Calembour

Le calembour est le fléau de la conversation, l'éteignoir de l'esprit.
Voltaire

Note du transcripteur.
Il semblerait que Voltaire ait dit cette phrase. Mais je ne l'ai retrouvée dans aucun de ses écrits.
Ce genre inférieur a de tout temps existé... Quel est ce démon taquin qui pousse les gens à calembourer?... Qu'y a-t-il dans ce plaisir vulgaire?... Est-ce le besoin de s'encanailler?... L'oreille est chatouillée par le cliquetis des mots et elle aime cette titillation de mauvais aloi.
Léo Claretie

Note du transcripteur.
La seule référence trouvée est Le Supplément littéraire du dimanche (Le Figaro) du 9 janvier 1909. Claretie y a publié un texte intitulé : «Les calembours des gens sérieux.» On y trouve :

«Quel est ce démon taquin qui pousse les gens à calembourer ? Et non les moindres, je vous assure. Qu'y a-t-il dans ce plaisir vulgaire ? Est-ce le besoin de s'encanailler quelquefois ? Cherchons une raison plus noble.
Celui-ci est en même temps sollicité en deux sens ; le même effort porte sur une double acception : la faculté de comprendre est divisée, écarquillée, le raisonnement devient bifide. C'est une sorte de gymnastique, d'acrobatie populaire, d'écartèlement qui amuse. Le calembour, c'est le grand écart de l'intelligence.»
Le Janus à deux fronts, l'hébété calembour.
André Chénier

Note du transcripteur.
C'est tiré de son poème «Sur un poète soi-disant.» Le voici:

Mais désormais à peine il suffit à sa gloire :
On se l'arrache. Il court de victoire en victoire.
Chacun de ses refrains fait des recueils fort beaux.
Il attache une tête aux bouts-rimés nouveaux.
Aux droits litigieux de plusieurs synonymes
II sait même assigner leurs bornes légitimes.
Bientôt chez tous les sots on sait de toute part
Jusqu'où vont ses talents; que lui seul avec art
Noue une obscure énigme au regard louche et fade,
Hache et disloque un mot en absurde charade,
Construit, tordant les mots vers un sens gauche et lourd,
Le Janus à deux fronts , l'hébété calembour.
Le calembour enfant gâté
Du mauvais goût et de l'oisiveté,
Qui va, guettant dans ses discours baroques
De nos jargons nouveaux les termes équivoques,
Et se jouant des phrases et des mots, D'un terme obscur fait tout l'esprit des sots.
Delille

Note du transcripteur.
La Conversation, Chap. 1.
Dans une note de son livre, p. 194, Delille précise :

M. Morellet compare les faiseurs de calembours à ceux qui, en lisant, voient les caractères, les lettres dont le mot est composé, et non la chose que le mot signifie. De là il arrive ordinairement, ajoute le même écrivain, qu'après chaque calembour, il faut recommencer une autre conversation , qui se rattache difficilement, et presque jamais à la précédente. Aussi est-ce le moyen employé le plus communément et avec le plus de succès par les gens qui veulent écarter la discussion dont l'objet leur déplaît. Ces gens imitent les enfants qui brouillent les cartes au milieu de la partie, parce qu'ils n'ont pas beau jeu. Ils sont les vrais fléaux des conversations.
Étienne Blanchard, Recueil d'idées, 1928, 1929, 1941, 1947. Voir le premier billet.
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