Hier, dans une classe de quatrième année, j'ai pu observer la puissance de ces objets-pour-penser-avec.1

Le jeune Alex, qui avait environ 2 heures de Scratch dans le corps, était dans son projet. Fond d'écran, la mer; deux objets : un bateau et le chat dans le bateau.

- Je veux que mon chat tombe à l'eau.
- Oh, c'est violent.
- (Sourire d'Alex). Mais je sais pas comment faire.
- Où veux-tu qu'il tombe ?
Alex pointe l'endroit à l'écran.
- Hum... T'as appris le plan cartésien ?
À l'expression du jeune, j'avais ma réponse.
- Ok, c'est pas grave. Mets ta souris exactement où tu veux que ton objet tombe. Tu vois les deux nombres dans le coin de l'écran ? (Il les lit, lentement). Il faut que tu t'en souviennes. C'est la manière de dire à l'ordinateur que « c'est là ».
- Bon, mais je fais quoi avec ces nombres ?
- Tu n'as qu'à dire à l'objet de s'y rendre.
- Mais, Monsieur Gilles, je sais pas comment faire ça.
- Il y a une jolie brique qui vient à ta rescousse. À côté du x, tu poses ton premier nombre, et à côté du y, le second.
Il s'exécute et me lance un Ahhhhhhhh ! Puis, froncement de sourcils.
- Et si je veux qu'il bouge ailleurs après, je fais comment ?
- Tu fais la même chose... Essaie, et si tu as de la difficulté, rappelle-moi.

Plusieurs minutes après, je suis repassé dans son coin de la classe. Il avait réussi à contaminer plusieurs de ses camarades avec cette brique « glisser ». Tous ces élèves utilisaient d'une manière tout à fait naturelle et intuitive les coordonnées cartésiennes. Maîtrisaient-ils la notion ? Certainement pas. Mais peut-on demander à un petit québécois qui arriverait en Italie de maîtriser immédiatement l'italien ? L'amener dans un restaurant, et le laisser se débrouiller un peu pour demander un verre de lait n'est-il pas un bon début pour apprendre la langue ? Alors pourquoi demander à un élève qui arrive en Mathématie de maîtriser une notion mathématique avant de l'utiliser ?

[1] Voir Papert et son Jaillissement de l'esprit.