Nota : Le RÉCIT est le réseau pour le développement des compétences par l'intégration des technologies. J'en suis membre depuis 2000-2001. Nous sommes une centaine au Québec et très prochainement, les mandats du Récit doivent être revus.


Chers collègues,

Arnaud Desjardins dévoile deux conditions essentielles pour qu'un mariage réussisse : 1 - Il faut que les deux membres du couple soient assez différents l'un de l'autre; 2- il faut que les deux membres du couple soient assez semblables. Le paradoxe est levé simplement en comprenant que deux êtres presque pareils ne forment pas un couple, mais une variante l'un de l'autre alors que les différences apportent à l'autre une perspective d'enrichissement. Par ailleurs, deux êtres qui ne partageraient pas des valeurs fondamentales (valeurs sur lesquelles il est impossible de négocier) deviendraient vite insupportables l'un pour l'autre.

Un réseau tel le nôtre est un mariage. Un mariage à 100 personnes. Un mariage où la diversité des membres ajoute aux membres. Un mariage où la pluralité des réflexions nous enrichit les uns les autres.

Mais qu'en est-il de nos valeurs fondamentales?

J'aimerais partager ici ma valeur profonde, celle sur laquelle jamais je ne pourrai mettre de l'eau dans mon vin, celle qui justifie chacune de mes actions. Et ce dernier point est important, car une valeur profonde n'est pas juste un énoncé cul-cul qui fait bien paraître l'orateur. Non, une valeur fondamentale implique une adhésion complète de son porteur. C'est plus qu'une croyance, c'est une foi. C'est ce qui anime l'âme.

Cette valeur est celle-ci : je crois au plus profond de mon âme que l'intégration des technologies contribue significativement au succès de l'élève.

J'entends par succès, cette capacité qu'on a tous de devenir ce que l'on est. Bien sûr, le succès existait avant l'invention des technologies, mais depuis qu'elles ont fait leur apparition, les TIC ont modifié le rapport au savoir, ce savoir incluant, entre autres, le savoir sur soi, le savoir à soi.

Ce que j'entends par savoir sur soi dépasse le discours pédago-meta-cognitif. Je crois profondément que les TIC ouvrent de larges espaces de la personne inconnus de la personne même. À cet égard, les TIC sont aussi «adrénalitiques» que la musique, l'activité physique, le plaisir sexuel ou contemplation d'un ciel étoilé.

Et pourtant...

Mon premier contact avec l'informatique remonte à 1972. Au CEGEP de Hull. Je m'étais inscrit à un cours de Fortran. J'ai ressenti l'écoeurite profonde après 4 semaines. L'enseignant étant parfaitement incapable de transmettre la matière, j'ai abandonné le cours. Deux ans plus tard, à l'université Laval, nouvel essai. Même échec. C'est en 1976 qu'un copain allume devant moi sa TI-57. Il pitonna tant bien que mal un petit programme (STO, RCL, PSH, etc., pour ceux qui se souviennent...). J'ai eu là ma première jouissance informatique. J'avais peu de sous, mais je me suis quand même payé la calculatrice.

En 80, un copain me branche le minuscule ZX-80 sur un téléviseur noir et blanc. 1 ko de mémoire. Pour parler à la machine, on devait s'exprimer en BASIC : deuxième jouissance. En 1981, j'achète un Color Computer avec le ROM Logo. Troisième jouissance, mais cette fois à répétition, comme certaines femmes, paraît-il :-)

Et là s'est construite ma conviction profonde qu'on se devait de mettre les enfants devant cet outil. Il ne s'agissait pas d'une mode, il s'agissait d'un saut paradigmatique, un saut qu'une fois exécuté, on ne peut revenir en arrière. Bien sûr que depuis ce temps, j'ai eu moult joies et moult déceptions. Une grande déception fut de constater que plusieurs intervenants scolaires n'ont absolument pas compris l'immense potentiel pédagogique du LOGO.

Ma quatrième jouissance s'est produite en 1993-94: Mosaïc. J'étais déjà branché depuis quelques années sur le réseau universitaire Freenet de l'université Carleton et je suivais assez activement plusieurs newsgroups. Mais l'avènement du web rendait encore plus concret le fait qu'en temps que citoyen du monde, j'avais droit (le devoir?) de parole, et j'avais le droit de décider qui je voulais écouter, quand je voulais l'écouter. Les limites exigées par les médias traditionnels à sens unique (TV, radio, journaux, revues...) étaient brisées. Dorénavant, je devenais moi-même un média. Je mis en ligne Au fil de mes lectures, pour partager mon amour de la citation.

Cinquième jouissance, multiple aussi. Au GRMS autour de 1996. J'ai assisté à un atelier de Gérald St-Amand sur Cabri-Géomètre. J'étais complètement sonné. Je suis parti en croisade (en choisissant CyberGéomètre plutôt que Cabri), car je trouvais (et trouve toujours ) absolument inconcevable que nos élèves n'aient pas en permanence un tel outil dans leurs bagages. 10 ans plus tard, on trouve les blogues, les wikis, les sites web dynamiques, les folksonomies, etc.

Et pourtant...

J'en ai parlé ici, l'intégration des TIC est un échec lamentable. Je ne répéterai pas mon message, mais peu d'intervenants sont venus me contredire. Et presque tous s'accordent pour dire qu'il reste énormément de travail à faire. À cet égard, l'exemple des difficultés à se brancher au MELS est frappant. Avec mon ordinateur, je suis comme un enfant : je ne cesse d'apprendre. En m'empêchant d'utiliser mon outil, le MELS limite ma réussite. Exagération! me lancerez-vous. Nenni. Réalité. Et quiconque a vraiment compris toute la puissance de l'intégration des TIC à notre vie ne peut empêcher un humain d'accéder à ladite puissance. Notre rôle n'en est-il pas un de facilitateur? Et le rôle de nos supérieurs n'en est-il pas un aussi de facilitateur? Devenir ce que l'on est ne s'arrête pas après les heures d'école ou aux limites d'une commission scolaire : c'est le travail d'une vie.

Cette valeur (l'intégration des TIC contribuant significativement au succès des élèves) est-elle partagée dans notre réseau RÉCIT ? C'est à vous, chers collègues, d'y répondre. Mais si, comme je le suppose, elle l'est, alors gardons-la toujours présente à notre esprit, et, peut-être surtout, dans notre âme.

Si cette valeur est partagée par tous les intervenants du réseau, cela implique que nos décisions et nos interventions n'en sont pas seulement colorées, mais sont assises solidement sur ce fondement.

Si cette valeur est partagée, ne la limitons pas à notre bureau, notre établissement, nos écoles, notre cs. Propageons-la tout autour de nous, à chaque moment de notre vie professionnelle. Partageons-la avec qui veut bien nous écouter et éloignons-nous des autres. Et combattons, même au risque de paraître impertinents, tout ce qui la mine.