Jobineries

Blogue de Gilles G. Jobin, Gatineau, Québec.

vendredi 2 mars 2012

Miette 19 : Qui dort dîne

Le sommeil

Qui dort dîne.

Sommaire. — Perplexité. — L'homme-renard — Théorie médicale. — Pour maigrir et engraisser. — Qui dort, il boit.

Voilà deux petits mots faciles à comprendre séparés l'un de l'autre; on sait que « dormir» consiste à jouir du sommeil, généralement dans un lit, et « dîner » signifie prendre le repas du soir, ordinairement à une table.

Là n'est pas l'embarras ; mais où ma perplexité commence, c'est quand je dois assimiler le « dormir » au « dîner », et considérer que l'un et l'autre sont même chose, et peuvent se remplacer indifféremment.

Il est donc permis de se demander le sens attaché au rapprochement de ces deux termes.

Faut-il en trouver la signification dans le proverbe latin : Esurienti vulpi somnus obrepit :« Au renard affamé le sommeil se glisse furtivement », et croire qu'on a traité l'homme en renard et qu'on lui a attribué la même faculté de se rassasier en dormant?

Faut-il admettre avec Moisant de Brieux que : « Cette façon de parler est tirée de l'Ecole de Médecine, où l'on enseigne que le sommeil tient lieu d'aliment, lorsque, l'estomac étant plein de crudités, il faut dégager la nature, et lui donner le loisir de les cuire, sans le surcharger de nouvelles viandes » ?

Vaut-il mieux se rappeler que les personnes qui veulent maigrir doivent éviter le séjour prolongé au lit, que l'on conseille au contraire à celles qui veulent engraisser?

Doit-on penser que, les forces se réparant par le sommeil, celui-ci tient lieu de nourriture? On a l'embarras du choix.

Ce qui est certain, c'est qu'en dormant s'évanouissent nos soucis, nos chagrins et nos maux; nos appétits et nos désirs sont momentanément calmés, sinon satisfaits.

Rabelais, amateur de bonne chère, n'en avait pas moins un faible pour le complément indispensable, la dive bouteille; aussi disait-il : Qui dort, il boit.1

Somme toute, dormir c'est oublier; grâce au sommeil, le malade oublie la souffrance, l'affligé oublie sa peine, le misérable oublie la faim : Qui dort dîne !


1 Livre V, chapitre v.

Émile Genest, Miettes du passé, Collection Hetzel, 1913. Voir la note du transcripteur.

Chemin faisant, page 64

L'ironie est aussi difficile à manier que le scalpel.

Dans nos grandes douleurs, la consolation nous semble d'abord un blasphème ; mais nous avons beau nous raidir contre son secours, elle est décrétée : petit à petit, elle fera son oeuvre.

Passer aux yeux de sa domesticité pour un être juste, c'est avoir gagné les plus beaux galons qu'un maître puisse souhaiter.

Un libre penseur écrivant la vie d'un saint : un poulailler qui a la prétention de loger un aigle.

Le talent a besoin d'un peu d'audace, mais l'audace aurait surtout besoin de talent.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

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