Pédagogie

On peut, si je ne me trompe, poser en prin­cipe qu'on ne doit jamais louer les enfants de ce qui n'a pas dépendu de leur volonté, de ce qui ne leur a pas coûté un effort ou un sacrifice.
François Guizot

Note du transcripteur.
Instruction publique - Éducation, Paris, 1889
«Au lieu donc de chercher à diminuer en eux ce besoin d'éloges, cette dépendance de notre opinion, si bien d'accord avec leur situation et leur ignorance, profitons-en pour les animer à tout ce qui est bien et leur en inspirer l'amour : si nous nous en servons dans un autre but, il pourra s'ensuivre des conséquences fâcheuses, mais ce sera notre faute; l'amour-propre, tant qu'il se borne au désir d'être loué en général et sans se comparer avec personne, ne serait jamais qu'utile si l'on savait bien de quoi il faut et de quoi il ne faut pas louer les enfants. On peut, si je ne me trompe, poser en principe qu'on ne doit jamais les louer de ce qui n'a pas dépendu de leur volonté, de ce qui ne leur a pas coûté un effort ou un sacrifice. Si vous les louez de quelques dons naturels, comme de leur intelligence ou de leur figure, vous les accoutumerez à mettre un grand prix à ce qui peut être un bonheur, mais non un mérite, et dès lors leur amourpropre prend une direction dangereuse; car c'est en se portant sur des avantages purement accidentels qu'il devient plus tard présomption, vanité et sottise. Ne les louez pas non plus de ces bons mouvements spontanés, de ces élans du cœur qui sont aussi des dispositions naturelles, et où la volonté n'a aucune part; ce serait les gâter qu'y associer l'amour-propre; il les dénature toujours en y mêlant un retour sur soi-même, un plaisir sec et personnel, bien différent de celui qu'on éprouve en se laissant aller à de bons sentiments, à des émotions généreuses; après de tels éloges, vous courriez le risque de voir vos enfants recommencer, pour les obtenir de nouveau, ce qu'ils avaient fait la première fois par une bonté ou une générosité simple et non affectée. Or ce n'est pas une bonne action qu'une bonne action faite par amour-propre, et ce qu'on doit le plus craindre dans l'enfance, c'est d'altérer la pureté naturelle du cœur et des motifs qui le déterminent.»
Maîtres et élèves ont un maître commun, l'affection.
Legouvé

Note du transcripteur.
Histoire morale des femmes, Paris, 1882.

S'agit-il de l'intelligence, c'est Socrate lui-même qui nous trace la règle. Ce grand précepteur de l'antiquité rendit un jour un jeune homme à son père qui le lui avait confié pour l'instruire, en lui disant : « Je ne puis rien lui enseigner, il ne m'aime pas. » Dans une autre circonstance, interrogé sur sa profession, il répondit: « Courtier de mariages: je vais par la ville cherchant quels hommes sont propres à lier mutuellement amitié, afin de les réunir, et grâce à leur affection, ils se servent de précepteurs l'un à l'autre.» Ces paroles résumaient toute sa théorie d'éducation. « Pourquoi s'éclaire-t-on? disait-il. Parce qu'on aime. Pourquoi éclaire-t-on? Parce qu'on aime. Maîtres et élèves ont tous un maître commun, l'affection. Celui qui n'aime pas et qui veut instruire ressemble à un homme qui prend une terre à ferme; il ne cherche point à l'améliorer, mais à en tirer le plus grand profit. Celui qui aime, au contraire, ressemble au propriétaire d'un champ ; de toutes parts, il apporte ce qu'il peut pour enrichir l'objet de son affection. »
Il faut qu'un précepteur ait plutôt la tête bien faite que bien pleine.
Montaigne

Note du transcripteur.
Livre 1, chap. XXV.
«Je voudrais aussi qu'on fût soigneux de lui choisir un conducteur qui eût plutôt la tête bien faite que bien pleine. [...] Je ne veux pas qu'il invente et parle seul, je veux qu'il écoute son disciple parler à son tour [...] qu'il ne lui demande pas seulement compte des mots de sa leçon, mais du sens et de la substance, et qu'il juge du profit qu'il aura fait, non par le témoignage de sa mémoire, mais de sa vie.»
L'éducation publique ne peut réussir qu'à la condition que la famille la prépare, la soutienne et la complète.


Note du transcripteur.
O. Gréard, Éducation et instruction, t.2, Hachette, Paris, 1889.
Étienne Blanchard, Recueil d'idées, 1928, 1929, 1941, 1947. Voir le premier billet.
cul-de-lampe