Jobineries

Blogue de Gilles G. Jobin, Gatineau, Québec.

mercredi 9 juillet 2014

Absence/Abus/Académie

Absence

L'absence est le plus grand des maux.
La Fontaine, Les deux Pigeons
L'absence diminue les médiocres passions et augmente les grandes, comme le vent éteint les bougies et allume le feu.
La Rochefoucauld
L'absence est la pierre de touche de l'amitié.
Lacordaire

Note du transcripteur :
La citation est inexacte. Lacordaire a plutôt écrit dans une lettre adressée à Mme Swetchine en 1835 :
L'absence est une pierre de touche pour les vrais attachements.
L'absence est la pierre de touche de l'affection ; elle sert à montrer jusqu'à quel point on ne pourrait se passer de ceux qu'on aime.
Louis Aigon

Note du transcripteur :
Je n'ai trouvé aucune trace de ce Louis Aigon.

Abus

Avant d'attaquer un abus, il faut voir si on peut ruiner ses fondements.
Vauvenargues

Académie

On fait, défait, refait ce beau dictionnaire,
Qui, toujours très bien fait, sera toujours à refaire.
Lebrun
Depuis dix ans, dessus l'F on travaille
Et le destin m'aurait fort obligé
S'il m'avait dit : « tu vivras jusqu'au G. »
Bois-Robert

Note du transcripteur :
On trouve ici une grosse erreur souvent répétée. Boisrobert a écrit non pas dix ans, mais bien six ans. Vous trouverez l'original chez Gallica dans «Les epistres du sieur de Bois-Robert-Metel, abbé de Chastillon . Dediées à monseigneur l'éminentissime cardinal Mazarin.» en page 29.

L'Académie est comme un vrai chapitre,
Chacun à part promet d'y faire bien,
Mais tous ensemble ils ne tiennent plus rien,
Mais tous ensemble ils ne font rien qui vaille.
Depuis six ans dessus l'F on travaille,
Et le destin m'aurait fort obligé
S'il m'avait dit : Tu vivras jusqu'au G.
(À Monsieur de Balzac. Épitre VI.)


Ci-gît Piron, qui ne fut rien.
Pas même académicien.
Piron
C'est ce petit rimeur, de tant de prix enflé,
Qui sifflé pour ses vers, pour sa prose sifflé,
Tout meurtri des faux pas de sa muse tragique
Tomba, de chute en chute, au trône académique.
Gilbert
La Condamine est aujourd'hui
Reçu dans la troupe immortelle ;
Il est bien sourd, tant mieux pour lui ;
Mais non muet, tant pis pour elle.
Piron
Quand La Bruyère se présente,
Pourquoi faut-il crier haro ?
Pour faire un nombre de quarante
Ne fallait-il pas un zéro ?

Note du transcripteur :

Ce cinglant quatrain aurait été composé par un plaisantin qui se serait reconnu dans «Les Caractères.»


Étienne Blanchard, Recueil d'idées, 1928, 1929, 1941, 1947. Voir le premier billet.

Avis

AVIS1

Cet ouvrage, composé de pensées, maximes, proverbes faciles à retenir, a pour but :

1. De rendre service aux écrivains, professeurs, journalistes, orateurs, improvisateurs, etc., qui désirent broder sur une idée, activer leur verve, agrémenter leurs écrits ou leurs discours.

2. De maintenir toutes fraîches dans la mémoire les pensées littéraires, philosophiques, religieuses, apprises durant la jeunesse et que le temps, chaque jour, contribue à nous faire oublier.

3. De cultiver l'esprit et de l'affiner en le forçant à réfléchir sur des idées ingénieuses, concises, exprimées en style lapidaire.

4. De réparer l'erreur de ceux qui ont négligé de prendre les notes aux cours de leurs lectures et d'en recueillir des pensées, plus tard très précieuses.

5. De fournir à ceux qui ne veulent pas rester inactifs et qui tiennent à utiliser tous leurs moments libres, soit au foyer, soit au bureau, soit en voyage, un petit livre commode où ils trouveront, en l'ouvrant à n'importe quelle page, des idées profondes qui réjouiront leur esprit et influeront sur leur conduite dans la vie.

6. De compléter l'oeuvre du DICTIONNAIRE DU BON LANGAGE, en gravant dans la mémoire de ceux qui feuilletteront souvent ce volume, les pensées les mieux tournées et les vers les mieux frappés de notre langue, ce qui ne pourra qu'enrichir leur vocabulaire, rendre leur phrase grammaticale, et leur assurer une grande facilité d'expression.

On voudra bien pardonner à l'auteur les erreurs qui se glissent fatalement dans un travail de ce genre.

E. B.


1 [Note du transcripteur] Cet avis n'a pas été modifié au fil des éditions. Cependant, le dernier paragraphe n'apparaît que dans la première édition.

Étienne Blanchard : Recueil d'idées

Dans un coin obscur d'une bouquinerie de Québec, sous une pile, un livre : Recueil d'idées par l'abbé Étienne Blanchard, publié à Montréal en 1928. Je tenais en main 288 pages de citations regroupées par thème.

Deux questions me sont venues à l'esprit : Qui est cet abbé Blanchard ? Serait-ce là la première collection publiée de citations au Québec?

Une recherche m'a permis d'obtenir une courte biographie de l'auteur :
Étienne Blanchard naît à Saint-Jean-Baptiste de Rouville (près de Saint-Hyacinthe) en 1883, de parents agriculteurs. Il étudie au Petit Séminaire de Sainte-Marie de Monnoir, à Marieville (comté de Rouville), au Séminaire de Sherbrooke, puis au Grand Séminaire de Montréal. Il est ordonné prêtre en 1907 et devient aspirant dans la Compagnie de Saint-Sulpice en 1912. En 1913, il se rend en France pour faire son noviciat, mais l'imminence de la Première Guerre mondiale le fait revenir au Canada l'année suivante. Par la suite, il est vicaire dans diverses paroisses de la ville de Montréal, jusqu'en 1947, et il meurt en 1952.

Étienne Blanchard a publié un très grand nombre de revues, d'articles et d'ouvrages normatifs portant sur la défense du « bon parler » français. Il est d'ailleurs considéré comme un fervent « défenseur » de la langue française au Canada, cause à laquelle il s'est le plus intensément dévoué (cf. Gaston Dulong, Bibliographie linguistique du Canada français). En plus des huit éditions du Dictionnaire de bon langage, il a publié des chroniques hebdomadaires dans les plus importants journaux de l'époque : Le Devoir, La Patrie et La Presse, tous trois de Montréal; L'Événement de Québec, La Tribune de Sherbrooke, Le Droit d'Ottawa et L'Évangéline de Moncton. L'un des principaux buts de ces chroniques était de rectifier le langage des Canadiens français en l'alignant sur le français de France. En outre, Blanchard est l'auteur de divers lexiques (témoins dès cette époque d'une préoccupation terminologique), comme le Vocabulaire du typographe, publié en 1916. Il publie également des dictionnaires « par l'image », qu'on peut considérer comme les précurseurs des dictionnaires visuels d’aujourd'hui.

Première collection québécoise ? je ne peux le certifier. Cependant, je n'ai trouvé aucune référence à une possible collection antérieure à celle de notre bon abbé.

Je me suis alors - on se trouve vers 2006 - donné une mission : « Ouaiber » son livre. En entrant toutes les citations dans une base de données (il y en a un peu moins de 3950!), je me suis rendu compte que Blanchard manquait parfois de rigueur, car je trouvais plusieurs erreurs, soit au niveau de l'auteur ou de l'énoncé. De plus, Blanchard ne donne presque jamais l'oeuvre d'où il tire la citation. Vu la grande variété des auteurs cités, j'imagine que ses choix proviennent d'une collection de phrases amassées ici et là - il n'y a aucune bibliographie dans le Recueil - , et non de lectures directes. En m'approchant de Blanchard, tout cela m'étonnait, car notre homme était un fervent défenseur de la langue française. Je me suis donc mis à la recherche des éventuelles autres éditions du Recueil, question de savoir s'il avait, au fil du temps, corrigé ses erreurs.

La première édition date de 1928 aux Éditions Édouard Garand. La seconde date de 1929 chez Louis Carrier & Cie (Les Éditions du Mercure). On doit attendre 1941 avant la troisième édition cette fois publié chez les Frères des Écoles Chrétiennes. Et c'est toujours chez les Frères que la quatrième (et dernière?) édition a vu le jour en 1947.

Le Recueil compte 3948 citations regroupées sous 464 thèmes. Ces thèmes montrent bien les préoccupations de l'abbé et de l'époque. Par exemple, vous retrouverez des citations sous Angélus, Aumône, Blasphémateur, Mortification, Agriculture, Serpent, etc. Les choix sont aussi très «dirigés.» Lorsque vous lirez les citations sous ATHÉE, vous comprendrez ce que je veux dire !

Vous trouverez donc au fil des billets de cette catégorie, le livre complet d'Étienne Blanchard. J'ai ajouté, lorsque je le jugeais nécessaire, des commentaires précisant ou corrigeant les citations. Si un jour je devais publier ce travail, il porterait le titre de Recueil d'idées d'Étienne Blanchard, revu et corrigé par Gilles Jobin.

N'hésitez pas à m'écrire pour tout commentaire.

Un grand merci à M. David Émond, assistant archiviste à Univers culturel de Saint-Sulpice qui m'a gentiment fait parvenir quelques photos de notre héros.