Citations ajoutées le 26 octobre 2008

  
Louis-Philippe de Ségur

  1. Ce n'est que lorsque les peuples se montrent sérieux et tristes qu'ils sont à craindre.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCXCVI), p.122, Alexis Eymery, 1823)
     
  2. Dans les pays soumis au despotisme, on voit presque toujours le trône renversé ou usurpé par la force destinée à le défendre.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCXCVII), p.123, Alexis Eymery, 1823)
     
  3. Quand un trône est fondé sur des crimes, on peut en tomber, on n'ose pas en descendre.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCXCVIII), p.123, Alexis Eymery, 1823)
     
  4. Dès qu'on touche à la couronne, il faut la porter ou perdre la tête.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCXCIX), p.123, Alexis Eymery, 1823)
     
  5. L'épée est un mauvais sceptre ; elle blesse tôt ou tard le prince qui s'appuie sur elle.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCC), p.123, Alexis Eymery, 1823)
     
  6. Il est dangereux de tenir une épée qui brille plus que le sceptre.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCI), p.124, Alexis Eymery, 1823)
     
  7. Le sceptre n'est pas un présent, c'est un fardeau.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCII), p.124, Alexis Eymery, 1823)
     
  8. Dans les temps de lumière on règne par l'esprit ; mais l'audace et la force du corps commandent seules dans les temps barbares.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCIII), p.124, Alexis Eymery, 1823)
     
  9. Tout règne qui commence par la débauche finit par la cruauté.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCIV), p.124, Alexis Eymery, 1823)
     
  10. L'art de régner consiste surtout dans l'habileté des choix.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCV), p.124, Alexis Eymery, 1823)
     
  11. On règne par le caractère, et non par l'esprit.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCVI), p.125, Alexis Eymery, 1823)
     
  12. Si le succès accroît rapidement les révoltes, le plus léger échec les atteint.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCVII), p.125, Alexis Eymery, 1823)
     
  13. Un des plus grands malheurs des dissensions civiles, c'est de dégrader quelquefois les plus nobles caractères.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCVIII), p.125, Alexis Eymery, 1823)
     
  14. Dans les troubles civils la fortune est toujours pour celui qui frappe contre celui qui parle.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCIX), p.125, Alexis Eymery, 1823)
     
  15. Dans les troubles publics un petit nombre de méchants et de factieux profitent avec audace, pour dominer, de l'inaction des gens de bien et de leur amour pour le repos.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCX), p.125, Alexis Eymery, 1823)
     
  16. Chacun, dans un moment de trouble, veut profiter de l'inquiétude publique pour perdre ses ennemis.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCXI), p.126, Alexis Eymery, 1823)
     
  17. Si les victoires terminent les révolutions, la clémence seule peut les empêcher de se renouveler ; et l'on n'en détruit le souvenir qu'en les oubliant soi-même.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCXII), p.126, Alexis Eymery, 1823)
     
  18. Les grandes révolutions, que le vulgaire attribue au génie de certains hommes, sont le fruit des siècles, l'oeuvre des circonstances ; et les hommes qui passent pour en être les auteurs ne font autre chose qu'en sonner l'heure, déjà marquée par le temps.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCXIII), p.126, Alexis Eymery, 1823)
     
  19. C'est par la violence qu'on fait les révolutions ; on ne les termine que par la modération.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCXIV), p.127, Alexis Eymery, 1823)
     
  20. Ceux qui commencent les révolutions ne les finissent jamais ; et l'on a perdu le droit et le moyen de réprimer les factions lorsqu'on a été factieux.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCXV), p.127, Alexis Eymery, 1823)
     
  21. Les révolutions sont les fruits amers du souvenir des droits violés, de l'orgueil humilié, des intérêts blessés.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCXVI), p.127, Alexis Eymery, 1823)
     
  22. Plus le nombre des hommes qui entrent dans une conspiration s'accroît, plus il est difficile qu'elle reste longtemps cachée ; tout ce qui ajoute à sa force augmente en même temps son danger.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCXVII), p.128, Alexis Eymery, 1823)
     
  23. Dans tous les temps les mêmes passions produisent les mêmes effets : on a vu et l'on verra toujours l'esprit de parti créer des conspirations pour se donner le droit et le mérite de les punir.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCXVIII), p.128, Alexis Eymery, 1823)
     
  24. Le plus sûr moyen de priver de complices ceux qui veulent conspirer, c'est de diminuer le nombre des mécontents par des actes de justice et de bonne foi.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCXIX), p.128, Alexis Eymery, 1823)
     
  25. Les héros sont comme les grands fleuves ; leur source est petite, ils grandissent en marchant.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCXX), p.129, Alexis Eymery, 1823)
     
  26. Les factions tuent presque toujours ceux qui les font naître.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCXXI), p.129, Alexis Eymery, 1823)
     
  27. C'est par un constant oubli qu'on tue les factions.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCXXII), p.129, Alexis Eymery, 1823)
     
  28. Les esprits ardents, les hommes ambitieux, les têtes factieuses, se trouvent partout, comme les vents prêts à briser un vaisseau mal gouverné ; ce n'est donc pas des flots et des vents, mais du pilote, qu'il faut se plaindre après le naufrage.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCXXIII), p.129, Alexis Eymery, 1823)
     
  29. Les libellistes incendiaires, fanatiques et calomniateurs, se taisent lorsque l'ordre règne, ne se montrent que dans les orages, et ressemblent à ces insectes qu'attire la dissolution des corps.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCXXIV), p.130, Alexis Eymery, 1823)
     
  30. Tout parti qui commet la faute d'appeler les étrangers sacrifie l'intérêt général à l'intérêt privé, et livre sa patrie à un joug humiliant.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCXXV), p.130, Alexis Eymery, 1823)
     
  31. Tout parti qui se relève passe les règles de la justice.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCXXVI), p.130, Alexis Eymery, 1823)
     
  32. L'esprit de parti est au gouvernement ce que le fanatisme est à la religion ; l'un et l'autre détruisent ce qu'ils paraissent vouloir conserver, et mettent le feu au bâtiment pour l'éclairer.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCXXVII), p.130, Alexis Eymery, 1823)
     
  33. L'esprit de parti tend à isoler un gouvernement en ne le rendant favorable qu'à l'intérêt de quelques-uns ; un gouvernement, au contraire, sait, en consultant la raison, qu'il n'est entouré de l'amour universel qu'en donnant une égale espérance à tous, et qu'il ne réunit la majorité des voeux qu'en favorisant la majorité des intérêts.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCXXVIII), p.131, Alexis Eymery, 1823)
     
  34. L'esprit de gouvernement grandit tout, fortifie tout, nationalise et royalise tout ; il élève graduellement son sommet en élargissant continuellement sa base : l'esprit de parti rapetisse tout ; si on le laissait faire, il ne ferait du chef de la nation qu'un chef de parti.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCXXIX), p.131, Alexis Eymery, 1823)
     
  35. L'homme de parti ne sent pas le besoin de méditer pour choisir ; il voit tous les objets de profil et sous une seule face : quiconque sert ses passions est plein de mérite ; celui qui lui nuit est rempli de défauts et de vices ; aveugle à la lumière, sourd à la raison, il juge tout par son intérêt ; c'est la base de sa morale, et la seule règle qu'il connaisse pour mesurer les hommes et les actions.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCXXX), p.132, Alexis Eymery, 1823)
     
  36. Tous les partis ardents ont une maladie d'imagination qui serait risible, si souvent elle n'était pas tragiquement dangereuse pour ceux qui les approchent. Comme ils repoussent et blessent la raison qui veut les calmer, on les fuit, et ils éprouvent tôt ou tard la punition de l'égoïsme, l'isolement.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCXXXI), p.132, Alexis Eymery, 1823)
     
  37. L'esprit de parti est l'esprit de ceux qui en ont peu : rien n'est plus difficile à guérir ; c'est un mal qui plaît au malade ; il lui épargne beaucoup d'embarras, car il dispense de réflexion pour examiner et de vertu pour agir.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCXXXII), p.133, Alexis Eymery, 1823)
     
  38. L'esprit de parti est aveugle par sa nature, et n'écoute pas la raison éternelle, qui dit que tous les excès sont pareillement dangereux ; que la liberté sans bornes est aussi faible que l'autorité sans limites ; que l'anarchie et le despotisme avilissent également l'espèce humaine, dont ils anéantissent les talents et la dignité ; que l'énergie, qui donne la liberté, ne serait que funeste, si elle était privée de la sagesse, qui la conserve ; et que la balance bien établie des pouvoirs peut seule donner une base solide au bonheur d'une nation, en garantissant à la fois les hommes et leurs propriétés et des dangers de la tyrannie et des calamités de la licence.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCXXXIII), p.133, Alexis Eymery, 1823)
     
  39. L'esprit de parti connaît si bien sa propre difformité qu'il se montre toujours, pour dominer, sous le masque du patriotisme ou du royalisme.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCXXXIV), p.134, Alexis Eymery, 1823)
     
  40. L'esprit de parti n'est qu'un égoïsme un peu étendu ; il rapetisse les pensées, fausse les idées, corrompt les sentiments, et met les intérêts à la place des vertus ; il enfante les discordes, rompt les liens des peuples, et cause même le malheur des individus, en chassant de leur coeur la modération et la bienveillance, hors desquelles il ne peut exister ni vraie sagesse ni vrai bonheur.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCXXXV), p.134, Alexis Eymery, 1823)
     
  41. L'évidence de l'intérêt commun ne frappe jamais l'aveugle esprit de parti.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCXXXVI), p.135, Alexis Eymery, 1823)
     
  42. La supposition imprudente des intentions cause souvent l'affligeante animosité de l'esprit de parti.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCXXXVII), p.135, Alexis Eymery, 1823)
     
  43. L'esprit de parti voit tout de profil, et ne peut jamais apercevoir que le côté favorable à ses voeux.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCXXXVIII), p.135, Alexis Eymery, 1823)
     
  44. Presque tous les premiers pas des réformateurs sont sages : mais bientôt les obstacles qu'ils rencontrent les irritent, et la passion les emporte au-delà du but ; ils arrivent à l'erreur par le chemin de la vérité.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCXXXIX), p.136, Alexis Eymery, 1823)
     
  45. Un homme appelé pour réformer une nation doit posséder la justice qui inspire la confiance, le talent qui persuade, la science qui éclaire, et une douceur de caractère propre à concilier les intérêts et à calmer les passions.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCXL), p.136, Alexis Eymery, 1823)
     
  46. Les complices des princes rebelles deviennent presque toujours leurs premières victimes.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCXLI), p.136, Alexis Eymery, 1823)
     
  47. Les princes qui occupent le moins de place dans l'histoire sont souvent ceux qui en méritent une plus honorable dans le coeur de leurs sujets.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCXLII), p.137, Alexis Eymery, 1823)
     
  48. Un monarque cesse d'être le chef de l'état quand il se fait chef d'un parti ; et il ne peut plus rien pour l'intérêt général quand il favorise l'intérêt privé.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCXLIII), p.137, Alexis Eymery, 1823)
     
  49. L'étiquette est aussi nécessaire aux monarques que les costumes aux acteurs.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCXLIV), p.137, Alexis Eymery, 1823)
     
  50. Pour bien régner, il ne suffit pas d'être doué de courage, d'esprit et d'adresse ; mais sans bonne foi, sans morale, et sans justice, il ne peut exister ni un grand homme ni un grand roi.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCXLV), p.137, Alexis Eymery, 1823)
     
  51. Soit vanité, soit faiblesse, soit raison, tous les grands monarques parurent regarder la splendeur comme inséparable du diadème.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCXLVI), p.138, Alexis Eymery, 1823)
     
  52. Lorsque la capitale d'un empire s'écroule, il n'est de place honorable pour le prince que la brèche ; elle doit être son trône ou son tombeau.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCXLVII), p.138, Alexis Eymery, 1823)
     
  53. Dès que le prince se livre à la terreur, il donne à la méchanceté les moyens les plus faciles de fortune et de puissance.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCXLVIII), p.138, Alexis Eymery, 1823)
     
  54. Rien n'est plus odieux aux grands qu'un prince qui peut régner par lui-même, et qui ne veut pas être gouverné par eux.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCXLIX), p.139, Alexis Eymery, 1823)
     
  55. Une des qualités qui caractérisent les grands princes, c'est la sagesse et l'habileté de leurs choix : ils confient les postes importants non à ceux qui leur plaisent, mais à ceux qu'ils estiment ; ils veulent, non qu'on flatte leurs passions, mais qu'on serve leurs intérêts.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCL), p.139, Alexis Eymery, 1823)
     
  56. C'est dans les temps d'infortune que les rois sont forcés de préférer le mérite à la faveur.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCLI), p.139, Alexis Eymery, 1823)
     
  57. L'esprit des siècles ressemble à un fleuve large et rapide ; il est difficile de le traverser, impossible de le remonter. Cependant la manie la plus ordinaire des enfants ingrats de chaque siècle est de vanter les siècles précédents aux dépens du leur : le temps où ils vivent est, selon eux, l'âge de fer ; celui de leurs aïeux est l'âge d'or.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCLII), p.139, Alexis Eymery, 1823)
     
  58. L'esprit du siècle devrait être facile à connaître, puisque c'est l'esprit de tout le monde ; mais il est souvent étrangement défiguré par l'esprit de parti, de secte, de classe, de société, de coterie, qui tous le représentent à leur manière ; chacun le voit avec ses lunettes, le mesure à sa taille, le juge avec son opinion, et lui prête sa couleur. Il est embelli par l'amour-propre satisfait, déchiré par l'orgueil mécontent, accusé par le malheur, défendu par la prospérité. La jeunesse l'aime et le vante ; la vieillesse le dénigre et le hait. Mais, sans s'embarrasser de leur censure, et sans se laisser enivrer par leurs louanges, le siècle marche toujours, et entraîne dans son cours tout ce qui veut follement lui résister.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCLIII), p.140, Alexis Eymery, 1823)
     
  59. Celui qui suit l'esprit du siècle va vite et loin ; celui qui veut marcher dans un sens contraire est bientôt arrêté, brisé, renversé.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCLIV), p.141, Alexis Eymery, 1823)
     
  60. Les siècles marchent dans la nuit des temps, guidés par le flambeau de l'expérience ; plus ils s'avancent, plus ils s'éclairent ; ils évitent les écueils qu'ont trouvés leurs devanciers, mais ils en rencontrent d'autres ; ils ne tombent plus dans les mêmes fautes, mais ils en commettent de nouvelles ; ils rient des fantômes qui ont effrayé leurs pères, et ne peuvent être dupes que de quelque prestige nouveau qui se dissipe à son tour : chaque pas les éloigne de l'erreur et les rapproche de la raison.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCLV), p.141, Alexis Eymery, 1823)
     
  61. Les hostilités mercantiles se sont souvent changées en hostilités funestes, et le commerce a souvent armé les nations qu'il devait unir.
    (Pensées, maximes, réflexions (CCCCLVI), p.142, Alexis Eymery, 1823)
     
  62. Quand la cupidité lutte contre la vertu, son succès est rarement douteux.
    (Pensées diverses, p.143, Alexis Eymery, 1823)
     
  63. Rien n'est plus rare et plus glorieux que de se faire aimer de ceux qu'on a vaincus.
    (Pensées diverses, p.143, Alexis Eymery, 1823)
     
  64. Les âmes héroïques connaissent seules les touchants égards pour les vaincus.
    (Pensées diverses, p.143, Alexis Eymery, 1823)
     
  65. On doit désirer la liberté sans licence, la religion sans fanatisme, la croyance sans superstition, la philosophie sans athéisme, l'égalité politique dans saturnales, la monarchie sans despotisme, l'obéissance sans servitude, la paix dans faiblesse, et le repos sans apathie.
    (Pensées diverses, p.143, Alexis Eymery, 1823)
     
  66. Les hommes vulgaires se laissent endormir par l'encens et par les hommages ; les hommes de génie en profitent sans s'y fier.
    (Pensées diverses, p.144, Alexis Eymery, 1823)
     
  67. Si la vie est un bien, la mort est son fruit ; si la vie est un mal, la mort est son terme.
    (Pensées diverses, p.144, Alexis Eymery, 1823)
     
  68. Aimer est un bonheur, haïr est un tourment ; l'amour est la loi du ciel, la haine celle de l'enfer.
    (Pensées diverses, p.144, Alexis Eymery, 1823)
     
  69. Le vice et le crime sont bien près de leur triomphe, lorsqu'ils obtiennent l'éloignement de la vertu et l'exil de la vérité.
    (Pensées diverses, p.145, Alexis Eymery, 1823)
     
  70. C'est lorsque l'homme gémit sur la terre qu'il tourne ses regards vers le ciel.
    (Pensées diverses, p.145, Alexis Eymery, 1823)
     
  71. On descend facilement de la vertu au vice et de la liberté à la servitude ; mais c'est une pente qu'on ne remonte pas.
    (Pensées diverses, p.145, Alexis Eymery, 1823)
     
  72. Un monument, dressé par un fugitif, n'est qu'un trophée de plus pour ses ennemis.
    (Pensées diverses, p.145, Alexis Eymery, 1823)
     
  73. Il est des circonstances critiques dont la fermeté et la bonne foi peuvent seules triompher, mais où la faiblesse et la fausseté succombent toujours.
    (Pensées diverses, p.146, Alexis Eymery, 1823)
     
  74. Tous les hommes entendent la voix des passions ; très peu sont susceptibles d'écouter celle de la politique et de la raison.
    (Pensées diverses, p.146, Alexis Eymery, 1823)
     
  75. Beaucoup d'hommes d'état forment de vastes plans, et peu savent les exécuter.
    (Pensées diverses, p.146, Alexis Eymery, 1823)
     
  76. Révolutions sanglantes, secousses tantôt rétrogrades et tantôt progressives, tels sont les effets inévitables des vices de l'humanité.
    (Pensées diverses, p.146, Alexis Eymery, 1823)
     
  77. L'arbitraire et la liberté, le calme et le mécontentement, un repos fixe et une législation provisoire, sont les choses les plus incompatibles.
    (Pensées diverses, p.147, Alexis Eymery, 1823)
     
  78. En tout temps, en tout lieu, les grandes vertus, les grands crimes, sont rares ; la faiblesse et la médiocrité sont communes : peu d'hommes vont jusqu'à l'extrême du bien et du mal ; la foule est dans le milieu.
    (Pensées diverses, p.147, Alexis Eymery, 1823)
     
  79. Il n'y a rien de moins comprimable au monde que l'opinion et la pensée.
    (Pensées diverses, p.147, Alexis Eymery, 1823)
     
  80. Les hommes les plus présomptueux avant le péril sont les plus lâches après un échec.
    (Pensées diverses, p.148, Alexis Eymery, 1823)
     
  81. L'homme est toujours pauvre en pensant à ce qui est au-dessus de lui, et riche en se comparant à ce qui est au-dessous.
    (Pensées diverses, p.148, Alexis Eymery, 1823)
     
  82. Il vaut mieux avoir fait en peu de temps beaucoup de bien que de courir le risque de faire beaucoup de mal longtemps.
    (Pensées diverses, p.148, Alexis Eymery, 1823)
     
  83. La vanité est incrédule, et la raison est prophétique.
    (Pensées diverses, p.148, Alexis Eymery, 1823)
     
  84. Le cerveau humain, au lieu d'offrir l'image d'un appartement bien rangé et bien garni, ressemble à un garde-meuble où se trouvent entassés pêle-mêle le vieux et le neuf, les objets précieux et ceux de rebut ; de sorte que la plupart des hommes feraient peut-être un bon marché en oubliant ce qu'ils ont appris, pour apprendre ce qu'ils ne savent pas.
    (Pensées diverses, p.149, Alexis Eymery, 1823)
     
  85. Les hommes libres aiment leurs chefs, les esclaves adorent leurs maîtres.
    (Pensées diverses, p.149, Alexis Eymery, 1823)
     
  86. Il n'y a d'utile que ce qui est honnête ; on n'est véritablement grand que par la justice, et complètement heureux que par la vertu.
    (Pensées diverses, p.149, Alexis Eymery, 1823)
     
  87. L'arche de Noé ressemblait à une infinité d'autres bâtiments ; on y trouvait beaucoup de bêtes et bien peu d'hommes.
    (Pensées diverses, p.150, Alexis Eymery, 1823)
     
  88. La vertu seule est courageuse, tandis que le crime est bas dans le malheur et insolent dans la prospérité.
    (Pensées diverses, p.150, Alexis Eymery, 1823)
     
  89. La légitimité d'une cause ne peut justifier la lâcheté des moyens qu'on prend pour la servir.
    (Pensées diverses, p.150, Alexis Eymery, 1823)
     
  90. Tout ce qui est conforme à l'ordre général est vertu ; tout ce qui s'en écarte, tout ce qui veut y nuire est vice ; et l'on pourrait établir une échelle morale parfaitement graduée, depuis la plus sublime des vertus jusqu'au plus funeste des vices.
    (Pensées diverses, p.150, Alexis Eymery, 1823)
     
  91. La faveur populaire est inconstante, et la haine aristocratique est durable.
    (Pensées diverses, p.151, Alexis Eymery, 1823)
     
  92. L'un des premiers devoirs pour celui qui donne est d'oublier ce qu'il a donné, et pour celui qui a reçu de s'en souvenir et de le publier.
    (Pensées diverses, p.151, Alexis Eymery, 1823)
     
  93. La fortune et le temps distribuent, l'une avec caprice et l'autre avec équité, les récompenses et les châtiments.
    (Pensées diverses, p.151, Alexis Eymery, 1823)
     
  94. Chaque homme ressemble à un souverain qui ne voit autour de lui qu'un petit nombre de sages et une foule de courtisans : les vertus l'effraient par leur air austère, et sont bientôt écartées comme importunes ; les vices sont les flatteurs, ils mènent au malheur par la pente des plaisirs.
    (Pensées diverses, p.151, Alexis Eymery, 1823)
     
  95. Dès qu'on délibère entre la liberté et la servitude, la honte est déjà résolue, et l'on mérite d'être esclave.
    (Pensées diverses, p.152, Alexis Eymery, 1823)
     
  96. Tout homme qui délibère entre le courage et la honte finit nécessairement par prendre le parti le plus lâche.
    (Pensées diverses, p.152, Alexis Eymery, 1823)
     
  97. On ne peut vivre absolument étranger aux opinions, aux moeurs, aux erreurs de ses contemporains ; c'est assez pour la gloire et beaucoup pour l'humanité que de savoir dominer les hommes de son temps, mettre quelques digues au torrent qu'on suit, et modérer les passions qu'on partage.
    (Pensées diverses, p.152, Alexis Eymery, 1823)
     
  98. La vaillance et la fortune suffisent pour faire des conquêtes ; mais la sagesse et la justice seules peuvent soumettre les peuples conquis.
    (Pensées diverses, p.153, Alexis Eymery, 1823)
     
  99. Un homme nouveau en place, qui n'a d'autre soutien que sa vertu, doit inspirer plus de confiance que ces hommes superbes qui se croient dispensés de tout mérite par l'illustration de leur race et par la richesse de leur famille.
    (Pensées diverses, p.153, Alexis Eymery, 1823)
     
  100. Les âmes vraiment nobles aiment mieux devoir leurs distinctions au mérite qu'à la naissance, et leurs grades à des services qu'à des aïeux ; les âmes vulgaires pensent différemment, et elles sont nombreuses : c'est ce qui rend la majorité des grands si ennemie de l'égalité.
    (Pensées diverses, p.154, Alexis Eymery, 1823)
     
  101. Il est des coups hardis qui seuls peuvent électriser des âmes abattues, en les étonnant par une grande audace et en les enflammant par un grand exemple.
    (Pensées diverses, p.154, Alexis Eymery, 1823)
     

Augusta Amiel-Lapeyre

  1. C'est quand arrive l'âge de demander à la vie de s'arrêter qu'elle reprend plus rapidement sa marche.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.32, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  2. On manque souvent de simplicité avec ceux que l'on n'a pas atteints depuis longtemps. La mise au point est lente.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.32, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  3. Quand on dit à une femme qu'elle ne vieillit pas, ses étés se transforment en printemps.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.32, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  4. Ceux qui élargissent l'horizon de la pensée sont des précurseurs. Mais bien souvent, comme Jean-Baptiste, ils prêchent dans le désert.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.32, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  5. La sympathie, où va-t-elle ?... où ne va-t-elle pas ?... Les uns s'aiment sans se connaître, les autres se connaissent sans s'aimer.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.32, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  6. Mieux que la plume, le crayon se penche, s'épanche, se confie pleinement.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.32, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  7. Détenteurs de l'intelligence, donnez la main aux petits ; mais pour les faire monter.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.33, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  8. Les mots doux ou violents nous les empruntons au vocabulaire éternel, persuadés que personne avant nous ne leur donna cette douceur ou cette force.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.33, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  9. Éprouver le besoin de ressembler à quelqu'un, c'est déjà lui ressembler.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.33, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  10. Le désordre matériel remplit tout ; et ce tout c'est le vide.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.33, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  11. L'angoissé timide constelle les parois de son coeur de points d'interrogation. Et nul ne le voit, nul ne lui répond.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.33, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  12. Tout l'encens que Paris reçoit, l'enveloppe au point de lui cacher la province.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.33, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  13. Les artistes sont souvent les lutins de la pensée.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.33, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  14. Les gouvernements peuvent ne plus avoir de roi ; mais la société en aura toujours.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.34, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  15. Un retard forcé dans notre correspondance avec nos amis, c'est une façon impérieuse de les avoir toujours présents à notre souvenir.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.34, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  16. La femme, plus que l'homme, souffre dans un milieu social qui n'est pas le sien.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.34, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  17. En principe dédaignons ces « petites chapelles » où l'on encense toujours les mêmes dieux, puisque ces dieux ne sont souvent que de pauvres hommes.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.34, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  18. Souvent les morts aimés vous relient avec plus de force à certains vivants.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.34, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  19. L'horloge de la vie, tout en marquant les mêmes heures pour l'homme et la femme, semblait jadis être en avance chez celle-ci. Les choses ont changé... La cause ?...
    (Pensées sauvages - 2e série, p.34, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  20. Malheur au vaincu. - Oui, au vaincu de la résistance morale.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.35, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  21. La définition d'un héros pourrait être : « Un coeur grand contenu dans une cuirasse ».
    (Pensées sauvages - 2e série, p.35, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  22. Les mots dédaigneux, railleurs, peut-être méchants, que la bouche retient, sont dessinés dans un sourire. - Ah ! ce sourire !...
    (Pensées sauvages - 2e série, p.35, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  23. La terre est toujours belle ; mais en cultiver sans cesse le même coin borne singulièrement les horizons de la pensée.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.35, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  24. Ceux qui s'aiment vraiment ont, en se quittant, l'impression que le meilleur de leur causerie est resté dans l'inexprimé.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.35, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  25. Dans les recherches de l'âme, la seule lumière qui éclaire pleinement le penseur vient d'en haut.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.35, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  26. La femme privée subitement de l'amour total d'une créature, et ne pouvant plus donner son grand coeur qu'à des animaux, fait songer à ces enfants séparés brusquement de leur mère et qui, au milieu de leurs cris, pressent contre leur coeur une poupée, un mouton en carton.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.35, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  27. Le mari et la femme sont le réflexe l'un de l'autre.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.37, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  28. Le sentiment de ses lacunes morales doit éloigner un être intelligent du despotisme.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.37, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  29. Puisque Dieu est bon, puisque la mort est une loi inéluctable, pourquoi les êtres « de bonne volonté » l'enveloppent-ils de tant de crainte.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.37, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  30. Quelle troublante chose que l'angoisse, quand elle est emprisonnée par le silence et que mille obstacles s'opposent à sa délivrance.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.37, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  31. Dans la vie des familles unies, les faits importants ont toujours de l'actualité.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.37, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  32. « Un grand coeur ! » Est-ce parce qu'il ne contient souvent qu'une seule affection que nous le désignons ainsi ?
    (Pensées sauvages - 2e série, p.38, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  33. Les âmes qui ont monté marchent vers la lumière.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.38, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  34. Les coeurs de grande capacité dédaignent les demi-mesures.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.38, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  35. Dans la montée de l'être moral, c'est le coeur qui le délivre du poids des bagages.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.38, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  36. Après le rêve qui n'appartient pas au sommeil, le réveil nous montre la terre peu belle.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.38, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  37. Les hommes renonçant à se comprendre, après l'insuccès de la tour de Babel, construisirent chacun la leur et y vécurent. Tous leurs descendants ont fait comme eux. Et chacun de nous ignore donc, au fond, le langage de ses semblables.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.38, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  38. Deux phases fréquentes dans la vie d'une femme : elle aime et sourit ; puis elle est jalouse et pleure.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.39, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  39. Écoute avec une incrédulité apparente les plaintes de ceux qui souffrent dans leur orgueil. Cette feinte leur rendra la joie.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.39, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  40. C'est surtout la pensée qu'ils ne parleront plus tout à fait la même langue qui angoisse les parents dont les enfants entrent dans la vie religieuse.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.39, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  41. Il y a deux jeunesses : la vraie et celle qui est désignée ainsi par les vieux.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.39, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  42. Comme un être impotent à la démarche lourde, le corps suit l'esprit.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.39, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  43. C'est parce que l'être humain est infiniment multiple et divers qu'il y a toujours en lui un petit coin où son semblable peut l'atteindre.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.39, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  44. Pour les peuples, plus encore que pour les individus, le prix du bonheur varie avec les époques.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.40, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  45. Les cataclysmes du globe ouvrent des sources, en referment. Chez l'être moral d'autres phénomènes peuvent ouvrir son coeur ou le refermer.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.40, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  46. Ne cherche pas à être soutenu par l'orgueilleux. Il n'est lui-même appuyé que sur des bases factices.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.40, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  47. La mer qui transporte au loin les espoirs énergiques ou les grandes détresses est aussi le véhicule de la vigueur physique.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.40, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  48. Le présent dédaigne le passé, et celui-ci lui rend avec usure ses marques d'indifférence.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.40, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  49. Les païens illustres, tel Diogène, cherchaient un homme. Les grands chrétiens cherchent une âme.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.40, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  50. Les mots aussi enivrent : dans les assemblées populaires, les hommes ne voient pas qu'ils sont surtout des buveurs de mots.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.40, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  51. Phénomène des Vases communiquants : facilement l'amitié égalise les âges.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.41, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  52. Ne ferme pas ton coeur aux créatures imparfaites ; tu risquerais alors de le fermer à tous... et aussi à toi-même.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.41, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  53. « Peux-tu m'atteindre ? » - « Non. » - « Et moi, puis-je t'atteindre ? » - « Hélas ! »
    (Pensées sauvages - 2e série, p.41, D1esclée de Brouwer, 1930)
     
  54. Plus vite que les morts les absents disparaissent.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.41, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  55. L'amitié connaît le pardon... Et l'amour ?
    (Pensées sauvages - 2e série, p.41, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  56. Chaque génération veut monopoliser la beauté et la science du passé.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.41, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  57. Les Christophe Colomb d'un « monde nouveau » sont légion.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.41, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  58. La tyrannie a bien des esclaves, mais l'amour reste un affranchi.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.42, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  59. Le microbe qui enfièvre et ravage le monde moderne, s'appelle : la peur du vide.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.42, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  60. La simplicité a plus de pudeur que la vérité : Elle n'est pas nue ; mais elle supprime tout ornement.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.42, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  61. La volonté éclairée et la liberté devraient être unies indissolublement.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.42, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  62. Chaque maison avec ses vieux meubles, ses papiers jaunis, est une arche du passé.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.42, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  63. Quand notre esprit cherche à se mouvoir dans des milieux heureux, il est rare qu'il ne songe pas à des projets irréalisables.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.42, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  64. Dans les heures de calme, l'ennui peut être un bienfaiteur : Il devient le régulateur de la pensée et souvent sa lumière.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.42, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  65. Nous affectionnons les déplacements, les voyages souvent sans charme ; afin de nous bien assurer, au retour, que notre coin habituel est le meilleur.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.43, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  66. En amour la brusque indifférence de l'homme le conduit rapidement à la cruauté.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.43, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  67. Les larmes qui tombent au dedans ne s'évaporent pas.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.43, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  68. Que pourrait-on trouver dans les coeurs trop repliés ? - Souvent une pincée de cendres.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.43, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  69. C'est l'égoïsme qui souvent influence le jugement et le fait rarement impartial.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.43, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  70. Chez les êtres primitifs, la bêtise s'additionne de ruse.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.43, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  71. L'égoïsme est une sorte d'instinct de défense qui, dans un grand malheur, empêche de mourir de chagrin.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.43, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  72. Quand tes nerfs sont tendus comme des fils télégraphiques, saisis-les lentement, et, les enroulant autour de ton âme, donne leur ainsi le contact de sa douceur.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.44, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  73. Là où elle s'assied, l'usine n'embellit ni la terre ni l'homme.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.44, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  74. La vie à la campagne cimente mieux le coeur des amis qui s'y retrouvent.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.44, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  75. Comme un vent violent décuplé par la distance, les mots contenus dans les lettres au long parcours ont cette force et ce sens profond qui donne l'éloignement.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.44, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  76. Il arrive que des personnes dont on ne convoitera jamais le coeur, le tiennent comprimé, comme si elles redoutaient un larcin.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.44, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  77. Pour des services rendus, l'être bon demandera une sourdine. Mais à celui qui n'est que serviable il faut la grosse caisse ou le trombone de la publicité.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.44, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  78. Qu'est-ce qui tarit le plus en nous les sources de la vie intellectuelle et morale ? - La vie actuelle.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.45, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  79. La vie groupe les êtres ; mais si Dieu est absent, la suite des jours les sépare.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.45, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  80. Pourquoi le Verbe de ceux qui veulent nous montrer l'Absolu et sa lumière manque-t-il quelquefois de cette simplicité qui éclaire tout ?
    (Pensées sauvages - 2e série, p.45, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  81. Un peuple qui veut vivre sait mourir.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.45, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  82. Ensevelis sous les siècles, nous découvrons de temps à autre des prénoms anciens et les dépouillons de leur vétusté. Ainsi transformés nos petits enfants les reçoivent. Et nos demeures retentissent de « noms nouveaux ».
    (Pensées sauvages - 2e série, p.45, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  83. Chaque vingt-quatre heures, au réveil, l'esprit muni de ses ailes part à la conquête du jour. Mais ces ailes vont bientôt frôler un peu de glu qui les attachera aux réalités de la vie.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.46, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  84. La teinte bronzée que la femme moderne recherche pour sa peau est un symbole... Car elle s'efforce, hélas ! de bronzer aussi son âme.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.46, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  85. Les cris de douleur morale étouffée dans un éclat de rire sont les plus déchirants.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.46, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  86. Le prisme qui est dans les yeux du poète donne à toutes choses une beauté supraterrestre.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.46, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  87. Quand une pensée l'agite, notre esprit est fermé aux autres impressions : Elles passent devant lui comme, sous nos yeux, la fumée de la locomotive qui s'estompe rapidement dans le lointain.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.46, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  88. Trop chercher à briller, n'est-ce pas vouloir coiffer les autres d'un éteignoir ?
    (Pensées sauvages - 2e série, p.46, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  89. Quand pour nous le jour baisse, nous devons allumer la lampe qui va montrer le passé aux jeunes qui nous entourent.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.47, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  90. L'attente d'une joie n'est-elle pas meilleure que le souvenir ?
    (Pensées sauvages - 2e série, p.47, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  91. Lorsque l'homme mûr se rencontre avec l'enfant, il retrouve soudain des impressions de sincérité exquise qu'il ne connaissait plus.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.47, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  92. Bien que souvent assez dures, les années paraissent courtes à ceux qui s'approchent du terme.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.47, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  93. La lune de miel, c'est la période pendant laquelle deux êtres ne se connaissant pas épuisent jusqu'à la dernière syllabe le vocabulaire du « Tendre »... Puis, ils se connaissent... et le vocabulaire est transformé.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.47, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  94. Les esprits supérieurs ont bien des demeures.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.47, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  95. Ici-bas la perfection n'a pas d'élus. Elle n'a que des candidats.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.48, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  96. Comme un vêtement trop étroit, l'âge mûr rejette le snobisme et ses formules dans lesquels sa jeunesse se rengorgeait fièrement.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.48, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  97. Quand deux êtres qui s'aiment se retrouvent après une longue séparation, il ne leur vient d'abord aux lèvres que banalités.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.48, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  98. La terre riche en principes de vie qui aideront à l'éclosion d'une moisson abondante, reste longtemps solitaire et tassée. Le penseur obéit à cette loi.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.48, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  99. La conversation de quelques femmes du monde n'est qu'un gargarisme élégant.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.48, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  100. Parmi ceux qui usent de leur fortune avec largesse et ostentation, on rencontre parfois de véritables dilettanti de l'économie.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.48, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  101. On appelle « Amour » une chose qui peut être un jouet, une ornière, une étincelle divine.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.49, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  102. Seule l'économie peut permettre les libéralités.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.49, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  103. Les vertigeux déplacements modernes résultent de l'instinct qui porte le corps, coûte que coûte, à rejoindre l'Esprit.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.49, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  104. Si Dieu n'avait pas fait pour l'homme la loi du pardon, il lui eût ôté la manière la plus noble de se grandir.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.49, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  105. Le lyrisme latent doit conduire l'homme à la plus haute expression de sa nature.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.49, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  106. Sa jeunesse étant toujours un peu éloignée, l'homme la présente à l'enfant comme un période de perfection. Celui-ci ébahi et quelque peu découragé, l'écoute, se tait et cache ainsi sa foi ou son incrédulité.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.49, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  107. Dans une causerie, « épuiser son sujet » c'est épuiser aussi... la patience de son interlocuteur.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.50, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  108. Devant la porte du grand malade, se tient la mésintelligence prête à assaillir ses gardiens les plus dévoués.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.50, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  109. Lorsque les souffrances physiques et morales cheminent ensemble, l'âme a une allure de traînard.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.50, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  110. Les hautes pensées produisent en nous les mêmes résultats que l'air et le soleil dans une chambre de malade : elles chassent les miasmes délétères.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.50, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  111. Nous appliquons plus notre intelligence à connaître les choses qu'à comprendre l'être humain.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.50, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  112. La pauvreté à la fin de sa vie est l'ultime richesse du chef d'État intègre.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.50, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  113. Les constants sont les forts.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.50, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  114. Il y a de ces sourires qui entravent une discussion, comme ces haies légères et verdoyantes qui voilent un précipice.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.51, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  115. Nos maux sont peu de chose, si nous pouvons les taire à ceux qui nous accuseraient d'en être les auteurs.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.51, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  116. Dans les causeries alanguies, on entend quelquefois de ces mots vagues qui rompent le silence afin de l'embellir ; à la façon de ces lanternes vénitiennes qui rompent l'obscurité... sans pourtant l'éclairer.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.51, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  117. Le revoir rapide et inattendu, aussitôt après des adieux très durs, c'est presque le retour après une longue absence.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.51, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  118. La véritable intelligence vient du coeur.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.51, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  119. Dans certains cas, l'aveu sincère de nos défauts permet aux autres de ne pas y croire.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.51, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  120. Écoute le verbe de l'être méditatif. Entends aussi les pensées qu'il n'exprime pas.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.52, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  121. Chez les sensibles, l'inattendu rend les joies plus vives, les peines plus amères.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.52, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  122. Une femme qui ne dit plus à son fils « Mon petit » quand il est devenu vieux, n'est pas une vraie mère.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.52, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  123. Certaines découvertes modernes amènent l'homme à délaisser la matière.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.52, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  124. Les écrins fermés sont ceux qui excitent le plus la curiosité des voleurs.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.52, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  125. Actuellement l'homme n'absorbe plus la nourriture dans le calme et la sécurité. C'est la préoccupation de sa nourriture qui le ronge dans l'agitation et l'inquiétude.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.52, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  126. Les clairvoyants ont pour ennemis naturels les imbéciles.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.53, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  127. La clairvoyance, c'est une lumière vive que l'esprit promène sur des végétations souterraines et souvent malsaines.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.53, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  128. Nos chers mots français, quand ils sont devenus vieux, la Fortune les écrase de sa roue impitoyable ; et ils vont mourir au fond d'une bibliothèque dans les plis d'un bouquin délaissé.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.53, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  129. À l'inverse des professeurs, ce n'est pas aux jeunes que la vie donne ses leçons.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.53, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  130. Comme la beauté, la bonté des femmes n'est souvent qu'un maquillage.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.53, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  131. Seule, la vraie beauté ne perd pas de son charme en adoptant l'attitude marmoréenne.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.53, Desclée de Brouwer, 1930)
     

Louise Ackermann

  1. Pour écrire en prose il faut absolument avoir quelque chose à dire. Pour écrire en vers ce n'est pas indispensable.
    (Pensées d'une solitaire, p.26, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  2. Entre époux il y a une autre communauté que celle de la table et du lit, c'est celle de la pensée. Eh bien, le plus souvent, ces deux êtres matériellement accolés habitent, quant à l'esprit, des mondes différents et parfois même hostiles !
    (Pensées d'une solitaire, p.26, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  3. La doctrine de la prédestination est vraie dans son principe. Il y a certainement des êtres voués au bien ou au mal dès avant leur naissance. Le dogme du péché originel n'est pas moins évident au point de vue de la loi de l'hérédité. La Foi a saisi ces vérités ; son seul tort a été de tirer des conséquences arbitraires et injustes.
    (Pensées d'une solitaire, p.26, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  4. Les croûtes en peinture peuvent encore servir à quelque chose ; au besoin on en ferait de jolies enseignes. Mais quel parti tirer des croûtes en poésie ?
    (Pensées d'une solitaire, p.27, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  5. Si je j'élève parfois à une certaine hauteur, ce n'est point par l'effet de ma propre force. C'est la poésie qui m'a soulevée ; elle me porte où je n'atteindrais pas.
    (Pensées d'une solitaire, p.27, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  6. Si Dieu existe, je ne voudrais point être à sa place. Ne pas pouvoir cesser d'être, quel supplice !
    (Pensées d'une solitaire, p.28, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  7. En fait de prêtres, les meilleurs sont peut-être encore les plus dangereux. Leur vertu donne une certaine autorité aux fables qu'ils sont chargés de débiter.
    (Pensées d'une solitaire, p.28, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  8. George Sand me fait l'effet d'un enfant terrible ; ce qu'elle ne brise pas, elle le met sens dessus dessous.
    (Pensées d'une solitaire, p.28, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  9. Je ne me figure pas qu'un astronome puisse jamais être un croyant. La vue, pour ainsi dire immédiate, de l'infini dissipe, comme de légers nuages, les fables dont l'homme s'est plu à envelopper sa destinée. Il cesse de se croire un être assez important pour arrêter sur lui la pensée divine. Ce n'est pas cette humilité chrétienne si orgueilleuse, au fond, puisqu'elle s'imagine qu'il n'a pas fallu moins qu'un Dieu pour sauver l'humanité ; c'est le sentiment de son propre néant qui saisit l'homme en face de ces espaces sans bornes. Il comprend que sa destinée, perdue dans une pareille immensité, est tout à fait insignifiante, et qu'il n'est lui-même qu'un simple atome emporté dans le mouvement universel.
    (Pensées d'une solitaire, p.29, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  10. La musique me remue jusqu'en mes dernières profondeurs. Les regrets, les douleurs, les tristesses, qui s'y étaient déposés en couches tranquilles par le simple effet de la raison et du temps, s'agitent et remontent à la surface. Cette vase précieuse une fois remuée, je vois reparaître au jour tous les débris de mon coeur.
    (Pensées d'une solitaire, p.30, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  11. Je ne saurais remonter jusqu'au point de départ de mes facultés ni de mes instincts ; je ne puis déterminer ce qui revient à chacun de mes ancêtres dans la formation de mon individualité ; j'ignore dans quel sol intellectuel et moral plongent les racines de mon être :

    Et dans ce jeu fatal, c'est la part qui m'échappe
    Que j'appelle ma liberté.

    (Pensées d'une solitaire, p.30, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  12. Ce n'est pas moi qui te maudirai, ô rêveur galiléen, victime qui as souffert sans rien racheter ! L'humanité te doit seulement quelques espérances. Elle est si malheureuse que la moindre promesse agit sur elle : elle prend de toute main, ou plutôt de toute lèvre.
    (Pensées d'une solitaire, p.31, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  13. Le vers doit être à la fois transparent et fluide ; il faut qu'il laisse passer la lumière et qu'il coule.
    (Pensées d'une solitaire, p.31, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  14. Il semble vraiment qu'une volonté méchante préside aux événements humains. À voir comme elle s'entend parfois à tourner tout au pire, on la prendrait pour une providence à rebours. Le hasard seul n'aurait ni cette perspicacité ni cette persistance dans le choix des combinaisons mauvaises.
    (Pensées d'une solitaire, p.31, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  15. Changer de lieu, c'est changer en même temps les perspectives de notre âme. Certains souvenirs tristes qui étaient au premier plan reculent dans le lointain de la mémoire, et, lorsque plus tard ils reprennent leur place accoutumée, c'est avec des contours moins arrêtés et des teintes adoucies.
    (Pensées d'une solitaire, p.32, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  16. J'écoute avec plaisir marcher mon horloge dans le silence de la nuit. Le bruit régulier de son balancier me fait l'effet des battements d'un coeur. Il me semble que j'entends respirer le temps.
    (Pensées d'une solitaire, p.32, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  17. L'élément des religions, c'est l'ignorance. La foi disparaît devant la science. Une humanité qui nous serait supérieure n'aurait plus besoin de croire ; elle saurait.
    (Pensées d'une solitaire, p.33, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  18. Quand on pense qu'il suffit d'avoir de la vanité, de l'encre et du papier pour faire des vers, on ne peut en vouloir au public bien avisé qui oppose une digue d'indifférence à la crue montante des rimes du jour. Ce qu'il y aurait néanmoins de rassurant pour un vrai poète, si un vrai poète surgissait encore, c'est qu'il est difficile qu'un beau vers se perde. La postérité se charge presque toujours de le recueillir.
    (Pensées d'une solitaire, p.33, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  19. Il m'est impossible de tenir aux dévots le moindre compte de leurs vertus. La récompense à laquelle ils aspirent est si haute, qu'il y a lieu de s'étonner qu'ils n'en fassent pas davantage pour l'obtenir. Je n'ai pas non plus la moindre compassion pour leurs malheurs. Que sont ces tribulations d'un jour au regard de la félicité qu'ils attendent et vers laquelle ces mêmes afflictions doivent les acheminer ? Ces gens-là vivent dans un monde si peu humain, qu'il est permis de prendre à leur égard des sentiments qui ne le soient point.
    (Pensées d'une solitaire, p.34, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  20. Je me compare à ces insectes qui, réfugiés à l'extrémité d'une branche, dans une feuille, s'y tissent une enveloppe fine où s'ensevelir. La solitude est ma feuille ; j'y file mon petit cocon poétique.
    (Pensées d'une solitaire, p.35, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  21. J'ai toujours eu une admiration profonde pour ces âmes courageuses qui, en pleine possession d'elles-mêmes et par pur dégoût des misères terrestres, ont trouvé en elles la force de se débarraser de l'existence. La Nature a bien su ce qu'elle faisait en nous dotant d'une irrémédiable lâcheté en face de la mort ; mais combien il est beau de la vaincre et de lui crier : « : O marâtre ! je te rends ton fardeau. Si tu as cru me lier par le don fortuit et funeste de la vie, tu t'es trompée. Regarde ! voilà le cas que j'en fais. »
    (Pensées d'une solitaire, p.35, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  22. Mon premier soin, lorsque je me lève, est d'aller voir comment mes arbres ont passé la nuit, mes arbres fruitiers surtout. Quelle vivante image de la bonté que ces êtres muets qui tendent vers nous leurs bras chargés de présents !
    (Pensées d'une solitaire, p.36, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  23. À chaque création, Dieu s'est applaudi de son oeuvre ; il l'a trouvée bonne. Le besoin de progrès qui se manifeste dans la Nature et donne de l'impulsion à l'univers est en contradiction flagrante avec la satisfaction qu'a éprouvée le créateur.
    (Pensées d'une solitaire, p.36, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  24. L'inspiration ne fait qu'accentuer plus fortement les sons divers que rend notre âme. Les saisir et les fixer dans une expression heureuse, c'est là toute l'oeuvre du poète.
    (Pensées d'une solitaire, p.37, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  25. Je ne dirai pas à l'humanité : progresse ; je lui dirai : meurs ; car aucun progrès ne l'arrachera jamais aux misères de la condition terrestre.
    (Pensées d'une solitaire, p.37, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  26. C'est un métier que d'affirmer : il y a même des gens payés pour cela.
    (Pensées d'une solitaire, p.37, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  27. La passion explique bien des choses, mais ne justifie rien.
    (Pensées d'une solitaire, p.38, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  28. En fait de poésie, je ne suis qu'un simple amateur, mais j'ai beaucoup vécu avec les grands maîtres. Je fais plus que les goûter, je les aime passionnément, aussi bien Lucrèce que La Fontaine. Je sais donc un gré infini aux esprits délicats qui ont découvert dans le peu que j'ai écrit les traces de ce commerce et de cet amour.
    (Pensées d'une solitaire, p.38, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  29. Tout se liquide en perte dans la vie : mourir, c'est déposer son bilan. La mort n'est en réalité qu'une banqueroute définitive.
    (Pensées d'une solitaire, p.38, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  30. Si j'avais été la colombe, je ne serais pas rentrée dans l'arche.
    (Pensées d'une solitaire, p.39, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  31. Qui n'a reçu de la nature qu'un filet de pensée, s'il s'entend à le ménager peut encore en tirer de jolis effets. Souvent l'art plaît plus que la puissance et l'ampleur.
    (Pensées d'une solitaire, p.39, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  32. Chez toute femme, je ne dirai pas galante, mais simplement coquette, le sens moral est, sinon tout à fait éteint, du moins fortement altéré. Il y a déjà en elle comme une ébauche de courtisane.
    (Pensées d'une solitaire, p.39, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  33. À mesure que j'avance en âge, je perds le goût de l'érudition. Mon esprit, probablement parce qu'il devient plus paresseux ou plus délicat, n'aime que les bons morceaux et de digestion facile ; il craint les os et les arêtes.
    (Janvier 1851)

    (Pensées d'une solitaire, p.40, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  34. La poésie est pour ainsi dire le dessert de l'esprit. Il ne faut donc en prendre qu'en petite quantité, comme de toutes les friandises.
    (Pensées d'une solitaire, p.40, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  35. Quand j'ouvre un livre allemand, il me semble que j'éteins ma lumière, et lorsqu'il m'arrive en le quittant de prendre un livre français sur le même sujet, on dirait que je la rallume.
    (Pensées d'une solitaire, p.40, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  36. Ce que l'homme aurait de mieux à faire, ce serait de prendre au pied de la lettre cette métaphore usée : « La vie est un rêve. » Donner de l'importance à ce rêve, c'est vouloir qu'il dégénère en cauchemar.
    (Pensées d'une solitaire, p.41, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  37. Le plus ou moins de charme que nous trouvons aux poésies subjectives dépend de la disposition dans laquelle nous sommes nous-mêmes. Aussi plaisent-elles particulièrement aux femmes et aux jeunes gens, car c'est surtout leur état d'âme qu'elles se chargent d'exprimer.
    (Pensées d'une solitaire, p.41, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  38. Il y a eu un temps où il fallait une certaine force d'esprit pour ne pas croire à Jupiter. Il en viendra un où l'on ne comprendra pas qu'on ait pu croire en Dieu.
    (Pensées d'une solitaire, p.42, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  39. Musset pèche par la composition. Ses poésies sont décousues ; on les dirait faites de pièces et de morceaux. Mais quels morceaux ! C'est du cristal, de l'or, du diamant, ou plutôt c'est un métal à lui et sorti de ses entrailles, fluide, transparent, brûlant :

    C'est de la lave humaine,
    Ardente et que le temps ne saurait refroidir.

    (Pensées d'une solitaire, p.42, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  40. L'âge mûr semble être mon âge naturel. Ce calme encore accompagné de force, ces opinions rassises, ces vues claires en littérature et en philosophie, voilà ce que je goûte et dont je jouis avec délices. J'aurais dû naître à quarante ans.
    (Pensées d'une solitaire, p.43, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  41. Le poète est bien plus un évocateur de sentiments et d'images qu'un arrangeur de rimes et de mots.
    (Pensées d'une solitaire, p.43, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  42. Nos écrits sont comme les galets de la mer ; ce n'est qu'à force d'être roulés dans notre esprit qu'ils acquièrent du poli et de la rondeur.
    (Pensées d'une solitaire, p.43, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  43. Les occupations agricoles ont une vertu particulière : elles calment, elles émoussent. Elles sont surtout bonnes après de grandes douleurs ou de grands mécomptes. Il semble que la terre communique dès lors à l'homme un avant-goût de ce repos définitif qu'elle lui donnera quelque jour.
    (Pensées d'une solitaire, p.44, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  44. Chez les romantiques, l'expression embrasse plus de pensées qu'elle n'en peut étreindre. De là son caractère vague et incomplet.
    (Pensées d'une solitaire, p.44, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  45. J'ai logé chez moi bien des sentiments, et, quoiqu'il y ait longtemps que je ne les héberge plus, je me souviendrai toujours qu'ils ont été mes hôtes et que nous nous sommes bien quittés.
    (Pensées d'une solitaire, p.45, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  46. Perdu dans l'immensité de l'univers, l'homme semble disparaître, et pourtant c'est lui qui est le dépositaire unique des images, le miroir où viennent aboutir tous les rayons des choses. Le monde n'existe que quand il s'est reflété dans ses yeux, dans sa pensée. Ce n'est qu'en passant par ses sens et son intelligence que la nature se revêt de formes. C'est lui qui a créé la beauté ; il reste même en extase devant son oeuvre.
    (Pensées d'une solitaire, p.45, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  47. Notre esprit est plein d'embryons de pensées dont quelques-unes auraient chance de vivre si nous les mettions au monde. La seule manière d'arriver à une heureuse délivrance, ce serait de les écrire. Dégagées de leurs enveloppements, elles se laisseraient voir et juger.
    (Pensées d'une solitaire, p.46, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  48. Peut-être ce qui est n'est-il su par personne, pas même par celui qui doit avoir tout créé. Outre l'ignorance humaine, s'il y avait encore l'ignorance divine ?
    (Pensées d'une solitaire, p.46, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  49. La sévérité de ma morale n'est pas le résultat logique de mes principes, mais l'effet immédiat de ma nature ; je ne raisonne pas la vertu.
    (Pensées d'une solitaire, p.46, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  50. Lorsque les poètes lyriques parviennent à la postérité, ils ont perdu leur gros bagage en route. Ils arrivent équipés à la légère, quelques pièces en main. Cette même postérité, dont la mémoire est surchargée d'ailleurs, ne retient d'eux que les choses courtes, mais achevées et surtout senties.
    (Pensées d'une solitaire, p.47, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  51. La meilleure manière d'être revenu de bien des choses, c'est de n'y être jamais allé.
    (Pensées d'une solitaire, p.47, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  52. Quand on ouvrirait aux femmes les portes de toutes les libertés, comme quelques-unes le réclament, les honnêtes et les sages ne voudraient pas entrer.
    (Pensées d'une solitaire, p.48, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  53. Je suis vraiment tentée de croire à la Grâce. Oui, il faut une faveur toute particulière du ciel pour accepter les dogmes, les mystères et autres sottises ! Il est nécessaire que Dieu s'en mêle, car l'homme tout seul n'y parviendrait pas. On n'a donc aucun droit de nous en vouloir, à nous, libres penseurs, que la lumière d'en haut n'éclaire point. N'est-il pas naturel que, livrés à nous-mêmes, nous nous révoltions contre l'absurde ?
    (Pensées d'une solitaire, p.48, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  54. Eugénie de Guérin, comme Mme de Sévigné, avait au plus haut degré le don de l'épanchement. Ce n'est point assez de posséder la source intérieure, il faut qu'elle puisse couler.
    (Pensées d'une solitaire, p.49, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  55. J'ai autant que possible évité de parler de moi dans mes vers. Faire de la poésie subjective est une disposition maladive, un signe d'étroitesse intellectuelle. D'ailleurs, tout poète qui ne pense qu'à lui sera bientôt à bout de chants et de cris. C'est au nom de la Nature, c'est surtout au nom de l'Humanité qu'il faut élever la voix. Ces sources d'inspiration sont les seules vraiment profondes et intarissables.
    (Pensées d'une solitaire, p.49, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  56. L'art chrétien s'est proposé un idéal élevé, mais inaccessible ; l'art grec, au contraire, n'a jamais poursuivi que ce qu'il pouvait atteindre. Le premier nous donne le spectacle troublant d'une lutte vaine ; l'autre nous offre l'image de la beauté saisie et possédée dans sa plénitude heureuse et sereine.
    (Pensées d'une solitaire, p.50, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  57. Les sots ont dû de tout temps s'ennuyer. Quant aux gens d'esprit, ce n'est qu'assez récemment qu'ils ont inventé un ennui à leur usage. On ne s'ennuyait pas au grand siècle ; sous Louis XV, personne n'y songeait encore, si ce n'est Mme du Deffant. Au milieu de cette société joyeuse et frivole, elle apparaît comme l'unique ennuyée ; mais son ennui même participe de la netteté de son esprit. Ce n'est pas l'ennui de nos Obermanns et de nos Lélias, c'est un bel et bon ennui. Rien ne ressemble moins aux déclamations vaporeuses de ces personnages que les formes bien arrêtées de sa plainte.
    (Pensées d'une solitaire, p.50, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  58. Fatalité ! voilà le mot de l'univers, depuis l'atome invisible jusqu'à l'homme. Prononcer celui de Liberté, c'est n'avoir aucune idée des lois inflexibles qui enchaînent toutes les manifestations de l'être.
    (Pensées d'une solitaire, p.51, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  59. Quand on vit au milieu des bruits du monde, il faut que la voix intérieure qui s'appelle la poésie parle bien haut en nous pour que nous puissions l'entendre. Dans la solitude, nous saisissons son moindre murmure.
    (Pensées d'une solitaire, p.51, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  60. Il y a chez la femme une certaine façon d'aimer la musique qui passe facilement de l'art au virtuose.
    (Pensées d'une solitaire, p.52, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  61. La poésie d'Hugo a fait une telle consommation d'images, qu'il y aurait vraiment lieu de se demander s'il en restera encore pour les poètes à venir.
    (Pensées d'une solitaire, p.52, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  62. Le Dieu des chrétiens est un souverain inexorable ; auprès de lui il n'y a point de recours en grâce. Les condamnés à l'enfer en ont pour l'éternité.
    (Pensées d'une solitaire, p.52, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  63. Mon mari n'eût pas souffert que sa femme se décolletât, à plus forte raison lui eût-il défendu de publier des vers. Écrire, pour une femme, c'est se décolleter ; seulement il est peut-être moins indécent de montrer ses épaules que son coeur.
    (Pensées d'une solitaire, p.53, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  64. Je me figure parfois quels froids romans j'eusse écrits si je m'étais mêlée d'en faire. Mes personnages ne seraient certainement pas nés viables. Et cependant ce genre semble être les domaine naturel des plumes féminines. Les femmes font entrer dans un roman les ardeurs, contenues ou non, de leur tempérament. Hélas ! je n'aurais rien eu à mettre dans les miens.
    (Pensées d'une solitaire, p.53, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  65. Jésus n'a jamais fait preuve de tendresse filiale. Il fallait que l'humanité eût bien soif d'idéal féminin pour diviniser Marie, celle à qui son fils avait dit : « Femme, qu'y a-t-il de commun entre vous et moi ? »
    (Pensées d'une solitaire, p.54, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  66. On prétend que la Religion est l'éducatrice de l'homme. Je lui conseille d'être fière du bon élève qu'elle a fait : c'est une éducation à recommencer.
    (Pensées d'une solitaire, p.54, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  67. Dans la société, la femme n'existe qu'en vue et au profit de l'homme. Sans elle, ce dernier n'aurait ni famille ni foyer. Qu'elle se renferme donc dans les devoirs de sa destinée ; elle y trouvera les seuls bonheurs possibles pour elle, et surtout toutes les dignités.
    (Pensées d'une solitaire, p.55, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  68. On dit à la Foi : « Calme mes craintes, console mes douleurs, endors mes curiosités. Quant à la vérité, tu t'arrangeras avec elle comme tu pourras ; cela n'est point mon affaire. »
    (Pensées d'une solitaire, p.55, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  69. L'écrivain n'a pas seul le privilège des belles imaginations et des hautes pensées. Parmi cette foule qui s'achemine silencieusement à la mort, combien auraient pu étonner le monde par la profondeur de leurs vues et les merveilles de leurs conceptions ! Une occasion leur a manqué, et les voilà dévolus à l'oubli.
    (Pensées d'une solitaire, p.55, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  70. La vie est comme la journée : elle a ses heures mortes.
    (Pensées d'une solitaire, p.56, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  71. Ce soir, du haut de ma tour, je regardais la lune qui se dégageait des dernières lueurs du jour. Le crépuscule venu, elle apparut sur un fond obscur. Elle ne se leva point ; elle était toute levée au milieu du ciel. Il en est ainsi de quelques-uns de nos sentiments : ils sont montés à l'horizon de notre âme sans que nous nous en soyons aperçus, mais, à un moment donné, nous sommes tout surpris de les trouver épanouis et rayonnants dans notre ciel intérieur.
    (Pensées d'une solitaire, p.56, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  72. Les dévots s'évertuent contre la morale indépendante. Je voudrais bien savoir, si leurs yeux s'ouvraient tout à coup et s'ils voyaient parfaitement vide ce ciel où leur imagination avait rêvé un rémunérateur, je voudrais savoir, dis-je, ce qu'il adviendrait de cette morale dépendante et qui ne s'appuyait que sur la Foi.
    (Pensées d'une solitaire, p.57, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  73. Ma flamme poétique, quand par hasard elle s'allume, n'est jamais de longue durée. Après avoir flambé un moment, mon feu s'éteint. J'aurais été une bien mauvaise vestale.
    (Pensées d'une solitaire, p.57, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  74. Il y a deux sortes de bons sens dans la vie : le petit et le grand bon sens. Le premier n'est que l'entente des intérêts ; l'autre est l'intelligence des devoirs et de la destinée.
    (Pensées d'une solitaire, p.58, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  75. Je crois que l'Humanité gagnerait beaucoup à se débarrasser de l'idée de Dieu. Il serait bon qu'elle n'eût plus à compter que sur elle-même. La morale non plus n'y perdrait rien. En effet, même dans les siècles de vraie foi, il ne s'est jamais agi que de servir Dieu à outrance ou de le tromper. Fanatisme ou hypocrisie, l'homme ne peut pas sortir de là.
    (Pensées d'une solitaire, p.58, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  76. J'éprouve parfois une vraie colère en voyant qu'une grande intelligence ne met par les femmes à l'abri de toutes sortes d'erreurs et de faiblesses. Au contraire, on dirait que c'est la monnaie dont elles paient leur supériorité. Pauvres femmes de génie, c'est à vous que le coeur et surtout les sens gardent leurs plus mauvais tours !
    (Pensées d'une solitaire, p.59, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  77. Qui n'est rien ou n'a rien n'existe pas. Être et avoir sont deux verbes aussi nécessaires dans la vie que dans la grammaire. Ils sont partout les seuls auxiliaires.
    (Pensées d'une solitaire, p.59, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  78. Chez Laprade, la poésie coule ; on s'en étonne. Elle semblerait plutôt devoir être arrêtée dans sa propre glace.
    (Pensées d'une solitaire, p.60, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  79. Jésus attire à lui pour l'amour du chrétien ; il n'en reste plus pour Dieu le père. Les procédés de ce dernier envers la race humaine et aussi envers son propre fils ne sont pas, il est vrai, faits pour en inspirer.
    (Pensées d'une solitaire, p.60, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  80. Les sophistes du sentiment nous parlent des droits de la passion. En sa qualité de maladie, elle n'a qu'un droit, c'est le droit au remède.
    (Pensées d'une solitaire, p.60, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  81. Le vrai poète se reconnaît à ceci : tout lui dit. Il s'en est fallu de bien peu que rien ne m'ait dit.
    (Pensées d'une solitaire, p.61, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  82. Ce qui m'intéresse dans Pascal, c'est une âme aux prises et qui combat. Cependant je n'ose regarder jusqu'au fond de cette passion et de ces délires ; j'ai quasi peur du vertige. Tant de fanatisme me surpasse. En tous sens, cet esprit courait à l'infini. Il lui a suffi d'aimer un jour pour porter l'amour à ses plus nobles hauteurs. Comme il se débat sous le poids de son humanité ! Il espère avoir raison d'elle à force d'injures et de mépris, mais elle l'écrase. Aussi, quels cris dans son impuissance ! Nous avons entendu les poètes : Byron, Shelley, Musset, etc. Les éclats d'une douleur individuelle n'atteindront jamais à de pareils effets. Au fond, quand Pascal gémit, c'est de nous qu'il s'agit. C'est l'homme qui parle par sa bouche. Soif de bonheur, invincible besoin de rattacher au ciel la chaîne de nos misères, quoi de plus humain ? Sur cette voie il rencontre de monstrueuses absurdités et passe outre. Nulle certitude, et pourtant il faut croire : contradiction terrible où il s'est enfermé. Il s'y agite et s'y meurtrit. Son seul recours fut d'accabler la raison. Elle terrassée, voyez comme il triomphe ! Plus de justice, plus de pitié ; damnation d'un bout à l'autre de la création ! Le malheureux est emporté par la violence de sa peur et des désirs ; il a fait le saut dans l'abîme.
    (Pensées d'une solitaire, p.61, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  83. On peint Caron occupé à passer des ombres, c'est-à-dire le reste de quelque chose qui a vécu. Et nous qui vivons encore, que sommes-nous ? Des ombres aussi. Avant comme après la mort, toujours des fantômes dans une barque étroite et fuyante.
    (Pensées d'une solitaire, p.62, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  84. Il faut vraiment bien de la vertu pour n'être pas dévot. Comment ? toutes les portes de ce monde ouvertes, et celle du ciel par surcroît.
    (Pensées d'une solitaire, p.63, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  85. Les causeurs sont des prodigues. Causer, c'est jeter son esprit par la fenêtre.
    (Pensées d'une solitaire, p.63, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  86. Il y a une façon définitive de dire les choses ; elle n'appartient qu'aux grands écrivains. Après eux, il n'y a plus à y revenir.
    (Pensées d'une solitaire, p.64, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  87. Je n'admire pas Jésus sans réserve. Au milieu des admirables élans de mansuétude que nous transmet l'Évangile, il se rencontre des préceptes impitoyables. C'est ce qui explique comment Jésus peut être à la fois le Dieu des coeurs tendres et des fanatiques.
    (Pensées d'une solitaire, p.64, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  88. Tout est pour le pire dans le plus mauvais des mondes possibles. Ce n'est pas à la porte de l'enfer, mais à celle de la vie qu'il faudrait écrire : Lasciate ogni speranza.
    (Pensées d'une solitaire, p.64, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  89. Il y a le soir, quand je travaille auprès de ma fenêtre, une certaine étoile qui me regarde. Si je la comprends, elle a pitié de la peine que je me donne pour un mot, pour une rime. À quoi bon ? semble-t-elle me dire. Hélas ! j'ai eu bien souvent la même pensée. On peut quelquefois, bien qu'on ne soit pas une étoile et sans voir les choses d'aussi haut, prendre en pitié les résultats insignifiants des efforts humains.
    (Pensées d'une solitaire, p.65, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  90. Les dévots sont des poltrons, les dévots sont des lâches. Prosternés devant un Dieu inique et capricieux, ils n'ont qu'un but, qu'une pensée : le fléchir à tout prix.
    (Pensées d'une solitaire, p.65, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  91. Il n'y a plus à reculer : me voici à l'entrée d'une contrée désolée. Il faut que je m'enfonce dans des landes désertes où m'attendent toute sorte de mauvaises rencontres : les maladies, les infirmités, les affaiblissements successifs, et ce qui rend cette perspective plus triste encore, c'est que pour sortir de là il n'y a pas d'autre porte que la mort.
    (Pensées d'une solitaire, p.66, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  92. Nous savons de science certaine que dans quelques milliers d'années il ne restera plus rien de ces chefs-d'oeuvre qui sont le patrimoine précieux de l'humanité. Des révolutions, qu'elles soient sociales ou terrestres, les auront anéantis. Cette perspective ne doit cependant pas décourager l'artiste. Au milieu des réalités attristantes et des luttes cruelles de la vie, lui seul peut sourire et se féliciter, car il a trouvé contre elles un refuge. Du haut de l'Idéal il plane au-dessus des misères et des laideurs de ce monde ; bien plus, il a ressaisi, par un simple acte d'intuition personnelle, quelques lignes des formes harmonieuses et pures de la pensée universelle :

    Puis n'aura-t-il pas eu, sur la terre éphémère,
    Son instant d'immortalité ?

    (Pensées d'une solitaire, p.67, Alphonse Lemerre, 1903)
     
  93. Quand je me représente que j'ai apparu fortuitement sur un globe emporté lui-même dans l'espace, au hasard des catastrophes célestes ; quand je me vois entourée d'êtres aussi éphémères et aussi incompréhensibles que moi, lesquels s'agitent et courent après des chimères, j'éprouve l'étrange sensation du rêve. Je ne puis croire à la réalité de ce qui m'environne. Il me semble que j'ai aimé, souffert, et que je vais bientôt mourir en songe. Mon dernier mot sera : J'ai rêvé !
    (Pensées d'une solitaire, p.68, Alphonse Lemerre, 1903)
     

Saint-Évremond

  1. Ayons autant d'amour qu'il en faut pour nous animer, pas assez pour troubler notre repos. Ce coeur nous a été donné pour aimer, ce qui est un mouvement agréable, non pas pour souffrir, ce qui est un sentiment douloureux.
    (Pensées, sentiments, maximes in Oeuvres de Monsieur de Saint Evremond, p.161, 1740)
     
  2. Les voluptueuses sentent moins leur coeur que leurs appétits ; les précieuses, pour conserver la pureté de ce coeur, aiment leurs amants tendrement sans jouissance et jouissent de leur mari solidement avec aversion.
    (Pensées, sentiments, maximes in Oeuvres de Monsieur de Saint Evremond, p.162, 1740)
     
  3. Les dames galantes qui se donnent à Dieu lui donnent ordinairement une âme inutile qui cherche de l'occupation et leur dévotion se peut nommer une passion nouvelle où un coeur tendre, qui croit être repentant, ne fait que changer d'objet à son amour.
    (Pensées, sentiments, maximes in Oeuvres de Monsieur de Saint Evremond, p.162, 1740)
     
  4. Le doute a ses heures dans le couvent, la persuasion, les siennes. Il y a des temps où l'on pleure les plaisirs perdus, des temps où l'on pleure les péchés commis.
    (Pensées, sentiments, maximes in Oeuvres de Monsieur de Saint Evremond, p.163, 1740)
     
  5. La meilleure de toutes les raisons pour se résoudre à la mort c'est qu'on ne saurait l'éviter. La philosophie nous donne la force d'en dissimuler le ressentiment et ne l'ôte pas : la religion y apporte moins de confiance que de crainte.
    (Pensées, sentiments, maximes in Oeuvres de Monsieur de Saint Evremond, p.163, 1740)
     
  6. À juger sainement les choses, la sagesse consiste plus à nous faire vivre tranquillement qu'à nous faire mourir avec constance.
    (Pensées, sentiments, maximes in Oeuvres de Monsieur de Saint Evremond, p.164, 1740)
     
  7. Les belles morts fournissent de beaux discours aux vivants et peu de consolations à ceux qui meurent :

    Attendant la rigueur de ce commun destin,
    Mortel, aime la vie, et n'en crains pas la fin.

    (Pensées, sentiments, maximes in Oeuvres de Monsieur de Saint Evremond, p.164, 1740)
     

Marquise de Lambert

  1. Il n'y a que deux temps dans la vie où la vérité se montre utilement à nous : dans la jeunesse, pour nous instruire ; dans la vieillesse pour nous consoler. Dans le temps des passions la vérité nous abandonne.
    (Avis d'une mère à son fils in Oeuvres de Madame La Marquise de Lambert, p.1, 1766)
     
  2. La plupart des jeunes gens croient toutes leurs obligations remplies dès qu'ils ont les vertus militaires, et qu'il leur est permis d'être injustes, malhonnêtes et impolis. N'étendez pas le droit de l'épée, il ne vous dispense pas des autres devoirs.
    (Avis d'une mère à son fils in Oeuvres de Madame La Marquise de Lambert, p.6, 1766)
     
  3. La naissance fait moins d'honneur qu'elle n'en ordonne, et vanter sa race, c'est louer le mérite d'autrui.
    (Avis d'une mère à son fils in Oeuvres de Madame La Marquise de Lambert, p.7, 1766)
     
  4. Quand on aspire à se faire une grande réputation, on est toujours dépendant de l'opinion des autres ; il est difficile d'arriver aux honneurs par les services, si les manières et les amis ne les font valoir.
    (Avis d'une mère à son fils in Oeuvres de Madame La Marquise de Lambert, p.24, 1766)
     
  5. Un homme de qualité ne peut être aimable sans la libéralité.
    (Avis d'une mère à son fils in Oeuvres de Madame La Marquise de Lambert, p.39, 1766)
     
  6. Les vertus des femmes sont difficiles, parce que la gloire n'aide pas à les pratiquer.
    (Avis d'une mère à sa fille in Oeuvres de Madame La Marquise de Lambert, p.64, 1766)
     
  7. Nous avons bien plus à nous plaindre des fausses opinions que de la fortune ; ce ne sont pas souvent les choses qui nous blessent, c'est l'opinion que nous en avons.
    (Avis d'une mère à sa fille in Oeuvres de Madame La Marquise de Lambert, p.87, 1766)
     
  8. Ce ne sont pas toujours les fautes qui nous perdent, c'est la manière de se conduire après les avoir faites.
    (Avis d'une mère à sa fille in Oeuvres de Madame La Marquise de Lambert, p.99, 1766)
     
  9. Ce sont les qualités du coeur qui entrent dans le commerce ; l'esprit ne lie point aux autres, et vous voyez souvent des gens fort haïssables avec beaucoup d'esprit.
    (Avis d'une mère à sa fille in Oeuvres de Madame La Marquise de Lambert, p.104, 1766)
     
  10. Approuvez, mais admirez rarement ; l'admiration est le partage des sots.
    (Avis d'une mère à sa fille in Oeuvres de Madame La Marquise de Lambert, p.114, 1766)
     
  11. Je crois que le goût dépend de deux choses : d'un sentiment très délicat dans le coeur et d'une grande justesse dans l'esprit.
    (Réflexions diverses in Oeuvres de Madame La Marquise de Lambert, p.182, 1766)
     
  12. L'amour est le premier plaisir, la plus douce et la plus flatteuse de toutes les illusions.
    (Réflexions diverses in Oeuvres de Madame La Marquise de Lambert, p.193, 1766)
     
  13. Ce qui s'appelle le terme de l'amour est peu de chose. Pour un coeur tendre, il y a une ambition plus élevée à avoir : de porter nos sentiments et ceux de la personne aimée, au dernier degré de délicatesse et de les rendre tous les jours plus tendres, plus vifs et plus occupants.
    (Réflexions diverses in Oeuvres de Madame La Marquise de Lambert, p.201, 1766)
     

  
Charles-Rivière Dufresny

  1. [...] Malgré la différence des rangs, un honnête homme ressemble toujours à un honnête homme.
    (Amusements sérieux et comiques, p.20, 1705)
     
  2. [...] La plupart des femmes sont des paons dans les promenades, quelques-unes sont des pies-grièches dans leur domestique et des colombes dans le tête-à-tête.
    (Amusements sérieux et comiques, p.44, 1705)
     
  3. C'est une chose étrange, qu'on ne puisse parler des femmes avec une juste modération : on en dit toujours trop ou trop peu.
    (Amusements sérieux et comiques, p.47, 1705)
     
  4. [...] La moitié du monde prend plaisir à médire, et l'autre, à croire les médisances.
    (Amusements sérieux et comiques, p.48, 1705)
     
  5. S'il était vrai que les dames fussent plus faibles que nous, leurs chutes devraient être plus pardonnables.
    (Amusements sérieux et comiques, p.51, 1705)
     
  6. Le pays du mariage a ceci de particulier que les étrangers ont envie de l'habiter, et les habitants naturels voudraient en être exilés.
    (Amusements sérieux et comiques, p.72, 1705)
     
  7. Dans le pays de la science, on s'égare ;
    Dans les palais, on se perd ;
    Dans les promenades, on se retrouve ;
    Et on ne se cherche plus dans le mariage ;
    On avance peu à la cour ;
    On va loin avec les femmes ;
    Et on ne revient guère du royaume de la Faculté.

    (Amusements sérieux et comiques, p.84, 1705)
     
  8. Le jeu est une espèce de succession ouverte à tout le monde.
    (Amusements sérieux et comiques, p.89, 1705)
     
  9. Une fille qui hait l'amour avant de le connaître est en danger de ne le pas haïr longtemps.
    (Amusements sérieux et comiques, p.108, 1705)
     
  10. Un génie marié est un génie stérile. En effet, les productions de l'homme sont bornées ; il faut opter de laisser à la postérité ou des ouvrages d'esprit ou des enfants.
    (Amusements sérieux et comiques, p.116, 1705)
     
  11. Il faudrait au moins un siècle pour connaître un peu le monde et en revivre encore plusieurs pour savoir profiter de cette connaissance.
    (Amusements sérieux et comiques, p.162, 1705)
     

Marquis de Lassay

  1. ll faut que les choses qu'on dit soient plutôt senties que pensées ; quand cela est, on plaît quasi toujours.
    (Recueil de différentes choses, p.3, 1756)
     
  2. On craint les gens qui ont beaucoup de pénétration.
    (Recueil de différentes choses, p.14, 1756)
     
  3. Il faut éviter autant qu'on peut d'avoir rien à démêler avec les gens qui n'ont ni bien ni réputation à perdre.
    (Recueil de différentes choses, p.25, 1756)
     
  4. Le peuple est fort capable de haine et ne connaît presque pas l'amour.
    (Recueil de différentes choses, p.28, 1756)
     
  5. On est bien heureux de pouvoir encore admirer quelque chose et c'est un grand malheur d'être parvenu au point de connaissance qui nous fait voir les hommes comme ils sont : tout notre bonheur ne consiste que dans l'ivresse.
    (Recueil de différentes choses, p.32, 1756)
     
  6. Ce que toute la raison ne peut faire, le temps et la paresse en viennent à bout.
    (Recueil de différentes choses, p.35, 1756)
     
  7. Une extrême ambition ou une grande liberté peuvent seules remplir le coeur d'un honnête homme ; l'état qui se trouve entre deux n'est fait que pour les gens médiocres.
    (Recueil de différentes choses, p.38, 1756)
     
  8. Le succès décide souvent des conduites.
    (Recueil de différentes choses, p.41, 1756)
     
  9. On se soumet sans peine à la loi, mais on se révolte contre l'autorité.
    (Recueil de différentes choses, p.41, 1756)