dimanche 22 janvier 2006
La politique
Par Gilles Jobin, dimanche 22 janvier 2006 :: Généraleries
Demain, c'est jour d'élection au Canada. Petit florilège de citations tirées d'Au fil de mes lectures.
Diego : Mentir est toujours une sottise.
Nada : Non, c'est une politique.
Albert Camus (L'État de siège, p.44, Folio/théâtre n°52)
Quand vous écoutez un discours politique, il faut, comme à la chasse, tenir compte du vent.
Anonyme
[...] je ne discute jamais, ni sur la politique ni sur l'amour. Ce sont des sujets sur lesquels on s'est tu, pendant des siècles, et c'est depuis que tout le monde s'en mêle que rien ne va plus ! Autrefois, la politique, c'était l'affaire des ministres, et l'amour l'affaire des putains. C'étaient elles, les conseillers conjugaux, et permettez-moi de vous dire qu'elles en savaient un peu plus long que les vôtres ! Aujourd'hui, tout le monde veut être ministre et tout le monde veut être putain !
Jean Anouilh (Les poissons rouges, p.75, Folio n°6)
Mais, feindre d'ignorer ce qu'on sait, de savoir tout ce qu'on ignore ; d'entendre ce qu'on ne comprend pas, de ne point ouïr ce qu'on entend ; surtout de pouvoir au-delà de ses forces ; avoir souvent pour grand secret de cacher qu'il n'y en a point ; s'enfermer pour tailler les plumes, et paraître profond, quand on n'est, comme on dit, que vide et creux ; jouer bien ou mal un personnage ; répandre des espions et pensionner des traîtres ; amollir des cachets ; intercepter des lettres ; et tâcher d'ennoblir la pauvreté des moyens par l'importance des objets : voilà toute la politique, ou je meure !
Pierre Augustin Caron de Beaumarchais (Le mariage de Figaro, Presses-Pocket n° 6168, p.178)
Ah ! [la politique] est l'art de créer des faits ; de dominer, en se jouant, les événements et les hommes ; l'intérêt est son but ; l'intrigue son moyen : toujours sobre de vérités, ses vastes et riches conceptions sont un prisme qui éblouit.
Pierre Augustin Caron de Beaumarchais (La mère coupable,, Presses-Pocket n° 6168, p.281)
Il y a deux façons de se laisser corrompre en politique : la première, se laisser corrompre tout simplement ; l'autre, fréquenter les politiciens.
Robert Brisebois (L'Amour c'est tout, le hasard c'est autre chose, p.132, Éd. Stanké)
Les idées politiques, ce sont celles qu'adoptent les gens qui n'ont pas d'idées à eux.
Fréderic Dard (Les pensées de San-Antonio, p.59, Éd. Pocket n°10342, 1996)
Dans ce monde qui se voudrait cynique à force de réalisme, un des moteurs principaux de la politique est l'irrationnel désir de ne pas perdre la face.
Robert Escarpit (Lettre ouverte au diable, p.115 Éd. Albin Michel 1972)
Le principal ressort du pouvoir, qu'il soit religieux ou politique : sécréter la culpabilité dont il prétend nous libérer.
Roland Jaccard (Dictionnaire du parfait cynique, p.116, Livre de Poche/biblio n°4138)
Il faut savoir être un citoyen, c'est-à-dire « faire de la politique ». Certes, en faire c'est courir le risque de se tromper ; mais ne pas en faire est être sûr de se tromper.
Albert Jacquard (Petite philosophie à l'usage des non-philosophes, p. 82, Éd. Québec-Livres)
[...] les mouvements politiques ne reposent pas sur des attitudes rationnelles mais sur des représentations, des images, des mots, des archétypes dont l'ensemble constitue tel ou tel kitsch politique.
Milan Kundera (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.373, Folio n°2077)
[...] il faut que celui qui pense ne s'efforce pas de persuader les autres de sa vérité ; il se trouverait ainsi sur le chemin d'un système ; sur le lamentable chemin de l'homme à conviction ; des hommes politiques aiment se qualifier ainsi ; mais qu'est-ce qu'une conviction ? c'est une pensée qui s'est arrêtée, qui s'est figée, et l'homme à conviction est un homme borné ; la pensée expérimentale ne désire pas persuader mais inspirer ; inspirer une autre pensée, mettre en branle le penser ; c'est pourquoi un romancier doit systématiquement désystématiser sa pensée, donner des coups de pied dans la barricade qu'il a lui-même érigée autour de ses idées.
Milan Kundera (Les testaments trahis, p.212, Folio n°2703)
Certains souffrent d'une hypertrophie des glandes politiques.
Stanislaw Jerzy Lec (Nouvelles pensées échevelées, trad. André et Zofia Kozimor, p.99, Rivages poche n°306)
En politique, nous passons le plus clair de notre temps à parler des absents, il arrive que leur présence n'y change pas grand-chose.
Daniel Pennac (La petite marchande de prose p.126, Folio n° 2342)
En politique, on ne flétrit le mensonge d'hier que pour flatter le mensonge d'aujourd'hui.
Jean Rostand (Pensées d'un biologiste, Éd. J'ai Lu, n° D5, p. 157)
En politique on n'est pas ce qu'on est ; on est ce qu'on paraît être. La déconsidération, une fois acquise, ne se perd plus.
Charles Augustin Sainte-Beuve (Pensées et maximes, p.216, Grasset 1954)
Les hommes politiques et les chefs de section, les militaires et les capitaines d'industries, les aigles de bureaux et les bâtisseurs d'entreprise sont des personnages qui me font rigoler, me paraissent infiniment ridicules avec leurs certitudes de jongler avec le monde alors qu'ils ne manient en réalité que des bulles de savon et qu'ils sont eux-mêmes des bulles de savon.
Jacques Sternberg (Vivre en survivant, p.32, Éd. Tchou)
Politique n. Lutte d'intérêts déguisée en débat de grands principes. Conduite d'affaires publiques pour un avantage privé.
Ambrose Bierce (Le dictionnaire du Diable, trad. Bernard Sallé, p.216, Rivages/Étranger, n°11)
La politique, ou l'art (ou le don) de connaître et de mener la multitude ou la pluralité. La gloire de cet art est de mener cette multitude, non pas où elle veut ni où l'on voudrait soi-même, mais où elle doit aller.
Joseph Joubert (Carnets t.2, p.523, nrf/Gallimard, 1994)
La politique, pour lui, c'était un peu comme une chouette cabane dans les arbres : une fois à l'intérieur avec les petits caïds du voisinage, il suffisait de retirer l'échelle pour laisser en bas tous les crétins.
Dennis Lehane (Ténèbres prenez-moi la main, trad. Isabelle Maillet , p.94, Rivages/noir, n°424)
[...] Monsieur Neandertal, avec trente grognements signifiants, dix consonnes et trois voyelles, pourrait aujourd'hui faire une carrière politique.
Boris Cyrulnik (L'Ensorcellement du monde, p.64, Odile Jacob n°67)
La politique est un chapitre de la météorologie.
La météorologie est la science des courants d'air.
Édouard Herriot (Notes et Maximes, p.25, Hachette, 1961)
En politique, il vaut mieux avoir tort avec ses amis que raison avec ses adversaires.
Édouard Herriot (Notes et Maximes, p.25, Hachette, 1961)
Quand un discours politique a de l'élévation, de la vigueur, de l'élégance, de la tenue, détrompons-nous ! ce n'en est pas un.
Albert Brie (Le mot du silencieux, p.178, Fides, 1978)
La plupart des gens qui se passionnent pour les luttes électorales ne portent ordinairement aucun intérêt à la vie politique dans son cours normal. En cela, ils suivent l'exemple de bon nombre de politiciens qui s'agitent avec fureur durant un ou deux mois que dure la campagne électorale. On les trouve abîmés dans un sommeil comateux pour les trois ou quatre ans qui précèdent le prochain match.
Albert Brie (Le mot du silencieux, p.186, Fides, 1978)
En politique, s'expliquer c'est mentir, mais en beaucoup plus de mots.
Albert Brie (Le mot du silencieux, p.189, Fides, 1978)
Campagne électorale : Hostilités portées sur la place publique par les partis politiques, et menées avec les armes conventionnelles du mensonge, du vol, de la haine, du préjugé, du fanatisme, de la calomnie, de la bassesse et de la canaillerie. La lutte se termine ordinairement par la victoire du parti qui a su faire le plus éclatant usage de ces vertus démocratiques.
Albert Brie (Le mot du silencieux, p.227, Fides, 1978)
Élection : Dans les démocraties évoluées, c'est-à-dire décadentes, expression du désenchantement politique de la collectivité, caractérisé par la tendance du peuple à l'aboulie que, par un retournement de sens, on appelle volonté.
Albert Brie (Le mot du silencieux, p.231, Fides, 1978)
La politique est l'art de gouverner la cité : ainsi parlaient les anciens.
Mais, hier, un homme d'État, qui est aussi un penseur et un lettré, a trouvé cette définition incomplète. Il a écrit : « La politique, c'est l'art, la volonté, la passion de gouverner. »
Ainsi a-t-il mis sur le même rang l'art et la passion du pouvoir, c'est-à-dire la capacité et l'ambition. Au vrai, l'ambition suffit, de nos jours, à un homme politique, et l'on a vu souvent, dans les plus hauts postes, des incapables.
Louis Latzarus (La politique, p.7, Librairie Hachette, 1928)
En démocratie, la politique est l'art de faire croire au peuple qu'il gouverne.
Louis Latzarus (La politique, p.7, Librairie Hachette, 1928)
Certains hommes politiques se vantent d'être des hommes tout court. Ne les croyez pas. S'ils n'étaient que des hommes, la politique les écoeurerait.
Louis Latzarus (La politique, p.9, Librairie Hachette, 1928)
Il n'en va point dans la lutte politique comme à la guerre. Le parti vaincu devient plus redoutable après sa défaite. Il lui suffit de ramasser les armes que les vainqueurs ont dû troquer contre les insignes du pouvoir.
Louis Latzarus (La politique, p.22, Librairie Hachette, 1928)
L'exercice de la démocratie directe implique le principe : l'humain prime le nombre. La mathématique appelée à trancher dans le vif des décisions politiques n'a que trop tendance à transformer chacun en élément statistique, à en faire l'objet aveugle d'une comptabilité providentielle, qui finit toujours par régir le malheur.
Raoul Vaneigem (Pour l'abolition de la société marchande pour une société vivante, p.102, Rivages poche n°480)
J'ai vu, un soir d'élection, pleurer un vieux député battu. Vingt ans auparavant, il avait écrasé son prédécesseur. Il ne pensait pas que le même destin pût jamais l'atteindre.
Louis Latzarus (La politique, p.27, Librairie Hachette, 1928)
- J'ai été sept fois ministre ! disait, dans une réunion publique, un député qui briguait sa réélection.
- Dire que c'est vrai ! cria un interrupteur.
Aussitôt, tout le monde rit.
Louis Latzarus (La politique, p.53, Librairie Hachette, 1928)
Quand nous serons tous coupables, ce sera la démocratie.
Albert Camus (La chute, p.142, Folio n°10)
La démocratie est chose trop sérieuse pour être confiée aux électeurs.
Arthur Koestler (Les call-girls, trad. Georges Fradier, p.246, Livre de Poche n°. 4101)
Tant qu'il y aura des dictatures, je n'aurai pas le coeur à critiquer une démocratie.
Jean Rostand (Inquiétudes d'un biologiste, p.103, Livre de Poche n°3634)
Dictature : pouvoir absolu d'un seul.
Démocratie : pouvoir absolu de quelques'uns.
Paul Carvel (Sel d'esprit (696), Laetoli, 2005)
Dictature : pays où les citoyens veulent voter mais ne peuvent pas.
Démocratie : pays où les citoyens peuvent voter mais ne veulent pas.
Paul Carvel (Sel d'esprit (856), Laetoli, 2005)
Tous les hommes sont en faveur de la démocratie comme tous les vers sont en faveur des pommes.
Albert Brie (Le mot du silencieux, p.177, Fides, 1978)
C'est la forme la plus exquise du comportement politicien, qui consiste à utiliser un fait vrai pour en faire un mensonge.
René Barjavel (Demain le paradis, p. 138, Denoël)
Un politicien ne peut faire carrière sans mémoire, car il doit se souvenir de toutes les promesses qu'il lui faut oublier.
Fréderic Dard (Les pensées de San-Antonio, p.73, Éd. Pocket n°10342, 1996)
Conservateur n. Politicien qui affectionne les maux existants, qu'il ne faut pas confondre avec le Libéral qui souhaite les remplacer par d'autres.
Ambrose Bierce (Le dictionnaire du Diable, trad. Bernard Sallé, p.59, Rivages/Étranger, n°11)
Phare n. Construction élevée sise au bord de la mer, dans laquelle le gouvernement entretient une lampe et l'ami d'un politicien.
Ambrose Bierce (Le dictionnaire du Diable, trad. Bernard Sallé, p.210, Rivages/Étranger, n°11)
Pour les politiciens en campagne il y a des chers concitoyens. Une fois élus, il n'y a plus que des citoyens chers et cons.
Paul Carvel (Sel d'esprit (721), Laetoli, 2005)
Tous les politiciens sont opportunistes ; les plus habiles le sont au moment opportun.
Albert Brie (Le mot du silencieux, p.184, Fides, 1978)
On sait ce que promettre veut dire. Les promesses électorales ressemblent aux serments d'amour. Elles sont un accompagnement obligé du jeu. Pour cette raison, si l'on pardonne l'aveuglement du politicien, l'amoureux a une excuse qui manque à celui-là, celle de n'abuser qu'une personne à la fois.
Albert Brie (Le mot du silencieux, p.188, Fides, 1978)
Il est bien admis que les politiciens pratiquent couramment le mensonge. Si l'un d'eux prend l'habitude de dire la vérité, le peuple peut aller jusqu'à se demander si cet original ne manque pas à son devoir professionnel.
Albert Brie (Le mot du silencieux, p.192, Fides, 1978)