Jobineries

Blogue de Gilles G. Jobin, Gatineau, Québec.

lundi 12 mars 2012

Chemin faisant, page 74

En voyage un Anglais veut tout voir, un Français tout essayer, un Allemand tout avaler.

De même qu'un bon livre n'instruit pas toujours, un voyage n'aère pas toujours intellectuellement.

Quand on espère, deux et deux ne font plus quatre, mais huit.

Justice des choses ! vous nous récompensez de l'injustice des vivants.

Nos forces nous convient quand nous sommes jeunes, et plus tard c'est nous qui les convions.

Aimer, c'est assujettir son coeur et ne rien préférer à cet assujettissement.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

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dimanche 11 mars 2012

Chemin faisant, page 73

Si la ronce me déchire, je m'en prends à la ronce et non au chemin ; si l'homme me blesse, pourquoi en accuserais-je la vie ?

Derrière mon dos c'est votre champ, mes amis ; mais devant moi, c'est le mien !

Le monde nous permet le bonheur jusqu'à un certain point et devient nerveux si nous le dépassons.

La patience n'a qu'un mot dans son code : attendre ! Oh ! le cruel mot qui vous cloue les bras, qui compte lentement vos pulsations, qui s'amuse de vos larmes, qui semble se réjouir de vos angoisses !

Dans tout ce qu'on nous offre de bon coeur, n'acceptons tout au plus que la moitié.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

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samedi 10 mars 2012

Chemin faisant, page 72

On garde toujours mal un secret quand on ne le garde pas par respect pour soi-même.

Au mot de génie, les fronts se découvrent d'eux-mêmes, les étoiles s'inclinent, et les cieux se demandent ce que l'élu fera du don.

Pour louer la création, les oiseaux ont leurs chants, les fleurs leurs parfums, les éléments leurs mystères et l'homme son coeur.

On ne peut pas pleurer pour l'assassin et pour la victime ; il y a une logique dans les larmes.

Un bel automne ne fait pas plus oublier un vilain été qu'une caresse ne fait oublier une injure.

Un riche qui pleure fait toujours plaisir à quelqu'un.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

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vendredi 9 mars 2012

Chemin faisant, page 71

Reprendre sans amertume sa béquille devant ceux qui marchent tout seuls, endosser doucement son deuil devant des habits de fête, voir son désir le plus légitime aux bras de tous sans pouvoir le saisir jamais, et donner encore aux autres sa pitié ; je ne crois pas que l'héroïsme du coeur puisse aller plus loin.

On poétise même la flèche empoisonnée quand on est jeune; on voudrait mourir de telle et telle mort, on voudrait mourir de telle et telle main : jeunes âmes, restez-en là!

L'envie n'est pas méchante : donne-moi ce que tu as et je ne te ferai pas de mal.

Ballotter son coeur en tous sens, le promener ici, le ramener là, chercher à le tromper parce qu'on n'ose pas l'entendre, lui donner tort parce qu'on ne doit pas lui donner raison, l'accuser quand il se plaint justement, c'est pourtant ainsi qu'il faut le traiter dans certaines occasions.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

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jeudi 8 mars 2012

Chemin faisant, page 70

Vouloir, non, ce n'est pas toujours pouvoir ; mais c'est faire trembler l'ennemi.

Les vertus sans qualités sont des beautés sans grâce.

Dans l'indépendance du qu'en dira-t-on il n'y a que le premier pas qui coûte ; on s'amuse ensuite de la chanson et même de la variété de ses couplets.

La vie a tous les aspects de nos sentiments.

Un bon coeur allemand, comme un bon musicien allemand, ne ressemble à aucun autre ; il a dix fois la puissance de sentir, d'aimer et d'exprimer : le tout est de le trouver.

Nos forces doivent céder avant notre courage.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

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mercredi 7 mars 2012

Chemin faisant, page 69

L'égoïste peut être heureux, si le bonheur peut exister sans rayonnement.

On a le même titre, la même fortune, le même entourage, sans avoir le même prestige ; donc, le prestige vient surtout de nous-même.

Je crois aux revanches de la vie, parce que je crois à l'utilité de l'effort.

C'est sur les peines des autres qu'on exerce surtout la puissance de sa philosophie.

L'argent nous est bien moins cher par l'indépendance qu'il donne que par l'indifférence qu'il permet.

Vouloir, c'est régner sur soi.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

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mardi 6 mars 2012

Chemin faisant, page 68

Nos peines ont aussi leur jour de joie, et ce jour est le dernier de la vie.

Des débris de ton coeur fais de la miséricorde et de la pitié.

Tous ceux qui ont un souvenir sans mélange ont du pain pour les jours malheureux.

La patience se nomme martyre quand une mère attend la guérison de son enfant.

Dieu s'est réservé l'explication du Pourquoi.

Les plus belles qualités mènent bien moins au bonheur que les beaux yeux à l'amour.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

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lundi 5 mars 2012

Chemin faisant, page 67

Une Anglaise ne vit pas de votre vie, elle vit de la sienne autour de vous.

Aimer beaucoup et demander peu, un problème difficile à résoudre.

Il est aussi naturel à une Anglaise d'être baroque qu'à une Italienne d'avoir de jolis yeux.

Être accessible à tous, mais comprise par peu.

Il y a des qualités d'entresol dont on ne devrait pas faire fi au premier.

Le siècle le plus secoué peut enfanter le plus tranquille.

Que j'aime les gens qui s'occupent de leurs propres affaires et veulent bien, sans s'en mêler, permettre aux autres de s'occuper des leurs !

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

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dimanche 4 mars 2012

Chemin faisant, page 66

Se plaindre et gémir, deux éternelles faiblesses, deux éternelles pauvretés !

Avec un peu d'effort, on peut laisser parler le bavard comme on laisse coasser la grenouille, miauler le chat et aboyer le chien.

Personne comme nos folies pour se faire payer capital et intérêts.

L'obstacle est la borne où l'homme constate son humanité.

On admet une chose, et l'on s'en étonne cependant.

La sagesse ne connaît pas le bonheur d'un bon acte de contrition.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

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samedi 3 mars 2012

Chemin faisant, page 65

Que de gens sont heureux d'être les enfants de leur père, les neveux de leur oncle et même les filleuls de leur parrain !

Les grands sentiments sont des océans qui montent jusqu'à ce que toute la plage soit à eux.

On aime le peuple en masse plus qu'en particulier.

Les gens qui blâment sont comme les mouches : toutes ne piquent pas.

On peut être amoureux de tout, excepté de ses défaites.

La chanson du coeur commence au berceau et ne finit qu'à la tombe.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

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vendredi 2 mars 2012

Chemin faisant, page 64

L'ironie est aussi difficile à manier que le scalpel.

Dans nos grandes douleurs, la consolation nous semble d'abord un blasphème ; mais nous avons beau nous raidir contre son secours, elle est décrétée : petit à petit, elle fera son oeuvre.

Passer aux yeux de sa domesticité pour un être juste, c'est avoir gagné les plus beaux galons qu'un maître puisse souhaiter.

Un libre penseur écrivant la vie d'un saint : un poulailler qui a la prétention de loger un aigle.

Le talent a besoin d'un peu d'audace, mais l'audace aurait surtout besoin de talent.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

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jeudi 1 mars 2012

Chemin faisant, page 63

Les vieux rêveurs entrent tôt ou tard dans la corporation des mécontents.

L'envie de briller ne donne pas l'éclat, l'envie de chanter ne donne pas la voix.

L'amour n'est pas rêveur de sa nature ; il ne se sert de la rêverie que pour arriver à ses fins.

Les bêtes font moins valoir les méchants que les méchants ne font valoir les bêtes.

Les esprits qui cherchent, les coeurs qui luttent sont ceux que la nature arme chevaliers, puisqu'elle en fait des combattants.

Le don de bien juger est un capital qui ne se transmet ni par héritage ni par éducation.

Ne pas chanter sans voix, ne pas paradoxer sans esprit, ne pas questionner sans à-propos : petites vertus de société.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

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