Jobineries

Blogue de Gilles G. Jobin, Gatineau, Québec.

lundi 30 avril 2012

Chemin faisant, page 127

Les plus honnêtes assurances se trompent comme les plus douces promesses.

Tout imbibé de rosée, tout botté de fleurs, le chevalier printemps conduit l'hiver à la frontière en lui baisant son capuchon.

Quand on ne craint plus l'opinion, on est bien tenté de la défier.

L'hiver n'a pas beaucoup d'amis ; que lui importe? Il a ses rigueurs.

S'apitoyer sur soi, c'est saigner son courage.

Un ami de notre âge pour nous comprendre, un jeune ami pour élargir notre horizon.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

Lire le premier billet consacré à cette série.

Miette 35 : Qui a de l'argent a des coquilles

La richesse

Qui a de l'argent a des coquilles.

Sommaire. - Pèlerinages et croisades. - Coquillages et coquilles. - Payer cher pour en avoir. - Il y a coquilles et coquilles. - Poète et joueur. - Consolation posthume. - Thésaurisez.

L'organisation de trains spéciaux pour pèlerinages est de date relativement récente. Au temps où florissaient les croisades, de pieux pèlerins rapportaient de leurs visites aux lieux saints des coquillages ou coquilles dont ils ornaient leur chapeau et leur pèlerine de bure.

Pour venir de si loin et de semblables contrées, ces coquilles avaient un prix inestimable; n'en obtenait pas qui voulait. Il fallait les payer et les bien payer. Pour ce, de l'argent, beaucoup d'argent était nécessaire. D'où le proverbe : Qui a de l'argent, a des coquilles, c'est-à-dire peut en avoir, ou, a les moyens d'en avoir.

Une fois passée la mode des pèlerins aux coquilles, le sens fut dénaturé et signifia qu'avec de l'argent on obtient ce qui plaît, et l'on se mit à dire, perdre ses coquilles, pour : perdre son argent.

Marot, dont Boileau conseillait « d'imiter l'élégant badinage », a fait une plaisante application de ce proverbe.

Un poète satirique du XVe siècle, du nom de Coquillart, portait dans ses armes trois coquilles d'or; jusque-là tout va bien, d'autant que ces coquilles étaient des armes parlantes révélant son nom; ce qui fut moins bon pour ce favori des Muses, c'était d'être joueur et joueur effréné : il lui advint ce qui arrive à la plupart de ses pareils, pour ne pas dire à tous, il se ruina. Malheureusement, prenant mal la chose, il mourut de chagrin : ce fut là son tort, tort irréparable! Afin de le consoler dans le royaume des ombres, Marot lui composa pour épitaphe l'épigramme suivante :

La Morre est jeu pire qu'aux quilles,
Ne qu'aux échecs, ne qu'au quillart ;
A ce méchant jeu, Coquillart
Perdit la vie et ses coquilles.

Moralité : Ne perdez pas vos coquilles, surtout celles qui ne figurent pas sur vos armes, et n'oubliez pas

...qu'il n'est rien
Qui ne doive céder au soin d'avoir du bien,
Que l'or donne aux plus laids certain charme pour plaire,
Et que sans lui le reste est une triste affaire.1


1 Molière, Sganarelle, Scène 1.

Émile Genest, Miettes du passé, Collection Hetzel, 1913. Voir la note du transcripteur.