Jobineries

Blogue de Gilles G. Jobin, Gatineau, Québec.

mardi 22 mai 2012

Chemin faisant, page 149

Les airs de protection : d'arrogants seigneurs, cravachant de l'oeil leurs vassaux.

On ne devrait pas manger l'oeuf quand on a vilipendé le poulailler.

On n'aime qu'avec les sens quand, sans croire, on aime.

Le bon sens fait quelquefois l'office de la vertu.

Les qualités négatives sont comme l'ombre ; elles ont leur utilité.

Que je serais désolée de ne jamais mé tromper ! Il est si doux de revenir d'une erreur !

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

Lire le premier billet consacré à cette série.

Miette 39 : Charbonnier est maître chez soi

La propriété

Charbonnier est maître chez soi.

Sommaire. - « La propriété, c'est le vol. » - Personne n'est convaincu. - Je garde mon bien, gardez le vôtre. - Les animaux chez eux. - À la chasse. - François Ier et le charbonnier.

Proudhon a bien essayé de convertir en vérité son fameux paradoxe : « La propriété, c'est le vol ». Malgré tout son talent et la force de sa dialectique, il n'y a que médiocrement réussi. Quiconque possède quelque chose considère qu'il l'a bel et bien gagné et n'a aucun goût pour en opérer la restitution.

Jaloux de son bien, on défend d'y toucher, on entend en user et en abuser à sa fantaisie, sans que personne se permette d'y trouver à redire. On se déclare libre d'agir chez soi et d'y commander à sa guise; tout être vivant, homme ou animal, a la même et identique conception. Il ferait beau voir d'aller déranger un chien dans sa niche, troubler un sanglier dans sa bauge, relancer un aigle dans son aire, rendre visite à un lion dans son repaire ; on serait reçu de la jolie façon.

Chacun se regarde comme le maître en sa demeure ; le charbonnier n'est donc pas seul de son espèce. S'il a personnifié l'apanage de la toute puissance à domicile, cela tient à une aventure dont nous sommes redevables au roi François Ier.

Celui-ci s'était égaré dans une forêt, en chassant (à cette époque les rois s'égaraient beaucoup à la chasse);

Mais pour être un grand roi, l'on n'en est pas moins homme,

l'exercice lui avait donné de l'appétit : il entra dans la première maison venue, habitée par un charbonnier. Ce brave homme, très hospitalier, n'avait jamais mis les pieds à la cour de France et n'en connaissait pas le souverain. Il lui fit bon accueil, le réconforta de son mieux, mais se réserva la première place à table disant que « charbonnier doit rester maître chez lui ».

François Ier, aussi spirituel qu'il était brave, s'amusa beaucoup de la prétention et se garda bien de se faire connaître en réclamant ses prérogatives. Ce n'eût pas été un charbonnier, qu'il n'aurait certes pas agi différemment, devant estimer que

Par droit et par raison
Chacun est maître en sa maison.

Émile Genest, Miettes du passé, Collection Hetzel, 1913. Voir la note du transcripteur.