Une grande erreur est de penser que l'enthousiasme est inconciliable avec les vérités mathématiques; le contraire est beaucoup plus vrai. Je suis persuadé qu'il est tel probléme de calcul, d'analyse, de Kepler, de Galilée, de Newton, d'Euler, la solution de telle équation, qui supposent autant d'intention, d'inspiration que la plus belle ode de Pindare. Ces pures et incorruptibles formules, qui étaient avant que le monde fût, qui seront après lui, qui dominent tous les temps, tous les espaces, qui sont, pour ainsi dire, une partie intégrante de Dieu, ces formules sacrées qui survivront à la ruine de tous les univers, mettent le mathématicien qui mérite ce nom en communion profonde avec la pensée divine. Dans ces vérités immuables, il savoure le plus pur de la création; il prie dans sa langue. Il dit au monde comme cet ancien : « Faisons silence, nous entendrons le murmure des dieux ! »
Edgar Quinet, L'Ultramontanisme ou l'Église romaine et la société moderne, Oeuvres complètes, t.2, p.183, Paris, 1857.