La prudence

Enfermer le loup dans la bergerie.

Sommaire. - La terreur du bétail. - Un petit gourmand devient un loup. - Des friandises font une bergerie.

« Triste lupus stabulis », a dit Virgile dans ses Bucoliques1 ; « combien le loup est pernicieux pour le bétail. »

Quand ce carnassier peut tomber sur un troupeau de moutons, il en fait un joli massacre, malgré la proximité des bergers et des chiens. Choisissant, lorsqu'il est pourchassé, le plus dodu, le plus appétissant,

... Au fond des forêts
Le loup l'emporte, et puis le mange,
Sans autre forme de procès.2

Que serait-ce, s'il entrait dans la bergerie ? Moutons, brebis, agneaux n'auraient pas longtemps à vivre. Aussi se garde-t-on bien d'y enfermer un loup.

Evitez également de placer quelqu'un dans une situation ou dans un lieu où il pourrait faire du mal, vous vous en repentiriez; voulez-vous mettre en pénitence un petit gourmand, n'allez pas l'enfermer dans la pièce des pots de confitures, des gâteaux et autres friandises. Il s'y régalerait; peut-être en serait-il puni par une indigestion vengeresse. À coup sûr, vos réserves auraient été malmenées, car vous auriez enfermé le loup dans la bergerie.


1 La troisième.
2 La Fontaine, Le Loup et l'Agneau, livre I, fable 10.

Émile Genest, Miettes du passé, Collection Hetzel, 1913. Voir la note du transcripteur.