Difficile de rester silencieux devant cette décision du ministère de l'Éducation et des Sports : les commissions scolaires de la province devront mettre dès ce printemps à disposition de leurs employés des ordinateurs équipés du logiciel Office 2007 Professionnel.

Quelques remarques préliminaires :
  • La plupart des PC sont équipés de Windows avec, souvent, très souvent même, une copie piratée d'Office.
  • La plupart des gens utilisent l'ordinateur pour deux choses : naviguer sur Internet et écrire dans un texteur.
  • Office jouit d'une bonne réputation ;
  • La plupart des utilisateurs de PC se sentent incompétents lorsque vient le moment de mettre l'ordinateur « à sa main »;
  • La plupart des gens pensent que ce qui est bon pour eux est nécessairement bon pour les autres ;
  • Quand l'occasion se présente, les politiciens aiment faire plaisir au plus grand nombre.
  • Dans nos cs, la plupart des employés n'administrent pas leur ordinateur.
Tout cela fait en sorte que la décision du ministère respecte une certaine « logique ».

Logique ? Bien sûr !

Puisque tout le monde a un jour ou l'autre utilisé un PC équipé d'Office (piraté ou non); puisque ce même monde a écrit avec Office et en a été bien satisfait; et puisque ces mêmes personnes se font vanter par plein d'autre monde les vertus [sic] d'OFFICE (envoyer des documents à leurs amis, collègues, etc. qui, à leur tour, peuvent les lire parce qu'ils ont aussi une version (piratée ou non) d'Office) ; puisque de toute façon, l'installation d'office de base est assez simple et que la majorité des gens n'ont pas besoin d'y ajouter quoi que ce soit ; puisqu'une majorité d'utilisateurs ne savent même pas qu'ils peuvent travailler avec d'autres outils - et qu'ils s'en moquent.

Avec tous ces puisque, il est bien normal qu'une ministre fasse plaisir à tout ce beau monde en leur offrant un nanane sucré.

Pourtant...

Pourtant, ce nanane, bien que sucré, est empoisonné.

A) Les enseignants qui utilisent cette suite seront sans doute portés à produire des documents propriétaires. Mais s'ils veulent les partager aux élèves, ces derniers seront obligés soit d'avoir une copie d'Office (et quels sont les parents qui voudront dépenser quelques centaines de dollars pour la chose ? Aucun. Donc, ils devront sans doute obtenir des copies illégales...), soit ils les liront avec un logiciel libre du genre OpenOffice.

Bien entendu, avec Office on peut produire des fichiers dans un format plus "conventionnel" (.txt, .rtf, etc), mais dans ce cas, pourquoi utiliser Office à 700$ pour ce faire alors qu'une tonne de solutions gratuites existent sur Internet.

Conclusion 1 : En produisant des fichiers propriétaires, soit les enseignants NE LES PARTAGENT PAS, soit ils les partagent à leurs élèves et les incitent à copier le logiciel (pour pouvoir les lire) ou a utiliser un logiciel libre. Dans ce dernier cas, si le logiciel libre en question est bon pour lire les fichiers du profs, pourquoi diable le prof n'utilise-t-il pas ce logiciel en question pour produire leurs documents. Au moins, cela n'incitera pas les parents et les élèves à la copie illégale.

B) Tous savent très bien qu'une suite bureautique libre (OpenOffice.org) existe comme alternative à Office. L'utilisateur qui opte pour OOorg doit cependant avoir une certaine maîtrise de sa machine. Car, comme vous le savez sans doute, il est possible d'obtenir une foule de greffons pour adapter la suite à ses propres besoins. Le problème, avec ces greffons, c'est qu'on doit pouvoir les installer. Et pour les installer, on doit pouvoir minimalement contrôler sa propre machine. Donc, il faut comprendre son ordinateur.

Conclusion 2 : En installant pour tous la suite Office, on maintient les intervenants dans l'ignorance des outils informatiques. Et on les invite à demeurer des utilisateurs de bas niveau.

C) Une suite bureautique contient plusieurs outils (texteur, chiffrier, etc.). Mais ces outils sont-ils vraiment utiles en éducation ? En achetant pour tous la suite, le MELS semblent suggérer qu'elle est pédagogique importante. Mais est-ce vraiment le cas ? Quand je réponds oui à cette question, c'est que je crois que ce n'est pas WORD qui est important, mais le texteur; que ce n'est pas EXCEL qui est important, mais le chiffrier électronique, etc.

Conclusion 3 : En suggérant OFFICE comme suite bureautique, le MELS suggère que le produit d'une compagnie en particulier est pédagogiquement supérieur aux autres. Le MELS ne suggère donc pas d'enseigner les forces d'un texteur, mais d'enseigner WORD. Quelle tristesse !

Je sais bien qu'une partie de mes taxes iront dans les poches de Microsoft. La chose me choque. Mais n'oublions pas qu'il n'y a pas si longtemps, on a voté pour remettre ce gouvernement au pouvoir. On a ce qu'on mérite.