« Alors Almitra parla de nouveau et dit, et le mariage, Maître ?
Et il répondit, disant :

Vous êtes nés ensemble et ensemble vous resterez pour toujours.
Vous resterez ensemble quand les blanches ailes de la mort disperseront vos jours.
Oui, vous serez ensemble jusque dans la silencieuse mémoire de Dieu.
Mais qu'il y ait des espaces dans votre communion,
Et que les vents du ciel dansent entre vous.

Aimez-vous l'un l'autre, mais ne faites pas de l'amour une entrave :
Qu'il soit plutôt une mer mouvante entre les rivages de vos âmes.
Emplissez chacun la coupe de l'autre mais ne buvez pas dans la même coupe.
Partagez votre pain mais ne mangez pas de la même miche.
Chantez et dansez ensemble et soyez joyeux, mais demeurez chacun seul,
De même que les cordes d'un luth sont seules cependant qu'elles vibrent de la même harmonie.

Donnez vos coeurs, mais non pas à la garde l'un de l'autre.
Car seule la main de la Vie peut contenir vos coeurs.
Et tenez-vous ensemble, mais pas trop proches non plus :
Car les piliers du temple s'érigent à distance,
Et le chêne et le cyprès ne croissent pas dans l'ombre l'un de l'autre. »

Khalil Gibran, Le Prophète, trad. Camille Aboussouan, Casterman 1956

Marie et moi avons lu ce texte le 22 mai 1976.
34 ans plus tard, grâce à Marie, je suis toujours l'être le plus heureux du monde.