vendredi 12 février 2016
L'évaluation, réponse à un billet.
Par Gilles Jobin, vendredi 12 février 2016 :: Généraleries
En voulant répondre à un billet de Pierre-Olivier Jette trouvé ici, le bloque m'indiquait que je dépassais le nombre de caractères permis. J'ai donc décidé de publier mon commentaire ici.
Vos tâches autonomes ressemblent grandement aux fameuses SA et SAE de la réforme... qui ont fini par devenir des examens que TOUS les profs donnent. Une véritable révolution dans l'évaluation demande plus qu'un simple changement de nom.
Les profs (les plus courageux) devraient REFUSER de donner des examens, devraient REFUSER de donner des notes, devraient REFUSER d'agir comme trieurs d'élèves.
Pour en finir avec une évaluation triage d'élèves (qui est aussi une évaluation ou le prof SAIT ce que l'élève a appris, mais où l'élève quant à lui, n'en a tout au plus qu'une idée fort vague - j'ai eu 70%... ), il faut :
1- Passer à un véritable portfolio d'apprentissage dans lequel l'élève VOIT, COMPREND et PEUT EXPLIQUER sa propre évolution. Pas besoin d'une note pour ça - il suffit de donner la parole à l'élève et de lui demander : «dis-moi ce que tes items de portfolio démontrent. Dis-moi aussi quels défis ton compte relever au cours des prochaines semaines.»
2 - Donner, lors des examens obligatoires (et stupides, je le répète) le droit à TOUS LES OUTILS informatiques. Ceci démontrera l'obsolétisme (hum, je ne sais pas si ce mot existe) d'une grande partie du programme. C'est aussi une façon CONCRÈTE de changer le système, de provoquer sa chute devenue nécessaire pour le bien de nos enfants - surtout au secondaire.
Mais aussitôt que je suggère de laisser nos ados utiliser l'informatique TOUT LE TEMPS, on sent un net recul des enseignants, des CP, des directeurs d'écoles, des services pédagogiques. Car, il faut se l'avouer, on aime bien notre pouvoir de donner une note ; certains croient même que c'est nécessaire pour le maintien d'une certaine discipline en classe (Ex. de réflexion : Si les élèves n'ont pas à faire des examens, qu'est-ce qui peut bien les motiver à suivre en classe?) On semble bien aimer ce pouvoir de contrôle ; celui qui fait qu'on laisse l'élève dans le désert (avec un papier et un crayon) et, comme dans Hunger game, on le regarde se démerder et tenter de survivre. Surtout qu’après, on peut lui lancer :
- Tu t’es bien dépris dans cette situation WOW, je te donne... hum... 72%.
- Ah oui ? répond l’élève.
- Oui, regarde, j’ai rempli en belle grille d’évaluation. C’est vraiment objectif. Si tu poursuis ainsi, tu vas peut-être pouvoir faire des maths 436 l’an prochain...
Je ne pense pas qu'on puisse créer des WOW et de la fébrilité en donnant des examens et en se donnant le pouvoir de trier les élèves comme «bon pour le Cégep, bon «seulement» pour math 416, pas bon pour les sciences, etc.)
Vous citez des situations d'apprentissage. Vous n'êtes pas sans savoir que le web en regorge, les livres scolaires aussi, et ce depuis 2000. Mais, franchement, qu'est-ce que ça donne ? Des situations WOW en factorisation, en démonstration d'identités trigonométriques, en loi des exposants, etc... ça n'existe tout simplement pas. Ce qui existe, c’est des situations bidons. Ce qui est WOW, c'est l'idée même des mathématiques, c’est l’idée même d’apprendre à apprendre. Mais lorsque j'en parlais aux profs, certains (et qui n'étaient pas contredits par les autres) me disaient : «Mais Gilles, nous, ce dont on a besoin, c'est de savoir la date et l'heure de l'examen du ministère. Et des exemples de SAE telles que notre jeune aura au test.» 16 ans après la réforme, voilà où nous en sommes ENCORE au secondaire : enseigner en fonction des examens.
Vous dites qu'il faut répondre aux peurs des parents. Je ne vois pas pourquoi ! On trouve sain un parent qui aimerait bien que son jeune soit «au-dessus de la moyenne.» Moi, je trouve ça malsain, car cela implique que ce parent désire qu'au moins un autre enfant de la classe soit SOUS la moyenne. Pour moi, cela rentre en contradiction profonde avec l'idée de la réussite pour tous. La moyenne, outil pernicieux par excellence de tri social, doit être abolie. L'école, l'apprentissage, ne doivent pas être soumis aux lois de la compétition. Et ce, quoi que les parents en pensent.
Bon, j'arrête ici, car même après 2 ans de retraite, mon coeur peine à cette idée classique d'évaluation performance/tri/note. Bien sûr, vous pensez qu'on peut secouer les colonnes du temple. Peut-être réussirez-vous. Mais je crois plutôt que lorsqu’un élève entre dans la classe, on doit l’aider à construire son propre temple. On doit aussi refuser de l’amener prier dans le temple de l’évaluation imposée par un faux dieu lui promettant, après jugement, un paradis/enfer fictifs.
En terminant, un merci pour votre texte. Je suis convaincu que l’éducation se porterait beaucoup mieux au Québec si plus d’enseignants, de cp et de directeurs d’école et de services pédagogiques prenaient le temps de partager leurs pensées ! Bonne continuation.
Vos tâches autonomes ressemblent grandement aux fameuses SA et SAE de la réforme... qui ont fini par devenir des examens que TOUS les profs donnent. Une véritable révolution dans l'évaluation demande plus qu'un simple changement de nom.
Les profs (les plus courageux) devraient REFUSER de donner des examens, devraient REFUSER de donner des notes, devraient REFUSER d'agir comme trieurs d'élèves.
Pour en finir avec une évaluation triage d'élèves (qui est aussi une évaluation ou le prof SAIT ce que l'élève a appris, mais où l'élève quant à lui, n'en a tout au plus qu'une idée fort vague - j'ai eu 70%... ), il faut :
1- Passer à un véritable portfolio d'apprentissage dans lequel l'élève VOIT, COMPREND et PEUT EXPLIQUER sa propre évolution. Pas besoin d'une note pour ça - il suffit de donner la parole à l'élève et de lui demander : «dis-moi ce que tes items de portfolio démontrent. Dis-moi aussi quels défis ton compte relever au cours des prochaines semaines.»
2 - Donner, lors des examens obligatoires (et stupides, je le répète) le droit à TOUS LES OUTILS informatiques. Ceci démontrera l'obsolétisme (hum, je ne sais pas si ce mot existe) d'une grande partie du programme. C'est aussi une façon CONCRÈTE de changer le système, de provoquer sa chute devenue nécessaire pour le bien de nos enfants - surtout au secondaire.
Mais aussitôt que je suggère de laisser nos ados utiliser l'informatique TOUT LE TEMPS, on sent un net recul des enseignants, des CP, des directeurs d'écoles, des services pédagogiques. Car, il faut se l'avouer, on aime bien notre pouvoir de donner une note ; certains croient même que c'est nécessaire pour le maintien d'une certaine discipline en classe (Ex. de réflexion : Si les élèves n'ont pas à faire des examens, qu'est-ce qui peut bien les motiver à suivre en classe?) On semble bien aimer ce pouvoir de contrôle ; celui qui fait qu'on laisse l'élève dans le désert (avec un papier et un crayon) et, comme dans Hunger game, on le regarde se démerder et tenter de survivre. Surtout qu’après, on peut lui lancer :
- Tu t’es bien dépris dans cette situation WOW, je te donne... hum... 72%.
- Ah oui ? répond l’élève.
- Oui, regarde, j’ai rempli en belle grille d’évaluation. C’est vraiment objectif. Si tu poursuis ainsi, tu vas peut-être pouvoir faire des maths 436 l’an prochain...
Je ne pense pas qu'on puisse créer des WOW et de la fébrilité en donnant des examens et en se donnant le pouvoir de trier les élèves comme «bon pour le Cégep, bon «seulement» pour math 416, pas bon pour les sciences, etc.)
Vous citez des situations d'apprentissage. Vous n'êtes pas sans savoir que le web en regorge, les livres scolaires aussi, et ce depuis 2000. Mais, franchement, qu'est-ce que ça donne ? Des situations WOW en factorisation, en démonstration d'identités trigonométriques, en loi des exposants, etc... ça n'existe tout simplement pas. Ce qui existe, c’est des situations bidons. Ce qui est WOW, c'est l'idée même des mathématiques, c’est l’idée même d’apprendre à apprendre. Mais lorsque j'en parlais aux profs, certains (et qui n'étaient pas contredits par les autres) me disaient : «Mais Gilles, nous, ce dont on a besoin, c'est de savoir la date et l'heure de l'examen du ministère. Et des exemples de SAE telles que notre jeune aura au test.» 16 ans après la réforme, voilà où nous en sommes ENCORE au secondaire : enseigner en fonction des examens.
Vous dites qu'il faut répondre aux peurs des parents. Je ne vois pas pourquoi ! On trouve sain un parent qui aimerait bien que son jeune soit «au-dessus de la moyenne.» Moi, je trouve ça malsain, car cela implique que ce parent désire qu'au moins un autre enfant de la classe soit SOUS la moyenne. Pour moi, cela rentre en contradiction profonde avec l'idée de la réussite pour tous. La moyenne, outil pernicieux par excellence de tri social, doit être abolie. L'école, l'apprentissage, ne doivent pas être soumis aux lois de la compétition. Et ce, quoi que les parents en pensent.
Bon, j'arrête ici, car même après 2 ans de retraite, mon coeur peine à cette idée classique d'évaluation performance/tri/note. Bien sûr, vous pensez qu'on peut secouer les colonnes du temple. Peut-être réussirez-vous. Mais je crois plutôt que lorsqu’un élève entre dans la classe, on doit l’aider à construire son propre temple. On doit aussi refuser de l’amener prier dans le temple de l’évaluation imposée par un faux dieu lui promettant, après jugement, un paradis/enfer fictifs.
En terminant, un merci pour votre texte. Je suis convaincu que l’éducation se porterait beaucoup mieux au Québec si plus d’enseignants, de cp et de directeurs d’école et de services pédagogiques prenaient le temps de partager leurs pensées ! Bonne continuation.