Connaître, c'est primairement computer

Nous sommes encore aux débuts de la connaissance artificielle, et nous avons interrogé les débuts de la connaissance vivante. En dépit des énormes différences de l'une à l'autre, il y a ce trait fondamental commun: connaître, c'est primairement computer. La connaissance, nous le verrons, ne se réduit nullement à la computation, mais nous pouvons supposer qu'elle comporte toujours de la computation.
Une computation est une opération sur/via signes/symboles/formes. Connaître, c'est effectuer des opérations dont l'ensemble constitue traduction/construction/solution.
Autrement dit, la connaissance est nécessairement:
- traduction en signes/symboles, et systèmes de signes/symboles (puis, avec les développements cérébraux, en représentations, idées, théories...);
- construction, c'est-à-dire traduction constructrice à partir de principes/règles («logiciels) qui permettent de constituer des systèmes cognitifs articulant informations/signes/symboles;
- solution de problèmes, à commencer par le problème cognitif de l'adéquation de la construction traductrice à la réalité qu'il s'agit de connaître.
C'est dire que la connaissance ne saurait refléter directement le réel, elle ne peut que le traduire et le reconstruire en une autre réalité.

Edgar Morin, La Méthode 3. La Connaissance de la Connaissance, Seuil, 1986