriel de Nathalie Cloutier sur le site de Radio-Canada pour lui signaler toute mon admiration, mais peine perdue... Alors, si jamais elle fait une petite recherche sous son nom sur le web. peut-être tombera-t-elle sur mon billet faisant l'éloge de son merveilleux talent...

mercredi 31 août 2005

La reliance

Ce superbe texte d'Edgar Morin date de 1997. Quelques extraits :

[...] connaître, c'est, dans une boucle ininterrompue, séparer pour analyser, et relier pour synthétiser ou complexifier.

Quand Pascal disait «Je tiens pour impossible de connaître le tout si je ne connais les parties ni de connaître les parties si je ne connais le tout», il soulignait avec force que la vraie connaissance, c'est une connaissance qui fait le circuit de la connaissance des parties vers celle du tout et de celle du tout vers celle des parties.

Plus notre esprit veut être autonome, plus il doit lui-même se nourrir de cultures et de connaissances différenciées. Schrödinger avait déjà énoncé que dans notre identité, nous portons l'altérité, ne serait-ce que l'altérité du milieu. Dans notre identité d'individu social, nous portons l'altérité de la société. Dans notre identité de sujet pensant, nous portons l'altérité de l'héritage génétique qui est celui de l'humanité, et l'héritage pulsionnel qui est celui de notre animalité.

[...] la réforme de pensée nécessite une réforme des institutions qui nécessite elle-même une réforme de pensée. Il s'agit de transformer ce cercle vicieux en circuit productif. La condition est que puisse apparaître quelque part une déviance fructueuse qui permette d'essaimer et de devenir une tendance.

[La littérature] est une école de vie. C'est l'école où nous apprenons à nous connaître nous-mêmes, à nous reconnaître, à reconnaître nos passions. La Rochefoucault disait que sans roman d'amour, il n'y aurait pas d'amour; il exagérait peut-être, mais les romans d'amour nous font reconnaître notre façon d'aimer, nos besoins d'aimer, nos tendances, nos désirs. Il est fondamental de donner à la littérature son statut existentiel, psychologique et social, qu'on a tendance à réduire à l'étude des modes d'expression. Du même coup, à partir des grandes œuvres d'introspection comme les Essais de Montaigne, on inciterait à la nécessité d'auto-connaissance pour chacun ; on réfléchirait aux problèmes et difficultés qu'elle pose, à commencer par la présence en chacun d'une tendance permanente à l'auto-justification et à l'auto-mythifi-cation, à la self deception ou mensonge sur soi-même.

Un être humain est une galaxie; il est non seulement extraordinairement complexe, mais il possède sa multiplicité intérieure. Il n'est pas le même à tout moment de son existence; il n'est pas le même en colère, il n'est pas le même quand il aime, il n'est pas le même en famille, il n'est pas le même au bureau etc. Nous sommes des êtres de multiplicité en quête d'unité et les phénomènes de dédoublement et de triplement de personnalité, considérés comme cas pathologiques, sont en fait l'exaspération de ce qui est absolument normal.

C'est la tendance à la réduction qui nous prive des potentialités de la compréhension : entre les peuples, entre les nations, entre les religions. C'est elle qui fait que l'incompréhension règne au sein de nous-mêmes, dans la cité, dans nos relations avec autrui, au sein des couples, entre parents et enfants.

vendredi 26 août 2005

Oncle Jacques, blogueur potentiel

Ma soeur Hélène et moi avons décidé d'offrir un blogue à notre oncle Jacques. Ce dernier, spécialiste de l'Afrique et des questions municipales internationales, a fait plusieurs fois le tour du monde. L'entendre nous conter ses voyages, ses rencontres nous a toujours fascinés. Il y a quelques années, alors qu'il était stationné à Bruxelles, il m'a dit :

- Gilles, j'aimerais bien écrire.
- Pourquoi ne le faites-vous pas, mon oncle?
- Hum, je ne sais pas trop par où commencer...
On était autour de l'an 2000.
- Pourquoi ne m'envoyez-vous pas vos écrits par courriel. Je vous assure que je répondrai.

Mais ce «projet» n'a pas vraiment vu le jour. Le quotidien prend le dessus. On oublie. Et la vie continue. Ce blogue, c'est pour que toute la blogosphère puisse profiter de l'immense richesse de cet homme. Écrira-t-il dans son nouvel outil? L'important, à mes yeux, n'est pas du tout qu'il le fasse. L'important, c'est que par ce cadeau, nous lui ayons dit qu'on aimerait bien l'écouter, si jamais il lui prend le goût de dire et de conter.

Offrir un blogue, est-ce compliqué?

Noël approche. Regardez autour de vous. Peut-être y trouverez-vous un parent, un ami, un enfant pour lequel un blogue serait une véritable découverte et une manière, pour vous, de lui dire : «Je crois que bien des gens aimeraient t'écouter et tireraient profit de ce que tu penses.» Bien sûr, vous pourriez tout simplement lui donner une adresse web et lui dire que «C'est facile, tu vas à cette adresse, et tu peux t'en créer un toi-même, en cinq minutes.» Mais là n'est pas l'idée. L'idée est plutôt d'accompagner votre bénéficiaire dans ce monde merveilleux des blogues.

Dans le cas de mon oncle Jacques, Hélène et moi lui avons acheté un nom de domaine (www.jacquesjobin.com). Chez Gandi, cela coûte 12 euros annuellement. Puis, nous avons choisi un hébergement fiable et vraiment pas dispendieux. Discount-Hosting, met 50 megs à la disposition de ses adhérents pour 10$ US par année. Nous y avons installé l'application libre Dotclear. Donc, pour environ $40 CDN, soit l'équivalent d'un succès de vente qui vient paraître en librairie, vous obtenez un beau site web de type blogue attaché à un nom de domaine.

Lors de mon prochain cadeau, je prendrai le temps de faire des copies d'écran de cette procédure et j'en ferai un joyeux tutoriel !

Hélène, Jacques et moi.

mardi 23 août 2005

TIC - Ce que je crois

Les TIC, c'est comme la poésie, la musique ou les mathématiques : ça crée de la beauté.
Un illuminé


Selon vous, votre expérience confirme-t-elle que l'implantation des technologies de l'information et de la communication (TIC) dans les écoles et le développement de cette compétence transversale se font très lentement ? Si oui, que faut-il faire dans vos milieux pour que cela change ?

Cette question, trouvée sur le blogue de l'Aquops, m'intéresse grandement. Il y a quelques années, j'ai dit à mon épouse «Ma chérie, les TIC scolaires, c'est un échec total.» Et aujourd'hui, je redis la même chose. Je ne veux pas trop m'éterniser sur les raisons de ce que je crois être une faillite. Mais il m'est impossible de suggérer des pistes de solutions sans ma perception historique des TIC (APO) scolaires.

Début des années 80 : c'est la venue des ordinateurs individuels. J'ai commencé ma folie "ordi" par une calculatrice programmable TI 58. Quelques mois après, j'avais un TRS pocket computer PC-2 (que je possède encore) et je tripais sur ses possibilités. J'ai fait au même moment l'acquisition d'un Color Computer à 4 ko (COCO). En 1983, j'ai acheté et payé de ma propre poche 6 COCO avec des cassettes LOGO. J'ai installé le tout dans ma salle de classe et j'ai fait des maths avec ça. Lorsque j'ai demandé au CP de venir voir ce qui se passait, il est immédiatement allé à fenêtre, m'a déblatéré sur le temps qu'il faisait, et après deux minutes, il avait quitté ma classe. Ce type est devenu directeur d'école... À l'été de cette même année, j'ai vendu tous mes ordinateurs voyant bien que tout le monde s'en foutait.

Autour de 1986, c'était la folie COMTERM. Wow, on tripait sur des traitements de texte et plusieurs enseignants sont allés faire un certificat en APO. L'université leur enseignait à programmer. Avec un beau certificat en main, certains sont devenus animateur de CEMIS, les autres se sont tout simplement écoeurés ne voyant absolument pas ce que la programmation BASIC avec rapport avec leur enseignement.

En 1995 ou 1996, c'est la Ministre de l'Éducation qui veut donner des ordinateurs aux écoles. Elle leur demande de pondre un plan sur cinq ans et elle allouera des machines aux cs qui auront un plan consolidé sensé. Les cs ont effectivement pondu des plans consolidés. Mais la culture scolaire et la politique ont eu raison : on s'est arrangé pour que tout le monde atteigne un ratio d'un ordinateur pour 10 élèves. Le reste, c'est-à-dire ce qu'on devait en faire, n'avait plus d'importance. Pendant ce temps, au Québec, des initiatives voient le jour : des sites où on passe son temps à répertorier des sites, des sites où on demande d'envoyer des scénarios pour "que les profs s'y retrouvent mieux", etc. Des sites où on sent qu'il est très important, pour leur image, qu'on parle d'eux, des sites non pas générateurs de contenus originaux, mais plutôt générateurs de nombrilisme : "Regardez moi comme je suis beau, parlez de moi et, ainsi, j'aurai une autre subvention du MEQ".

Aujourd'hui, en 2005, on constate que les débutants de 1995 le sont toujours, et que la compétence scolaire TIC est d'une très lente évolution. Et on constate aussi que les jeunes se moquent de l'ordinateur à l'école. D'abord, ils ne peuvent à peu près rien faire sur les machines : tout est barré. Ils ont souvent des machines tellement lentes qu'une bonne partie du cours est à attendre que le curseur reprenne vie, que ce qu'on leur demande de faire est absolument débile («Allez, écrivez-moi un beau texte sur l'ordinateur. N'oubliez d'utiliser du textart, du gras. Et les références. Elles vont à la fin du document!») Quand la machine n'a pas gelé, l'enseignant se retrouve avec un beau document électronique et il est bien content car ses élèves ont développé une compétence TIC.

Je me rappelle avoir visité une école de la région, école à vocation informatique.

-Que faites-vous en mathématiques, demandais-je?
-Oh! c'est assez compliqué intégrer l'informatique en mathématiques. On demande aux élèves de retranscrire leurs notes de cours dans un traitement de texte.

Oui, le développement de la compétence TIC se fait très lentement.

Voyons quelques "explications" :

1 - L'Université. J'ai une fille qui sort de l'Université Laval en éducation. Elle avait un cours en technologie. Le prof. demandait aux élèves de faire un beau PowerPoint. C'ÉTAIT ÇA, son cours. Nous sommes dans les années 2000 et les universités n'ont absolument rien compris. Bien sûr, cela prend du temps, l'adaptation. Mais il reste qu'à mon sens, si ces grands penseurs sont incapables d'être un peu en avance, on a un sérieux problème sur les bras. À moins, bien sûr, de ne plus confier à cette organisation le soin de préparer les futurs maîtres. Il est vrai qu'il se fait certainement de belles choses dans ces établissements - je me rappellerai toujours cet excellent discours de Jacques Tardif, à l'Aquops à la fin des années 90. Intégrer les TIC, lui, il avait compris ce que c'était -, mais c'est très très parcimonieux et l'effet de ces bonnes choses ne se fait absolument pas sentir.

2 - Les directions d'école. Bof, la plupart des directeurs sont tellement pognés dans l'administration qu'ils n'ont pas vraiment le temps d'être proactifs dans leur rôle de responsable de la pédagogie dans leur école. Ils font ce qu'ils peuvent, et, ma foi, ils ne peuvent pas grand-chose.

3 - Les enseignants. Ils se divisent en deux grands groupes. Le premier groupe, ce sont les éternels débutants en informatique scolaire. Ils apprennent tellement lentement que, pendant qu'ils apprennent, il y en a déjà trois fois plus à apprendre! Ils ne peuvent rattraper les autres. Ces autres ? Ce sont les avancés. Ils font bien ce qu'ils peuvent. Mais comme les machines sont désuètes ou ne possèdent pas les logiciels qu'ils connaissent, ou qu'elles sont tout simplement barrées, ils préfèrent lever les yeux au ciel en espérant qu'un jour les services informatiques seront vraiment à leur service. En attendait, ils réussissent chez eux, sur le web, mais n'ont pas les moyens techniques et administratifs d'apporter cette contribution dans leur classe. La bureaucratie scolaire est trop lourde. Ils n'ont aucune emprise sur les décisions, et ils sont laissés à eux-mêmes. Certains sont fatigués, découragés, et n'espèrent plus rien en technologie scolaire.

4- Les élèves? La plupart des élèves qui ont Internet à la maison se débrouillent. Ils clavardent, téléchargent de la musique, jouent à des jeux de haut niveau, participent à des forums. Certains ont des blogues ou des sites dynamiques, d'autres ont une infinité d'amis sur le web, etc. Les jeunes, ils se foutent des TICS scolaires. D'ailleurs, c'est bien connu, personne ne les écoute. Quand ils font des demandes du genre «pourrait-on avoir MSN, sur l'heure du midi?» on leur répond que l'école, c'est pas fait pour communiquer avec les amis sur Internet et que, de toute manière, la CS a décidé de barrer ça. «Pourrait-on jouer à des jeux en réseau». Mais l'école, c'est pas fait pour jouer. Il n'y a personne pour RÉCUPÉRER les désirs des élèves et, à partir de ces désirs, en faire de l'éducation.

Il ne faut pas oublier une chose essentielle: on peut très bien vivre sans les TIC. Comme on peut très bien vivre sans la musique, la poésie ou les mathématiques. Mais quel gâchis culturel cela serait! Bien sûr, on nous rabote des trucs du genre «La société est informatisée, il faut préparer les jeunes à ces technologies, c'est important pour le futur» , etc. Tout ça, c'est de la foutaise. Qu'on ne chatte pas, qu'on n'ait pas d'adresse courriel, que nous ne participions pas à des forums de discussions, on ne s'en porte pas plus mal. C'est un peu comme cette espèce de litanie à propos des mathématiques : «On ne peut rien faire aujourd'hui sans les maths, il y a des maths partout, si tu veux faire de quoi dans la vie, il faut des maths.» Tout ça, c'est de la merde. Autre stéréotype : «En musique, y'a plein de maths».. Oui, oui.. plein de maths. Demandez à un prof de musique où elles sont, ces maths ! Ils bégaiera des trucs du genre : «Croche, double-croche, des ondes sonores en pinçant les cordes» et rapidement, il changera le sujet. Bach a fait la plus belle musique du monde et un élève de cinquième secondaire aujourd'hui en connaît pas mal plus que lui en maths... Mais de là à demander à cet élève d'écrire une fugue avec ce qu'il sait...

La technologie dans notre société? En voici un exemple: Cet après-midi, je suis passé chez le garagiste.
-Monsieur, j'ai fait réparer ma voiture la semaine dernière, mais là, elle sent le brûlé.
-C'est quoi votre numéro de téléphone?
Je lui donne. Il pitonne.
-Ah oui, c'est normal, on a installé tel truc, et bla-bla-bla.

Vive les technologies! En entrant mon numéro de téléphone, il avait le pédigree de ma voiture. C'est vraiment d'un très haut niveau de difficulté, ce truc. Je me demande s'il est compétent en TIC? La plupart des utilisations informatiques ordinaires de notre société sont de ce type: on entre dans une base de données, on regarde le client et on lui débite un tas d'âneries.

Il faut sérieusement s'interroger sur l'apport des technologies scolaires mais à mon avis, le gâchis culturel ne vient pas de ces justifications utilitaristes. Pourquoi les élèves doivent-ils développer une compétence TIC? Pour une raison fort complexe : parce que cela les aidera à devenir ce qu'ils sont : des êtres humains de réflexion, des êtres humains qui ont quelque chose à apporter à l'humanité. Parce que, comme l'a chanté Harmonium, «on a mis quelqu'un au monde, faudait peut-être l'écouter» et que les TIC permettent justement d'écouter l'autre. La vie n'est-elle pas lancer une bouteille à la mer en espérant qu'une âme soeur saura décrypter son message secret? Internet permet ce mouvement vers l'autre, et, conséquemment, une meilleure compréhension de l'altérité, et, espérons-le, une plus grande tolérance à la différence. N'est-ce pas là le rôle fondamental de l'éducation? L'ouverture au monde, l'ouverture à l'autre? Quel meilleur milieu que l'école pour apprendre cette tolérance? Il ne faut pas intégrer les TIC parce que «le monde est technologique». Il faut intégrer les TIC à notre vie parce que l'humanité a grand besoin de chacun d'entre nous pour s'élever au dessus de notre misérable condition de mortel et gagner la bataille sur l'horreur de ce monde. Nos enfants doivent crier qu'ils existent et doivent partager ce qu'ils sont avec la planète entière. L'espoir que ce partage pourra améliorer la condition humaine tout entière est dans cette éducation. Tout le reste est vain.

Bon, que faire?

Je crois que pour faire évoluer les choses il faut :

1- Appuyer uniquement les enseignants qui sont déjà très en avance. Ces derniers créeront des modèles que d'autres pourront éventuellement adapter. Au lieu de s'arrêter à la première difficulté rencontrée, ils sauront analyser la situation et trouver les solutions.

2- Aux enseignants déjà en avance, fournir rapidement tout ce dont ils ont besoin.

3- Ne pas alourdir la tâche de ces enseignants en leur demandant, par exemple, de pondre des projets sur papier pour les administrateurs frileux. Diable ! QU'ON LEUR FASSE CONFIANCE.

4- Rechercher de bons éléments parmi les innovateurs du terrain pour qu'ils enseignent aux futurs enseignants. Autrement dit, que les universités commencent par reconnaître qu'elles n'ont pas l'expertise pour faire avancer les choses, et qu'elles puissent embaucher des enseignants compétents/experts même s'ils n'ont pas les diplômes que leurs nobles institutions délivrent et exigent.

5- Que tous les services informatiques des CS soient d'abord au service de la pédagogie.

6- Que le Ministère de l'Éducation mette quelques millions sur la production de matériel pédagogique libre. Les enseignants auraient ainsi du matériel électronique modifiable selon leur propre jugement.

7- Que le Ministère de l'Éducation offre un service de prêts sans intérêt (ou un crédit d'impôt) aux enseignants qui désirent acquérir un ordinateur portable.

8- Que le Ministère de l'Éducation ait un service d'abonnement gratuit à l'Internet pour les éducateurs de la province.

Voilà ce que je crois, en ce mardi du mois d'août 2005.

Mille pattes

À cause de ce billet, Glenn Gould Entretiens avec Jonathan Cott est un autre livre que je dois absolument acquérir. Cette histoire de mille-pattes est justement l'image que je recherchais pour illustrer mon malaise à propos de la quasi sacro-sainte métacognition scolaire.

samedi 20 août 2005

Kundera

Un rideau magique, tissé de légendes, était suspendu devant le monde. Cervantes envoya don Quichotte en voyage et déchira le rideau. Le monde s'ouvrit devant le chevalier errant dans toute la nudité comique de sa prose.
Kundera, Le Rideau, p. 110, Gallimard 2005


J'ai tout lu de Kundera. À mon humble avis, c'est l'un des cinq plus grands auteurs de la deuxième moitié du XXe siècle et il devrait mériter le Nobel de la littérature.

Aussitôt paru au Canada il y quelques mois, j'ai immédiatement achété son dernier livre, Le Rideau. Je n'ai cependant pris le temps de lire que cette semaine. C'est un profond essai sur l'art du roman. On y retrouve des analyses de Bovary, du Quichotte, de Kafka, etc. Aucun dépaysement pour les lecteurs des ses deux premiers essais. Dans Le Rideau on sent l'amour inconditionnel de l'auteur pour son art. Pour Kundera, le roman est la vie, me dis-je, en refermant le bouquin.

Il y a une foule de passages savoureux dont celui où il suggère la lecture de Gombrowicz a un ami. Ce dernier choisit Les Envoûtés, livre paru après la mort de son auteur. Plus tard, l'ami signale à Kundera son manque d'enthousiame .
Je dis  : « Il faut que vous lisiez Ferdydurke ! ou La Pornographie ! » Il me regarde avec mélancolie. « Mon ami, la vie devant moi se raccourcit. La dose de temps que j'ai épargnée pour votre auteur s'est épuisée. » (p. 116)
Cela nous arrive à tous : proposer un auteur à un ami et par la suite sentir la tiédeur de ce dernier envers notre écrivain fétiche. La relation lecteur-auteur est unique.

Un autre passage qui m'a fait sourire est celui sur l'oubli :
« [...] en tournant la page, j'oublie déjà ce que je viens de lire; je n'en retiens qu'une sorte de résumé indispensable à la compréhension de ce qui va suivre, tandis que tous les détails, les petites observations, les formules admirables sont déjà effacés. Un jour, après des années, l'envie me prendra de parler de ce roman à un ami; alors nous constaterons que nos mémoires, n'ayant retenu de la lecture que quelques bribes, ont reconstruit pour chacun de nous deux livres tout différents. » (p. 176)
J'ai lu Kafka dans ma jeune vingtaine et je m'étais donné comme défi de le relire cette année. Je ne sais si j'y arriverai, mais ce Kundera m'incite grandement à m'y mettre. Je me rends compte aussi que Rabelais, Cervantes et Sterne manquent terriblement à ma culture. Il y a tant à lire, et la vie est si courte, si courte...

mardi 16 août 2005

Ça me choque...

«Nous leur avons demandé de suspendre les moyens de pression. Après tout, les syndiqués de la FTQ n'ont déposé leurs demandes salariales qu'en juin», a déclaré M. Munn à la Presse canadienne. Il juge que les moyens de pression à ce stade-ci sont prématurés. Les négociateurs syndicaux ont rencontré M. Munn à Montréal mardi. Les uns et les autres se sont entendus pour fixer un échéancier en vue des prochaines rencontres de négociations. (Matinternet)

Je comprends vraiment, mais vraiment pas... Ça fait deux ans que la convention est échue. Et les deux parties se sont rencontrées pour « fixer un échéancier ». Merde !!! Mais comment diable se fait-il que cet échéancier ne soit pas déjà fixé??? Ils font quoi, nos représentants syndicaux ? Et le gouvernement qui demandent de reporter les moyens de pression ! Nos politiciens ne sont que des lavettes. Dans le même article, on nous dit qu'ils vont se revoir le 25 août prochain. Diable de diable... que font-il demain, et après-demain ??? Ne sont-ils pas payés par nos taxes pour négocier ? Et s'ils ne sont pas prêts, on n'a qu'à mettre ces incompétents à la porte et qu'on en embauche d'autres ! J'y comprends absolument rien à cette lenteur. Il me semble qu'en deux ans, on a le temps de se préparer ! Quelle incompétence !

mardi 28 juin 2005

Typographie

Lors d'une formation donnée hier matin, je mentionnais aux enseignants qu'il ne faut jamais, jamais, jamais taper deux fois de suite la barre d'espacement.

- Mais, m'a-t-on lancé, après un point final, on demande toujours aux élèves de faire deux espaces.
- Non, il n'y a qu'une seule espace.
- Pourtant, dans les cours de dactylo, on nous disait bien qu'il y a deux espaces.

Ces enseignants ont semé un doute dans mon esprit car, ma mémoire reprenant vie, il me semblait que j'avais déjà appris cette règle...

Revenu à la maison, je me suis garroché sur ma bible du typographe, le Ramat de la typographie (1998), et en page 137, oh ! soulagement, il est bien indiqué qu'après un point, « on met une capitale au prochain mot. On ne met jamais deux espaces de suite après un point final. »

samedi 18 juin 2005

CILE

Un véritable système éducatif devrait se proposer trois objectifs. À tous ceux qui veulent apprendre, il faut donner accès aux ressources existantes, et ce à n'importe quelle époque de leur existence. Il faut ensuite que ceux qui désirent partager leurs connaissances puissent rencontrer toute autre personne qui souhaite les acquérir. Enfin, il s'agit de permettre aux porteurs d'idées nouvelles, à ceux qui veulent affronter l'opinion publique, de se faire entendre.
Ivan Illich, Une société sans école, trad. Gérard Durand, p. 128, Éd. du Seuil, coll. Points n° 117, 1971.


Doit-on utiliser exclusivement le logiciel libre, les formats ouverts, les contenus libres et les systèmes d'exploitation libres en éducation ?

Dans ce texte, je regrouperai sous le sigle CILE (Concept Informatique Libre en Éducation) les quatre notions mentionnées dans cette question. Je sais que l'adverbe exclusivement en fera tiquer plus d'un, et que ma position extrême risque de choquer certains esprits. Je veux juste préciser que je n'en fais aucunement affaire de religion, mais plutôt une question de principe. J'aimerais étayer ici ce qui me pousse à une réponse affirmative à la question posée plus haut.

En fait, il n'y a qu'une seule raison fondamentale qui me force (de même que tous les intervenants du monde scolaire) à répondre par un oui haut et fort. C'est tout simplement parce que, au niveau de l'informatique, seul le CILE est en cohérence avec nos valeurs éducatives occidentales.

En éducation, il est dans nos valeurs profondes de permettre la libre circulation de la connaissance dans toutes les disciplines, les sciences informatiques incluses. Les éducateurs doivent aussi consentir à l'examen critique de toutes solutions apportées à un problème. De plus, nous devons autoriser aux élèves de reprendre ces solutions en les adaptant pour résoudre de nouveaux problèmes. En éducation, nous devons aussi examiner toutes les solutions apportées par un élève, nous devons lui offrir la possibilité de confronter sa solution au sein même de la société tout en fournissant un cadre pédago-sécuritaire pour le faire.

La libre circulation de la connaissance signifie qu'un élève doit avoir la possibilité d'étudier ce qui l'intéresse. Les connaissances ne doivent pas être taboues, mais être des leviers pour en créer d'autres et pour être source d'innovations. Imaginez une école dont la bibliothèque contiendrait un pourcentage des livres inaccessibles à l'élève, car selon le jugement de certains censeurs supposés responsables, certains livres enseigneraient des connaissances auxquelles l'élève ne doit pas accéder... Personnellement, je ne voudrais pas que mes enfants fréquentent cette école.

Au Québec, un très fort accent est mis sur la résolution de problème. Notre programme contient même deux compétences (une transversale, l'autre appartient au domaine des mathématiques) libellées spécifiquement par «résolution de problème». Imaginez une école où on enseignerait aux élèves le théorème de Pythagore, mais en leur signifiant qu'ils n'ont pas le droit d'en voir la preuve car celle-ci est protégée par une certaine licence. Imaginez l'enseignement d'un traité historique où l'élève n'aurait le doit d'en voir qu'un résumé, car le traité lui-même ne serait accessible qu'à ceux qui en paient le prix. Encore une fois, je ne voudrais pas de cette école où on dispenserait cet enseignement à mes enfants.

Imaginez maintenant que l'enseignant lance à ses élèves : « Voilà la réponse du problème » sans montrer la solution ou la démarche amenant cette réponse. Imaginez cet enseignant qui dirait : Chers enfants, c'est MA solution, et vous devez payer un certain montant d'argent pour la voir et la voir seulement : pas question pour vous de la montrer à d'autres ou de l'utiliser plubliquement dans vos propres solutions à vos problèmes. Encore une fois, je ne voudrais pas de cet enseignant dans mon école. Bien entendu, le CILE permet à tous d'étudier et de reprendre les solutions d'un problème.

En acceptant du logiciel propriétaire dans une école, c'est à peu près ces conditions-là qu'on accepte lorsque l'enfant s'installe devant un ordinateur. Vous me direz que ce n'est pas tous les enfants qui sont intéressés par la preuve du théorème de Pythagore, que peu d'enfants iront vérifier les sources apportées par son enseignant, qu'il est rare que les enfants désirent étudier les solutions à un problème. Cependant, si dans une école, on interdit aux enfants qui le désirent le potentiel d'aller plus avant dans la connaissance, je crois qu'on ne fait pas oeuvre d'éducation. Or, un enfant auquel on oblige l'utilisation d'un logiciel propriétaire est un enfant dont on brime potentiellement son droit à la connaissance. C'est, à mon avis, inacceptable.

Je suggère donc à tous les éducateurs de la province du Québec de se donner un plan d'action pour sauter vers le CILE. Allez voir votre patron et dites-lui que vous voulez du temps d'appropriation et de la formation pour effectuer ce saut. Demandez-lui comment il peut accepter que dans son école, on limite le potentiel de connaissance des élèves. Et demandez-lui de vous justifier en quoi il juge son établissement cohérent avec sa mission éducative en plaçant les enfants devant des logiciels propriétaires.

Le CILE, ce n'est pas une affaire d'argent, c'est une question de principe. Nos dirigeants méritent qu'on leur explique le CILE sous l'angle des principes pédagogiques plutôt que sous l'angle administrativo-budgétaire car, voyez-vous, la cohérence exige de la rigueur, du sang-froid et de la vision. Et d'après moi, seul le CILE permet aux éducateurs d'être cohérents avec leurs principes d'éducateurs.

Vive les examens !

Benoit m'envoie le lien pointant vers l'article Les jeunes Canadiens sont recalés en sciences : Un élève sur trois ne comprend pas des concepts scientifiques élémentaires.

Quasi au même moment, mon collègue Marcel me remet le Bulletin linguistique qu'il publiait à la commission scolaire dans les années 90. En page frontispice :

Le passé est-il garant de l'avenir ?

Il est [...] ordinaire de trouver [des écoliers de rhétorique] qui n'ont aucune connoissance des règles de la langue françoise, et qui en écrivant pèchent contre l'orthographe dans les points les plus essentiels.
Nicolas Audry, 1689.
Les jeunes gens sortent des collèges aussi ignorans [de leur langue maternelle] que s'ils avoient esté élevez chez les étrangers.
Pierre Restaut, 1730.
Même dans l'enseignement secondaire [...], on remarque que beaucoup d'élèves sortent du lycée avec une connaissance imparfaite de l'orthographe. C'est ce qu'attestent tous les professeurs qui ont pris part aux examens universitaires.
P. Meyer, 1905.
Toutes les critiques que l'on formule au sujet des insuffisances en orthographe des écoliers d'aujourd'hui étaient formulées il y a cinquante ou vingt ans avec la même insistance; il n'y a rien de changé sous le soleil
L. Poriniot, 1933.
Consultons au hasard, et sans même vouloir chercher «la bête noire », des textes écrits par des étudiants de niveaux collégial et universitaire, à l'âge où l'on devrait normalement avoir acquis les principes élémentaires de l'écriture : c'est une opération déprimante...
Lysiane Gagnon, La Presse, avril 1975.
Comme leurs aînés, les finissants [de 5e secondaire] de 1987 ont fait en moyenne une faute d'orthographe ou de grammaire à tous les dix mots, et la moitié d'entre eux ont échoué l'examen.
André Pratte, La Presse, 12 décembre 1987.
Marcel Belletête, Bulletin linguistique, Vol. 1 N°8, juin 1991.

Plus tard, dans la journée, un jeune de 2e secondaire vient m'annoncer qu'il avait gagné sa bataille contre son prof de math :
«Elle voulait que je fasse l'examen de fin d'année, mais comme j'ai plus de 85%, j'ai le droit, selon les règlements de l'école à l'exemption. La direction de l'école m'a donné raison.»
- Et alors?
- Bien, elle voulait m'obliger à faire l'examen qui, en passant, compte pour 97% de l'année.
- Pourquoi voulait-elle t'obliger à le faire?
- Je suis le meilleur de la classe. J'aurais agi comme barême pour pouvoir juger du niveau de difficulté de l'examen. Mais moi, je pense que c'est pas ma responsabilité de faire ça : je me suis forcé toute l'année, et j'ai droit à l'exemption.
Il a continué en me disant :
- En plus, elle m'a dit que je risquais d'échouer en 436 si je ne faisais pas ce test.
- Comment ça?
- Je sais pas. Il paraît que c'est un nouveau genre d'examen et que si je ne prends pas de l'expérience avec celui de deuxième secondaire, je risque d'échouer l'examen de 436. Mais moi, je trouve ça ridicule.

Son examen de math est mardi. Le jeune élève se donnait la fin de semaine pour réfléchir si oui ou non il allait faire le test. «D'un côté, ça me tente pas de le faire. D'un autre côté, c'est pour aider les autres élèves de la classe... Mais je veux pas que ma note de l'année baisse. Je vais peut-être faire le test si mon prof m'assure que je vais garder ma note de l'année...»

Quant à moi, j'en ai marre des notes...

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