Jobineries

Blogue de Gilles G. Jobin, Gatineau, Québec.

vendredi 30 mars 2012

Un principe est plus fort qu'une passion

« On doit pouvoir essayer des idées pendant qu'on les pense. »

Voyez cette extraodinaire conférence donnée par Bret Victor.

Bret Victor - Inventing on Principle from CUSEC on Vimeo.

Un grand merci à Olivier Lafleur qui m'a gentiment suggéré son visionnement. Je n'ai rien vu d'aussi fort depuis bien longtemps !

Chemin faisant, page 94

Les gens ruinés sont comme les malades, ils n'intéressent pas tous au même titre : ne pas confondre prodigalités et revers.

Jouir seul est presque aussi difficile que souffrir seul : pauvre humanité !

On jouit de sa liberté sans s'en servir.

Les regrets font-ils marcher plus lentement le corbillard et le mort en est-il moins cahoté ?

Il y a de la cruauté à tenter l'ancien coupable.

Ce n'est qu'au retour de Capoue qu'on peut se dire vertueux.

On a de la désinvolture dans l'esprit comme dans le corps.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

Lire le premier billet consacré à cette série.

Miette 27: Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras

Le travail

Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras.

Sommaire. - Prudente recommandation. - La mer séduit le berger. - Sagesse du pêcheur. - Le choix d'un mari. - Sottise du loup. - Écoutez La Fontaine. - Deux vers qui ne sont pas du fabuliste.

La raison, le bon sens, la réflexion, l'expérience nous conseillent de nous contenter de ce que nous possédons sans chercher à vouloir trop gagner.

Bien peu d'entre nous cependant ont l'habileté de se conformer à ce sage précepte.

Il faut croire que la chose est difficile; La Fontaine en avait certes le sentiment, car il a tenu à reproduire la même recommandation dans une demi-douzaine de ses fables.

Il nous montre un berger séduit une première fois par l'attrait de la mer, qui lui ravit tous ses biens dans un naufrage1, et ne s'y laissa pas prendre une seconde fois.

Ses félicitations vont droit au pêcheur, sourd aux doléances du carpillon qu'il met sans hésiter dans sa gibecière2, en disant :

Un Tiens vaut, ce dit-on, mieux que deux Tu l'auras
L'un est sûr, l'autre ne l'est pas.

Il engage la jeune fille à ne pas se montrer trop difficile dans le choix d'un mari, dans la crainte de

Se trouver à la fin tout aise et tout heureuse
De rencontrer un malotru.3

Ses moqueries vont à

Certain loup aussi sot que le pêcheur fut sage,

et qui s'en rapporta aux propos d'un chien le priant de venir le reprendre quand il aurait engraissé.4

Après nous avoir conté les mésaventures du héron, il ajoute :

Ne soyons pas si difficiles,
Les plus accommodants, ce sont les plus habiles ;
On hasarde de perdre en voulant trop gagner.
Gardez-vous de rien dédaigner,
Surtout quand vous avez à peu près votre compte.5

Ecoutez La Fontaine, écoutez-le et croyez-le ; ne soyez pas trop gourmands. Autrement vous courez le risque de ne trouver à votre tour pour tout potage qu'un limaçon,

Repas frugal
Triste régal.

Ces deux derniers vers ne sont pas de lui.


1 Le Berger et la Mer, livre IV, fable 2.
2 Le petit Poisson et le Pêcheur, livre V, fable 3.
3 La Fille, livre VII, fable 5.
4 Le Loup et le Chien maigre, livre IX, fable 10.
5 Le Héron, livre VII, fable 4.

Émile Genest, Miettes du passé, Collection Hetzel, 1913. Voir la note du transcripteur.