Jobineries

Blogue de Gilles G. Jobin, Gatineau, Québec.

dimanche 18 novembre 2012

De toutes les Paroisses, page 76

Le silence est un vengeur élégant et fier.

Les femmes les plus prisonnières de maris exigents sont souvent les plus inconsolables dans leur veuvage : on dirait que leurs chaînes leur manquent.

Le temps de la maladie est le temps de la grâce : le monde fuit, les pensées vaines s'éloignent, on en a fini avec les considérations humaines, Dieu nous parle, et la mort, de temps en temps, vient s'asseoir, câline, au pied de notre lit.

Une femme attend d'être prise par l'amour pour songer à se défendre, c'est vraiment un peu tard.

Ce qu'on a véritablement de moins à soi, c'est son argent.

L'insuccès nous fait ausculter nos prétentions.

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913

samedi 17 novembre 2012

De toutes les Paroisses, page 75

L'ami devait être l'autre nous-même, celui qu'on sert avant soi : voilà le portrait. Où est le modèle?

Quand une limite arrive, elle semble toujours avoir été proche.

Ayons le coeur fier, mais l'esprit humble.

Les extrêmes vont quelquefois bien ensemble, s'étonnant l'un l'autre.

Que de regrets donne le mensonge passager à celui qui n'a pas l'habitude de mentir !

Un flâneur est plus terrestre qu'un rêveur, son horizon s'étend moins loin.

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913

vendredi 16 novembre 2012

De toutes les Paroisses, page 74

Chez soi, il faut être chez soi, mais pas chez les autres.

La vie demande toujours, et, quand on ne lui donne pas, elle prend.

Aie mince confiance dans tes moyens, grosse confiance dans ta sottise.

Sache te faire société.

C'est souvent bien cher, un beau mari.

L'amour nous donne le vertige, pour éviter avec nous toute discussion.

Que de baisers nous recevons, qui ne s'adressent pas à nous !

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913

jeudi 15 novembre 2012

De toutes les Paroisses, page 73

On rêve, on rêve, on rêve, puis, un beau jour, on est prisonnier dans son rêve.

Malgré soi, on voit toujours de la barbe aux bas bleus.

Que signifient les titres? On s'intitule homme de lettres, comme on s'intitule astronome quand, un beau soir, on a admiré longuement les étoiles.

J'aime faire mes confidences au vent : il les emporte et ne se souvient plus.

Une jeune femme est fière de nous montrer son premier enfant : elle a été au feu.

L'envie est amaigrissante.

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913

mercredi 14 novembre 2012

De toutes les Paroisses, page 72

On revient de tant de choses, on se corrige de tant de gens, on se dépouille de tant d'espérances, on se réduit de tant de prétentions: c'est vivre.

La foi du superstitieux est toujours inquiète.

Une vieille actrice me fait peine : elle porte plusieurs vieillesses en elle.

Dans la vieillesse, les nouvelles relations ne sont plus, hélas! que des rencontres de roule.

Quand on a consenti à être vieux, rien ne désoblige plus ; ce qui coûte un peu, c'est le consentement.

Pourquoi les dévotes se croient-elles obligées d'avoir mauvais goût?

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913

mardi 13 novembre 2012

De toutes les Paroisses, page 71

Les grands causeurs nous laissent la même courbature que les grands vents.

Une coquette rit pour montrer ses dents, parle chevelure pour faire remarquer la sienne; son physique entre dans toutes ses paroles et toutes ses actions.

Le regard commence l'amour, la voix l'achève.

On apporte plus ou moins d'empressement au bonheur selon la confiance qu'on a en lui.

Fille de joie, Myrrha, trois choses te distinguent : tes yeux, tes dents et ta trahison.

Certains avautages deviennent terribles dans des mains ordinaires : témoin l'indépendance.

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913

lundi 12 novembre 2012

De toutes les Paroisses, page 70

Les flatteurs sont comme les polisseurs du mensonge.

La pruderie est la maladie de la pudeur.

Si elles continuent ainsi, les jeunes filles modernes, c'est elles qui feront l'éducation de leurs maris. O sainte modestie, que tu étais belle sous tes voiles de mousseline !

La veille a de la naïveté, le lendemain a de la science.

L'éducation s'adresse à la plus puissante des puissances, la nature : aussi est-elle souvent vaincue.

Plus l'esprit est étroit, plus la vanité s'y tasse.

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913

dimanche 11 novembre 2012

De toutes les Paroisses, page 69

Chaque jour a sa science qu'il t'offre.

La plus belle mémoire est celle du coeur, la nostalgie est sa fille.

La douleur a sa vanité ; on veut souffrir plus que les autres.

Mets plus haut l'estime que l'amour, parce que la mériter et la garder dépend de tout.

Aie toujours quelques économies pour payer les farces de l'imprévu.

Ce que la raison dit vaut mieux que sa voix, qui manque de modulations.

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913

samedi 10 novembre 2012

De toutes les Paroisses, page 68

L'orgueil sait s'imposer des privations que couronnerait la vertu.

L'intérêt met son nez partout; mais il est long, et on l'aperçoit.

Si nous pouvions réfléchir, la fuite du temps serait un des meilleurs sermons.

Il est des gens charmants, qui sèment quelque chose d'eux partout où ils passent.

Tant qu'il y aura de l'esprit, il y aura un peu de revanche sur terre, puisqu'il y aura de la réplique.

Comme on fait son lit on se couche; mais quand on le trouve tout fait?

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913

vendredi 9 novembre 2012

De toutes les Paroisses, page 67

C'est déshonorant de s'ennuyer.

C'est croustillant, des ennemis.

Un mari qui dort trop manque de grâce nuptiale.

Une maladresse fait souvent la besogne d'une faute.

On chante le sentiment qu'on n'oserait pas dire.

L'amour conjugal s'est enrichi de plaies, de bosses, d'autorités usurpées et de libertés interdites.

Un gendre est un fils donné par la municipalité.

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913

jeudi 8 novembre 2012

De toutes les Paroisses, page 66

Les déceptions se tassent dans le coeur, les peines restent isolées.

Ah! comme on s'aime, comme on s'aime! il faut chercher à s'aimer moins pour bien le comprendre.

Donner, c'est sentir son coeur passer dans ses mains.

Se repentir, hélas! c'est si peu ne pas recommencer.

De la morale à l'action, il y a à traverser toute la faiblesse de l'homme.

La coquette est forte de tout le coeur qui lui manque.

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913

mercredi 7 novembre 2012

De toutes les Paroisses, page 65

On branle toujours quand on ne peut pas s'appuyer sur soi-même.

Il faut bien se résigner ; chacun doit assister à sa perte.

En amour irrégulier, la trahison est une chute, un désastre en amour légitime.

Les grimaces du monde en sont toute la sincérité.

Les grands mondains sont plus à plaindre qu'à blâmer: creux intérieurement, ils ne sont rien sans les autres, nourris de vide et toujours affamés de nouveau.

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913

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