Deux billets récents dont celui-ci sur les devoirs m'ont fait réfléchir. Je suis même intervenu sur celui-là en indiquant que la lecture est sans doute un important outil pour résoudre les échecs des enfants. Je vais préciser ici ma pensée.

D'abord, une définition : j'appellerai lecture scolaire (LS) une lecture imposée par l'école (peu importe la discipline.) Par ailleurs, j'appellerai lecture choisie (LC), la lecture d'un roman complet. Je précise que dans le contexte de ce billet, une LC exclue une bande dessinée, un extrait de roman, l'article d'un quotidien ou d'une revue, etc.

Mon expérience d'enfant au niveau des LS est désastreuse. Je l'ai racontée ici. Je me rappellerai toujours l'espèce d'écoeurite aiguë causée par la lecture imposée de Poussière sur la ville. Si j'arrive à dépasser mon haut-le-coeur chaque fois que je vois le roman (il est toujours dans ma bibliothèque), sans doute devrais-je me lancer sans une relecture. Avec 40 ans de recul, peut-être y trouverais-je une explication...

Mon expérience de parent est différente. Un jour de fin septembre, alors que ma deuxième fille était en sixième année, nous recevons un billet de son enseignante : Votre enfant a des problèmes de grammaire : il faudrait qu'elle fasse des exercices à la maison. Panique de Marie.

- Gilles, qu'est-ce qu'on va faire? Notre fille a des problèmes!
- Voyons Marie, son SEUL problème est qu'elle ne lit pas. Si on s'arrangeait pour qu'elle lise un peu plus, je suis absolument convaincu que la majorité de ses problèmes se régleront d'eux-mêmes.
- Tu crois vraiment?
- J'en suis convaincu. Lui donner des tonnes d'exercices de grammaire, c'est absolument ridicule et tout ce qu'on réussira à faire, c'est l'écoeurer de la langue française. Il faut juste qu'elle fasse l'effort de lire un peu.
- Ouais... Je vais demander des suggestions à son prof.
- Quoi??? Je ne suis même pas sûr que son prof soit une lectrice !!! Dis-moi, quand tu avais son âge, tu lisais?
- Bien sûr. J'ai adoré les Comtesse de Ségur...
- Alors des Comtesse de Ségur ce sera.

Et pendant plusieurs semaines, notre merveilleuse fille a lu cinq ou six Comtesse de Ségur. Puis, elle a continué avec d'autres lectures. Entre autres, je lui lisais à haute voix (mes deux autres filles étaient présentes) Niel Holgerson (pendant plusieurs semaines, chaque soir...!) , et puis Narnia de C.S Lewis...

Et, miraculeusement, nous n'avons plus jamais entendu parler des problèmes de grammaire (scolaire) de notre fille.

Bien entendu, il est difficile de généraliser à partir de ce cas. Mais il demeure dans mes convictions profondes que la lecture est un moyen privilégié de réussite scolaire.

Je pense même que si l'enfant a des problèmes en maths, qu'une demi-heure de LC par soir (je tiens pour acquis que les parents EN MÊME TEMPS liront une LC) résoudra une grande partie des problèmes de cet enfant. Pourquoi? Tout simplement parce que lire amène généralement à discuter de la lecture, à y voir les liens logiques, les liens cachés, à comprendre des sous-entendus, à lire entre les lignes (n'est-ce pas là aussi la lecture "algébrique"?) à suivre le raisonnement d'un personnage, à anticiper la suite, etc. Bref, à s'amuser, intellectuellement parlant.

Deuxième expérience comme parent, cette fois avec ma petite dernière. Parmi mes filles, c'est celle qui lit le plus. Cela se passe alors qu'elle était en cinquième secondaire, ce qui date de 4 ans.

- Je devrai lire 3 romans cette année.
- Wow ! Lesquels?
- Notre prof nous a remis une liste. Je connais quelques auteurs, mais la plupart ne me disent rien.

Je commençais déjà à jubiler. J'ai jeté un oeil sur cette liste pour comprendre que c'était là sans doute les romans qu'avait lus le prof. Mais choisir parmi une cinquantaine de livres est tout de même intéressant. Je possédais déjà plusieurs des livres listés et j'en avais lu une quinzaine. Avec Aurélie, on a discuté environ une heure des auteurs, de leur style, du type de roman qu'ils écrivaient, etc. Par exemple, il y avait du Nothomb, du Mankell, du Camus, du Huxley, duBeauchemin, du Temblay, etc. Je crois qu'en deux mois, Aurélie avait fait son "devoir de l'année"... Ce qui ne l'a pas empêché de repiger dans cette liste pour choisir d'autres lectures. Cette expérience fut donc heureuse.

Je constate cependant que plusieurs LS tournent autour d'extraits. On fait lire quelques chapitres. Je me rappelle même que dans sa classe de théâtre, Aurélie n'avait à lire qu'un acte d'une pièce. Pourquoi diable ne pas exiger la lecture complète de la pièce, ce qui ne demande deux ou trois heures?

Je pense que si l'école met de l'importance sur la LS, elle doit donner du temps SCOLAIRE aux enfants pour qu'ils lisent. Que cette LS ne doit pas être donnée en DEVOIR, mais qu'on s'assure à l'école que l'enfant prenne un bon quinze minutes de lecture par jour.

Les bénéfices de la lecture dépassent les bénéfices scolaires mesurables (vocabulaire, grammaire, syntaxe, etc.). En lisant, on se donne l'outil idéal permettant le développement de l'autonomie de la pensée.

Donc, chers parents lecteurs de ce blogue, donnez-vous en devoir une demi-heure de lecture par soir, avec vos enfants. Vous apprendrez un tas de choses, vos enfants aussi, et je suis assuré qu'il y aura des retombées scolaires positives.