Jobineries

Blogue de Gilles G. Jobin, Gatineau, Québec.

dimanche 25 novembre 2012

De toutes les Paroisses, page 83

On n'est pas toujours l'homme de sa propre devise : faiblesse comme une autre.

Voir, c'est devoir.

L'amour, comme il fait bien corps avec la jeunesse, comme il chante bien dans sa voix, comme il badine bien avec son sourire, comme il divague bien sur ses lèvres, comme il désire avec impudeur, comme il part content et comme il revient joyeux!

Ne cherche plus le temps où l'espoir court et vole : il est devenu vieux.

Quand une femme a quelque chose de beau dans son physique, pourquoi ne le saurait-elle pas? Le mal est qu'elle le sait trop.

Si les loups aimaient moins les brebis, certes ce serait mieux ; oui, mais comment leur en ôter le goût?

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913

samedi 24 novembre 2012

De toutes les Paroisses, page 82

S'élever jusqu'à l'indifférence du nombre, quelle belle station climatérique !

Il faut avoir la fierté douce, pour qu'elle ne ressemble pas à l'orgueil.

On n'est pas réjoui dans l'indifférence, mais on n'est pas déçu.

Les malheurs ont des saisons favorites ; il y a des temps de suicides, comme il y a des mois de divorces; quand les nouvelles violettes arrivent, on aime facilement la femme d'autrui. Ah ! les premières violettes, elles ne prêchent pas la vertu!

Quand un couple se promène avec l'air ennuyé, ne cherchez pas, c'est mari et femme.

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913

vendredi 23 novembre 2012

De toutes les Paroisses, page 81

Fatale, la femme de quarante ans quand elle est orageuse : que de foudre elle recèle !

Une heure d'entretien avec soi-même, que de moyens elle nous propose, que de ressources elle nous montre !

L'habitude de se donner raison fait qu'on y arrive sans examen.

Ah ! qu'il y a souvent de terre dans certains physiques azurés !

L'homme va, vient, s'agite dans un monde de larmes, se sauvant de la souffrance, qui le poursuit.

Savoir prendre, c'est plus facile que savoir rendre : de la discrétion dans le premier cas, de l'oubli de soi dans le second.

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913

jeudi 22 novembre 2012

De toutes les Paroisses, page 80

L'homme a la permission de chercher, de creuser, pourvu que l'orgueil ne s'en mêle.

Partout où l'orgueil entre, il déborde; partout où il parle, il domine.

Les petites choses, ces moustiques de tous les jours, ne piquent plus quand les taons ont passé.

L'homme est imprévoyant : il a, il croit garder ; il espère, il croit tenir; et cette imprévoyance l'accompagne au tombeau.

Qu'il faut de couches de pitié pour couvrir le mépris que par moments notre âme pourrait concevoir pour l'homme !

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913

mercredi 21 novembre 2012

De toutes les Paroisses, page 79

Las de prose, on est encore plus las de poésie ; elle écoeure comme le sucre.

Toutes les souffrances se reposent sur des yeux de femme.

Que la vie est triste ! On l'entend sangloter certains jours.

Prépare-toi à tout, tu ne seras encore prêt à rien.

N'essayons pas de comprendre l'infini, nous n'en aurions jamais que de la stupeur.

Que le gracieux est donc petit à côté du grand!

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913

mardi 20 novembre 2012

De toutes les Paroisses, page 78

On peut être tranquille, on ne va pas plus loin que la mort; mais c'est qu'on ne voudrait pas allerjusque-là.

La beauté n'aime que les voiles qui s'enlèvent.

La bonhomie est plus ronde, plus grassouillette que la bonté.

On lui fait bien des infidélités, on l'accuse de bien des sécheresses, et puis... on retourne à la logique.

Il reste toujours un espoir un peu fou, pour consoler l'amour sans espoir.

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913

lundi 19 novembre 2012

De toutes les Paroisses, page 77

Un homme oublie de souhaiter la fête de sa femme, mais il n'oubliera jamais de souhaiter celle de sa maîtresse, ce serait grave.

Toutes les boues restent en bas.

Combats avec toutes tes forces, n'espère qu'avec la moitié.

L'homme a une soif qu'il éprouve sans la comprendre, un désir qu'il ne sait ni définir ni contenter; il essaie de tout; insatisfait, il cherche toujours; il croit aborder, il échoue. Qu'est-ce, si ce n'est la soif de l'infini?

Les raisons de se plaindre ne donnent pas encore le droit de se plaindre.

Le malheur n'avertit pas, il est là; sa veille est souvent si joyeuse! elle allume les lustres, elle fleurit la maison, elle sonne la fanfare.

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913

dimanche 18 novembre 2012

De toutes les Paroisses, page 76

Le silence est un vengeur élégant et fier.

Les femmes les plus prisonnières de maris exigents sont souvent les plus inconsolables dans leur veuvage : on dirait que leurs chaînes leur manquent.

Le temps de la maladie est le temps de la grâce : le monde fuit, les pensées vaines s'éloignent, on en a fini avec les considérations humaines, Dieu nous parle, et la mort, de temps en temps, vient s'asseoir, câline, au pied de notre lit.

Une femme attend d'être prise par l'amour pour songer à se défendre, c'est vraiment un peu tard.

Ce qu'on a véritablement de moins à soi, c'est son argent.

L'insuccès nous fait ausculter nos prétentions.

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913

samedi 17 novembre 2012

De toutes les Paroisses, page 75

L'ami devait être l'autre nous-même, celui qu'on sert avant soi : voilà le portrait. Où est le modèle?

Quand une limite arrive, elle semble toujours avoir été proche.

Ayons le coeur fier, mais l'esprit humble.

Les extrêmes vont quelquefois bien ensemble, s'étonnant l'un l'autre.

Que de regrets donne le mensonge passager à celui qui n'a pas l'habitude de mentir !

Un flâneur est plus terrestre qu'un rêveur, son horizon s'étend moins loin.

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913

vendredi 16 novembre 2012

De toutes les Paroisses, page 74

Chez soi, il faut être chez soi, mais pas chez les autres.

La vie demande toujours, et, quand on ne lui donne pas, elle prend.

Aie mince confiance dans tes moyens, grosse confiance dans ta sottise.

Sache te faire société.

C'est souvent bien cher, un beau mari.

L'amour nous donne le vertige, pour éviter avec nous toute discussion.

Que de baisers nous recevons, qui ne s'adressent pas à nous !

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913

jeudi 15 novembre 2012

De toutes les Paroisses, page 73

On rêve, on rêve, on rêve, puis, un beau jour, on est prisonnier dans son rêve.

Malgré soi, on voit toujours de la barbe aux bas bleus.

Que signifient les titres? On s'intitule homme de lettres, comme on s'intitule astronome quand, un beau soir, on a admiré longuement les étoiles.

J'aime faire mes confidences au vent : il les emporte et ne se souvient plus.

Une jeune femme est fière de nous montrer son premier enfant : elle a été au feu.

L'envie est amaigrissante.

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913

mercredi 14 novembre 2012

De toutes les Paroisses, page 72

On revient de tant de choses, on se corrige de tant de gens, on se dépouille de tant d'espérances, on se réduit de tant de prétentions: c'est vivre.

La foi du superstitieux est toujours inquiète.

Une vieille actrice me fait peine : elle porte plusieurs vieillesses en elle.

Dans la vieillesse, les nouvelles relations ne sont plus, hélas! que des rencontres de roule.

Quand on a consenti à être vieux, rien ne désoblige plus ; ce qui coûte un peu, c'est le consentement.

Pourquoi les dévotes se croient-elles obligées d'avoir mauvais goût?

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913

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