Jobineries

Blogue de Gilles G. Jobin, Gatineau, Québec.

mardi 13 mars 2012

Chemin faisant, page 75

Les chances du revoir sont aussi capricieuses que les lèvres de Vénus à son réveil.

La douleur et la joie n'ont qu'un sillon : le coeur.

Ménager le coeur d'une femme et flageller l'ambition d'un homme, on peut plus mal rêver.

Il y a des âmes qui ont l'air d'être couvées sous le même rayon.

Un jaloux, une cheminée qui fume toujours.

On est jaloux de l'âme de son ami, et ce n'est pas sans douleur qu'on la voit déchoir.

S'habituer à se suffire, le premier commandement de l'indépendance.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

Lire le premier billet consacré à cette série.

Miette 22 : Ne réveillez pas le chat qui dort.

Le sommeil

Ne réveillez pas le chat qui dort

Sommaire. — Simple question. — Un malheur de félins chante la palinodie. — Gare au coup de patte.

Aimez-vous les çhats? Ne prenez pas ma question en mauvaise part et ne croyez pas à de l'indiscrétion. Si je vous le demande, c'est pour être renseigné, Certaines personnes aiment les chats, d'autres ne peuvent les souffrir. Il en est qui les affectionnent et les détestent tour à tour suivant la disposition du moment. Ainsi Jacques Delille1 définit un jour le chat :

Indocile sujet, ami froid, hôte ingrat,
Serviteur défiant, cauteleux, égoïste,
Conservant avec nous son air sournois et triste,
De son butin sanglant se jouant sans pitié,
Fixé par l'habitude et non par l'amitié.

Peu après, il se ravise :

Mais sur l'exception la vérité se fonde.
Ainsi que des humains les diverses humeurs
Changent des animaux les penchants et les moeurs ;
Plus d'un chat sait aimer et caresser et plaire ;
Moi-même j'ai du mien vanté le caractère;
Longtemps de son poète il partagea le sort,
J'ai célébré sa vie et déploré sa mort.

Tout cela est très joli, mais, pendant que je bavarde, vous n'avez toujours pas répondu à ma question. Peu importe, je ne vous en garde pas rancune et vous donnerai quand même un bon avis.

Que vous aimiez ou non les chats : Ne réveillez pas le chat qui dort. S'il est votre ami, ce ne serait pas gentil de troubler son sommeil ; s'il ne l'est pas, il pourrait vous en cuire d'un coup de griffe.

Appliqué aux choses de la vie, ce conseil vous engage, d'une part, à ne pas rappeler à un être aimé des souvenirs douloureux ou pénibles et, d'autre part, à ne pas attirer sur vous l'attention des vilains et des méchants.


1 [GGJ] C'est dans Les trois règnes, chant VIII.

Émile Genest, Miettes du passé, Collection Hetzel, 1913. Voir la note du transcripteur.