La semaine dernière, j'ai rendu visite aux élèves de Mario Cyr dans sa classe de philosophie (cinquième secondaire). J'ai trouvé absolument fascinant l'art d'écouter et d'intervenir des élèves. Ils émettaient des opinions réfléchies et bien argumentées. Ils étaient capables de contredire leurs compagnons, tout en gardant un grand respect dans leurs propos. Et, surtout, ils réfléchissaient par eux-mêmes! Y aurait-il donc de l'espoir en éducation au Québec?

Entre autres, la discussion a tourné autour de l'utilisation du Philoblogue. Tout ça pour alimenter un peu plus l'atelier que j'anime à l'Aquops en avril. Mon idée n'est pas encore faite quant à l'utilisation scolaire des blogues. Par exemple, j'ai grand-peur qu'on utilise ce nouvel outil avec un contrôle enseignant tel, que plus aucun élève ne veuille y entrer des billets. Un peu comme ces conseillers pédagogiques dans les années 80 qui ont complètement dénaturé le langage LOGO en proposant des séquences d'enseignement strictes. J'ai peur qu'on écoeure les élèves avec ça, qu'on en fasse du scolaire plate. Heureusement, ce n'est pas le cas en ce qui concerne le PhiloBlogue.

Mais quand je lis Edgar Morin :
L'apprentissage de l'auto-observation fait partie de l'apprentissage de la lucidité. L'aptitude réflexive de l'esprit humain, qui le rend capable en se dédoublant de se considérer lui-même, cette aptitude que certains auteurs comme Montaigne ou Maine de Biran ont admirablement exercée, devrait être chez tous encouragée et stimulée. Il faudrait enseigner de façon continue comment chacun produit le mensonge à lui-même ou self-deception. Il s'agirait d'exemplifier sans cesse comment l'égocentrisme auto-justificateur et la bouc-émissarisation d'autrui conduisent à cette illusion, et comment y concourent les sélections de la mémoire qui éliminent ce qui nous gêne et enjolivent ce qui nous avantage (ce pourrait être par l'incitation à tenir un journal quotidien et à y réfléchir sur les événements vécus.)
La tête bien faite, p. 57, Seuil, 1999.
je ne peux qu'appuyer encore plus ma conviction qu'il y a « quelque chose à faire là ».

Je suis extrêmement fier qu'un cours de philo se donne dans une classe de ma CS. Et je ne peux que déplorer que cette pratique ne soit pas généralisée dans la province. Car, comme le dit encore Morin :
La philosophie n'est pas une discipline, c'est une puissance d'interrogation et de réflexion qui porte non seulement sur les connaissances et sur la condition humaine, mais aussi sur les grands problèmes de la vie. Dans ce sens, le philosophe devrait partout stimuler l'aptitude critique et autocritique, ferments irremplaçables de lucidité, et partout encourager à la compréhension humaine, tâche fondamentale de la culture.
La tête bien faite, id. p.59.

Bravo à Mario, bravo à ses élèves et longue vie au Philoblogue.