« Il y a longtemps que je pense que celui qui n'aurait que des idées claires serait assurément un sot. Les notions les plus précieuses que recèle l'intelligence humaine sont tout au fond de la scène et dans un demi-jour, et c'est autour de ces idées confuses dont la liaison nous échappe que tournent les idées claires pour s'étendre, et se développer et s'élever. Si nous étions coupés de cette arrière-scène, il ne resterait guère que des géomètres et des animaux intelligents dans ce monde, et encore les sciences exactes y perdraient-elles de cette grandeur qu'elles tirent de leurs rapports secrets avec d'autres vérités infinies que nous soupçonnons et croyons entrevoir par moments. L'inconnu est le plus riche patrimoine de l'homme, et je pense avec Platon, bien ou mal entendu, que tout ici-bas est image et une image affaiblie de toute une économie supérieure. Il me semble même que tout l'effet du beau que nous pouvons voir est de faire penser à quelque chose de plus beau que nous ne voyons pas, et peut-être que la magie des grands poètes, par exemple, n'est pas tant dans les tableaux qu'ils peignent que dans les échos lointains qu'ils réveillent et qui viennent d'un monde invisible encore. »
Ximénès Doudan, Lettre à M. Guizot du 24 juin 1868.