Citations ajoutées le 31 juillet 2006

Michel Quint

  1. Sait-on jamais où commence l'irréparable... ? Quel mot, quel geste, quelle miette de vie oubliée au bord d'un jour sans date, au revers d'une nuit perdue, finit par peser plus lourd qu'un destin arrêté par les dieux... ? À quel moment insidieux notre histoire se confond avec celle des peuples, des nations, les guerres et la barbarie, et les instants d'humanité... ? Quand est-ce qu'on ne s'appartient plus... ? On reconnaît trop tard nos minuscules fatalités pour en jouir où les éviter, et le reste est vanité...
    (L'espoir d'aimer en chemin (Incipit), p.9, Éd. Joëlle Losfeld, 2006)
     
  2. La mort interrompt les mensonges de nos proches et leurs vérités reviennent, nues et crues, on le sait tous.
    (L'espoir d'aimer en chemin, p.86, Éd. Joëlle Losfeld, 2006)
     
  3. [...] l'espoir d'aimer en chemin fait que l'on se damne...
    (L'espoir d'aimer en chemin, p.117, Éd. Joëlle Losfeld, 2006)
     

Pascal Quignard

  1. -  Tu l'as beaucoup aimé ?
    -  Beaucoup plus que beaucoup. Je l'ai aimé tout court. Je l'ai aimé.

    (Vllla Amalia, p.42, Gallimard/nrf, 2006)
     
  2. Qu'est-ce qu'un homme sentimental ? Quelqu'un qui adore ne pas manger seul.
    (Vllla Amalia, p.47, Gallimard/nrf, 2006)
     
  3. Il est difficile de se séparer de ce qu'on a aimé. Il est encore plus problématique de se séparer de soi ou de l'image de soi.
    (Vllla Amalia, p.73, Gallimard/nrf, 2006)
     
  4. Tant qu'il couve, le sentiment de la colère emplit le torse d'énergie, exalte le cerveau, soutient les projets que l'âme a conçus. Soutient le regard. Étaie les heures. Excite le temps.
    (Vllla Amalia, p.76, Gallimard/nrf, 2006)
     
  5. Le foyer (le lieu où nos défauts sont pardonnés, où nos faiblesses sont accueillies) [...]
    (Vllla Amalia, p.89, Gallimard/nrf, 2006)
     
  6. Il y a dans l'amour quelque chose qui fascine. Quelque chose de beaucoup plus ancien que ce qui peut être désigné par les mots que nous avons appris longtemps après que nous sommes nés.
    (Vllla Amalia, p.136, Gallimard/nrf, 2006)
     
  7. C'était une tristesse trop grande, vertigineuse, qui ne cessait pas, qui même s'accroissait.
    Tristesse trop grande pour les petits. Les petits connaissent les terreurs qui sont les premières, les terreurs princeps, celles qui sont sans référence dans l'expérience, qui plus jamais ne se retrouvent sur leur chemin. Les pires. Les tristesses abyssales.

    (Vllla Amalia, p.169, Gallimard/nrf, 2006)
     
  8. [...] tout dans la nature, les oiseaux, les marées, les fleurs, les nuages, le vent, les heures des étoiles, dit au temps son temps [...]
    (Vllla Amalia, p.178, Gallimard/nrf, 2006)
     
  9. Confier à l'autre son sommeil est peut-être la seule impudeur.
    Laisser se regarder en train de dormir, d'avoir faim, de rêver, de se tendre, de s'évaser, est une étrange offrande.
    Une incompréhensible offrande.

    (Vllla Amalia, p.186, Gallimard/nrf, 2006)
     
  10. Quand l'événement se réduit à son épreuve, aucune consolation ne console.
    (Vllla Amalia, p.232, Gallimard/nrf, 2006)
     
  11. On dit que la toile selon son étendue, sa forme, sa solidité, ses leurres, sa beauté, au tout dernier moment tisse l'araignée qui lui est nécessaire.
    Les oeuvres inventent l'auteur qu'il leur faut et construisent la biographie qui convient.

    (Vllla Amalia, p.274, Gallimard/nrf, 2006)
     
  12. La musique se compose en moi sans instrument, presque debout, la tête toute droite, dans la bouche tendue, dans tout l'espace du haut du corps. Comme l'orgasme, la musique vient juste au-dessus de la tête. Tout ce qui est composé devant un instrument, ou à l'aide d'un instrument, ou en direction d'un instrument, obéit à ce que cela peut donner sur l'instrument, va vers lui et ce n'est plus de la musique. Le corps est délaissé. Ce n'est qu'une performance de l'instrument. Tout instrument égare. Même la voix elle-même, pensée comme telle, conçue en aria chantée, tirant vers elle-même, égare.
    (Vllla Amalia, p.276, Gallimard/nrf, 2006)
     
  13. Il y a un plaisir non pas d'être seule mais d'être capable de l'être.
    (Vllla Amalia, p.295, Gallimard/nrf, 2006)
     

Walter Benjamin

  1. Toute passion, certes, confine au chaos, la passion du collectionneur, en ce qui la regarde, confine au chaos des souvenirs.
    (Je déballe ma bibliothèque, trad. Philippe Ivernel , p.42, Rivages poche, n°320)
     
  2. C'est le plus profond enchantement du collectionneur que d'enclore l'exemplaire dans un cercle envoûté où, parcouru de l'ultime frisson, celui d'avoir été acquis, il se pétrifie. Tout ce qui relève là de la mémoire, de la pensée, de la conscience, devient socle, cadre, reposoir, fermoir de sa possession. L'époque, le paysage, l'artisanat, le propriétaire dont provient ledit exemplaire, tout cela se rassemble aux yeux du vrai collectionneur en chacune de ses possessions, pour composer une encyclopédie magique dont la quintessence n'est autre que le destin de son projet.
    (Je déballe ma bibliothèque, trad. Philippe Ivernel , p.43, Rivages poche, n°320)
     
  3. [...] le destin clé de tout exemplaire, c'est la rencontre avec lui-même, avec sa propre collection.
    (Je déballe ma bibliothèque, trad. Philippe Ivernel , p.44, Rivages poche, n°320)
     
  4. Renouveler le monde - c'est là l'instinct le plus profond dans le désir qu'éprouve le collectionneur d'acquérir de nouveaux objets, et voilà pourquoi le collectionneur de livres anciens se trouve plus près de la source de tout acte de collection que l'amateur de nouvelles éditions pour bibliophiles.
    (Je déballe ma bibliothèque, trad. Philippe Ivernel , p.44, Rivages poche, n°320)
     
  5. Parmi toutes les façons de se procurer des livres, la plus glorieuse, considère-t-on, est de les écrire soi-même. [...] Les écrivains sont effectivement des gens qui écrivent des livres non par pauvreté, mais par insatisfaction envers ceux qu'ils pourraient acheter mais qui ne leur plaisent point.
    (Je déballe ma bibliothèque, trad. Philippe Ivernel , p.44, Rivages poche, n°320)
     
  6. Les collectionneurs sont des individus pourvus d'instinct tactique ; d'après leur expérience, lorsqu'ils conquièrent une ville étrangère, le magasin de livres anciens le plus minuscule peut signifier un fort, la papeterie la plus éloignée une position clé. Combien de villes ne se sont-elles pas ouvertes devant moi au cours des marches avec lesquelles je partais à la conquête de livres.
    (Je déballe ma bibliothèque, trad. Philippe Ivernel , p.47, Rivages poche, n°320)
     
  7. Pour le collectionneur de livres, en effet, la vraie liberté de tous les livres se trouve quelque part sur ses propres rayons.
    (Je déballe ma bibliothèque, trad. Philippe Ivernel, p.49, Rivages poche, n°320)
     
  8. Une collection a pour plus beau titre de noblesse de pouvoir se léguer.
    (Je déballe ma bibliothèque, trad. Philippe Ivernel , p.54, Rivages poche, n°320)
     
  9. C'est seulement à l'heure où il s'éteint que le collectionneur est compris.
    (Je déballe ma bibliothèque, trad. Philippe Ivernel , p.54, Rivages poche, n°320)
     
  10. Souvent, il y a un embarras, discret, à l'origine de la réussite.
    (Je déballe ma bibliothèque, trad. Philippe Ivernel , p.65, Rivages poche, n°320)
     
  11. [...] la fascination des mots croisés, ce « golf avec des vocables » [...]
    (Je déballe ma bibliothèque, trad. Philippe Ivernel , p.87, Rivages poche, n°320)
     
  12. [...] nous partons du monde de nos repères, auquel les mots croisés correspondent si bien, architectures normées, schémas de la statistique, langage univoque de nos réclames lumineuses et de nos signaux de circulation.
    (Je déballe ma bibliothèque, trad. Philippe Ivernel , p.88, Rivages poche, n°320)
     
  13. [...] il ne saurait se former le sens de l'art en qui ne possède pas au moins une belle chose à lui.
    (Je déballe ma bibliothèque, trad. Philippe Ivernel , p.137, Rivages poche, n°320)
     

Jennifer Allen

  1. L'état d'une collection révèle le bien-être de son propriétaire [...]
    (Préface à «Je déballe ma bibliothèque» de W. Benjamin, trad. Philippe Ivernel , p.9, Rivages poche, n°320)
     
  2. À la différence du consommateur, qui achète afin de satisfaire aux besoins immédiats et futurs, que ceux-ci soient réels ou bien provoqués par le sortilège de la publicité et des étalages magiques, le collectionneur achète afin d'avoir un rapport absolument unique - et à tout moment renouvelable -  au passé.
    (Préface à «Je déballe ma bibliothèque» de W. Benjamin, trad. Philippe Ivernel , p.23, Rivages poche, n°320)
     
  3. Collectionner, c'est pratiquer un métier qui n'aboutit pas à l'échange et qui peut s'exercer dans l'instant, c'est-à-dire sans la possession de moyens de production. À la recherche de vieux objets usagés, le collectionneur sauve de l'oubli un travail passé, tout en revendiquant son propre droit de créer.
    (Préface à «Je déballe ma bibliothèque» de W. Benjamin, trad. Philippe Ivernel , p.24, Rivages poche, n°320)
     
  4. Éduquer la sensibilité du public - au lieu de l'instruire -, c'est une tâche douce qui nécessite encore la présence du collectionneur.
    (Préface à «Je déballe ma bibliothèque» de W. Benjamin, trad. Philippe Ivernel , p.25, Rivages poche, n°320)