Les mathématiques sont une invention humaine, inspirée par notre capacité innée à étudier avec précision des idées abstraites, alors que la physique a pour objet le monde matériel, que nous n'avons absolument pas créé. Le rapport entre la logique interne et la logique de la création matérielle paraît tout à fait gratuit.
Heinz Pagels, L'Univers Quantique.


En présentant le projet de bâtir avec quelques enseignants une situation complexe d'apprentissage et d'évaluation en mathématique, un directeur d'école m'a lancé, hargneux : «J'espère que tu vas intégrer les sciences à la situation, car ça, c'est réforme ! Et les sciences et les maths, ça va ensemble !» ... Je commence vraiment à m'aimer : je n'ai pas réagi.

Ce lieu (lien) commun maths <=> sciences m'a toujours déplu. En fait, je pense qu'intégrer les sciences aux maths n'est vraiment pas quelque chose à faire systématiquement. L'inverse m'apparaît cependant logique : intégrer les maths aux sciences. En sciences, les maths peuvent (et généralement sont) un outil de premier ordre. Quand on intègre les maths aux sciences, on ne défait pas la pensée scientifique. Cette dernière est habituellement basée sur l'induction appuyée par une (la ?) méthode scientifique. Les maths sont alors un outil qui permet d'articuler cette pensée. En ce sens, on «intègre» (je préfère le mot «utilise») les maths aux sciences.

Mais comment intégrer les sciences aux maths ? Franchement, je ne vois pas trop. Les maths sont d'abord déduction, rigueur et communication serrée de la pensée.

Par exemple, le scientifique qui observe : (1 - 3 - 5 - 7 - 9) pourra induire que le nombre suivant est 11. Le bon mathématicien, quant à lui, ne pourra rien déduire sinon qu'il peut trouver une loi qui justifierait n'importe quel nombre à la suite. Amener l'élève vers une découverte mathématique par le biais d'une expérience scientifique est corrompre l'idée de déduction en la faisant d'abord passer par l'induction. Pour le mathématicien, l'expérience de laisser tomber 1 million de fois une balle ne démontre pas que la prochaine fois, la balle tombera. Autrement dit, le fondement de la pensée scientifique est à mon sens trop différent du fondement de la pensée mathématique pour introduire celle-ci par celle-là. Au regard des mathématiques, il est plus aisé d'intégrer le français (en s'assurant de la rectitude du langage parlé ou écrit) ou l'histoire (en s'assurant que l'enfant comprenne l'origine historique et culturelle de la pensée mathématique.)