J'aime trop les livres pour supporter de seulement leur rendre visite [...]
Claude Roy, La fleur du temps.


Nous avons tous nos folies, nos compulsions. La mienne, c'est les livres. L'achat de livres. Je ne sais pas résister. Il y a un moment à peine, j'ai commandé à la librairie Pantoute de Québec : le Moatti (voir billet suivant), le classique de Susan Blackmore La théorie des mèmes, un Savater (De l'Éducation) et, qui sort tout juste en format poche, La complexité, vertiges et promesses de Reda Benkirane.

Autre exemple de mon problème : lundi dernier, en lisant le blogue d'Alexandre Moatti, je suis tombé sur ce billet où il cite un livre dont j'ignorais complètement l'existence : La fascination des nombres de Reichmann. Via Abebooks.fr, je passai la commande chez un bouquiniste de Montreal. Deux jours plus tard, le bijou était à la maison.

Je compte bien inventorier ma bibliothèque cet été. Mon dernier inventaire sérieux date de 1990 : j'avais utilisé le logiciel DOS File Express pour ce faire. J'avais alors plus de 3000 livres. J'estime que j'en ai actuellement plus de 5000.

Je réfléchis beaucoup à ce qu'il en adviendra à ma mort. Je jongle avec l'idée de tout laisser à la bibliothèque municipale, à la condition que la collection soit bien identifiée comme étant la mienne. L'autre possibilité est de léguer tout ça à une de mes filles. Mais c'est, évidemment, un cadeau terrible : des centaines de boîtes à entreposer...

Ma bibliothèque est le fruit de ce que je suis/étais/désire/désirais/... Par exemple, j'ai plusieurs centaines de livres sur le jeu d'échecs. Dont certaines raretés. J'ai aussi une immense collection de livres sur les jeux, puzzles, casse-tête, énigmes mathématiques. Il faut voir aussi ma jolie collection de livres de citations dont la première édition du Guerlac (1931), tous les livres de Genest (années 20 et 30), Le citateur dramatique de Léonard Gallois (1829), trois des quatre éditions du Recueil d'idées du père Étienne Blanchard, etc. Cet ensemble permet un voyage unique dans cet univers très particulier de l'art de la citation.

Cette compulsion, plusieurs en souffrent. Claude Roy par exemple. J'ai terminé cette semaine la lecture de son journal 1983-1987 et j'y ai trouvé quelques pages (160-172) sur le thème bibliothèque-librairie :

« Je révère les grandes bibliothèques, arche de Noé de la parole, citadelles de mémoire, conscience et inconscience du savoir et des folies des siècles. » Un peu plus loin : « ... on sait bien que la révérence n'est pas l'amour et que le respect peut n'être pas dépourvu de froideur. Je m'incline devant les bibliothèques cardinales. J'ai souvent recours à elles. Mais je m'incline avec un peu d'effroi. Je les utilise quand je ne peux absolument pas faire autrement. Je l'avoue, je ne suis pas l'homme de ces immenses conservatoires de l'imprimé. J'aime trop les livres pour supporter de seulement leur rendre visite, pour pouvoir abandonner les volumes, à la fermeture, aux gardiens de leurs glorieuses Bastilles. J'aime que les livres partagent ma vie, m'accompagnent, flânent, travaillent et dorment en ma compagnie, se frottent aux bonheurs du jour et aux caprices du temps, acceptent des rendez-vous avec moi à des heures « impossibles », ronronnent avec la chatte au pied de mon lit,ou traînent avec elle dans l'herbe, écornent un peu leurs pages dans le hamac d'été, se perdent et se retrouvent. Les livres sont pour moi plutôt des amis que des serviteurs ou des maîtres. C'est pourquoi je préfère aux bibliothèques les magasins d'où l'on sort avec son ami sous le bras, les grandes ou les petites librairies, et les membres de leur famille, bouquineries, librairies spécialisées [...] » Et ça continue ainsi sur plusieurs pages.

Être entouré de livres me rend heureux. Entre la possibilité de me payer l'aide d'un psychologue qui pourrait me guérir de ma bibliopathie et celle d'acheter encore quelques livres, je crois que mon choix est déjà fixé.