Jobineries

Blogue de Gilles G. Jobin, Gatineau, Québec.

vendredi 9 mars 2012

Miette 21 : Le bien nous vient en dormant.

Le sommeil

Le bien nous vient en dormant

Sommaire. — Louis XI et les seigneurs. — Le sommeil du moine. — Cadeau royal et mot de roi. — Pêches nocturnes. — Paillasse explique le proverbe.

Louis XI allait un jour, accompagné de seigneurs qui l'importunaient a l'envi, sollicitant de sa générosité royale un bénéfice très productif, que la mort du titulaire venait de rendre vacant.

Lassé de leur insistance par trop indiscrète, le roi aperçoit un moine qui s'était doucement endormi sur son bréviaire : « Par la pasquedieu ! s'écria-t-il, aucun de vous ne l'aura ; il revient de droit à ce pauvre moine, pour prouver que le bien nous vient en dormant. »

Telle serait l'origine du proverbe.

Le conte est joli, le mot est charmant; mais, je le regrette pour Louis XI, il n'en a pas la paternité que certains lui ont attribuée et qu'il ne revendiqua sans doute jamais pour sa part.

Les anciens, connaissaient ce proverbe, qu'on lit dans Plutarque et qu'avait reproduit tout au long Cicéron dans l'une de ses Verrines, la dernière : « Non idem mihi licet quod iis qui nobili génère nati sunt, quibus omnia populi romani bénéficia dormientibus deferuntur : Je n'ai pas le même privilège que ces nobles, auxquels toutes les faveurs du peuple romain viennent en dormant. »

Il est plutôt permis de penser que l'allusion en remonte aux pêcheurs qui tendent leurs filets pendant la nuit et vont les relever à leur réveil.

Le bien leur est réellement advenu pendant leur sommeil.

Paillasse me souffle à l'oreille une autre explication appuyée sur un raisonnement qu'il me prie de vous communiquer. Je cède à ses instances, mais qu'il n'y revienne pas ! Or, d'après ce pître de la foire, la fortune vient en dormant, parce qu'en dormant on fait des sommes, et que beaucoup de sommes font la fortune.

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Émile Genest, Miettes du passé, Collection Hetzel, 1913. Voir la note du transcripteur.

Chemin faisant, page 71

Reprendre sans amertume sa béquille devant ceux qui marchent tout seuls, endosser doucement son deuil devant des habits de fête, voir son désir le plus légitime aux bras de tous sans pouvoir le saisir jamais, et donner encore aux autres sa pitié ; je ne crois pas que l'héroïsme du coeur puisse aller plus loin.

On poétise même la flèche empoisonnée quand on est jeune; on voudrait mourir de telle et telle mort, on voudrait mourir de telle et telle main : jeunes âmes, restez-en là!

L'envie n'est pas méchante : donne-moi ce que tu as et je ne te ferai pas de mal.

Ballotter son coeur en tous sens, le promener ici, le ramener là, chercher à le tromper parce qu'on n'ose pas l'entendre, lui donner tort parce qu'on ne doit pas lui donner raison, l'accuser quand il se plaint justement, c'est pourtant ainsi qu'il faut le traiter dans certaines occasions.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

Lire le premier billet consacré à cette série.