Citations ajoutées le 04 décembre 2005

Henri Cueco

  1. - Tu dessines des épluchures de crayon, des coquilles de noix, des bouts d'allumette, des cendres [...] et même les saloperies qui sont tombées de la charpente cette nuit. [...] C'est en pagaille.
    - Sur mon dessin, ce n'est pas en pagaille. Le désordre, c'est quand une chose n'est pas à sa place. Ici, une chose est à la place qu'elle occupe.

    (Dialogue avec mon jardinier, p.10, Seuil/Points P1234)
     
  2. Les nuages, c'est comme les vagues mais c'est plus varié [...].
    (Dialogue avec mon jardinier, p.46, Seuil/Points P1234)
     
  3. Moi, j'aime voir le soleil se lever, les brumes partir. Je regarderais jusqu'à la fin des temps, c'est mieux que du cinéma. C'est en vrai. Il faut savoir regarder. [...] Je regarde le temps qui bouge.
    (Dialogue avec mon jardinier, p.49, Seuil/Points P1234)
     
  4. Si on pense qu'on pense, on s'endort. Si on rêve qu'on rêve, on se réveille.
    (Dialogue avec mon jardinier, p.83, Seuil/Points P1234)
     
  5. Certains font leur jardin avec des mots. Ils les plantent et récoltent des idées. Ou l'inverse. Parfois, ils récoltent des idées nouvelles avec des mots ordinaires...
    (Dialogue avec mon jardinier, p.83, Seuil/Points P1234)
     
  6. - [...] Ça veut dire quoi « philosophe » ?
    [...]
    - Des hommes qui ont appris à parler des choses qui nous préoccupent... des questions importantes de la vie et de la mort.
    - Comme les curés, en somme.
    - Les curés ne cherchent pas la vérité : ils croient la connaître déjà. C'est même le contraire des philosophes. Eux, ils savent les réponses. Les philosophes ne savent pas, ils cherchent. Ils se posent les questions. Même que le plus difficile est de savoir quelles questions il faut poser et comment les poser.

    (Dialogue avec mon jardinier, p.136, Seuil/Points P1234)
     
  7. - [...] Tu crois aux cartes, aux tireuses de cartes, aux boules de cristal ?
    - À rien. L'avenir, personne ne le prédit. Déjà qu'on comprend rien au présent...
    - Et qu'on est à peine capable de « prédire » le passé. Ceux qui font l'histoire, ils sont jamais d'accord, et pourtant ça a eu lieu.

    (Dialogue avec mon jardinier, p.137, Seuil/Points P1234)
     
  8. Quand les gens mouraient, on n'appelait pas toujours le médecin. Comme ça, les gens mouraient en bonne santé.
    (Dialogue avec mon jardinier, p.143, Seuil/Points P1234)
     
  9. La fantaisie, c'est vivant, la symétrie, c'est la mort.
    (Dialogue avec mon jardinier, p.159, Seuil/Points P1234)
     
  10. - Les harengs, c'est bon pour les artères... Les Japonais, qui se nourrissent de harengs, ont moins de maladies de coeur.
    - Je ne suis pas japonais.
    - Il en faudrait pas beaucoup. Déjà le thé, les harengs, et tu te déchausses pour entrer dans les maisons. T'es un peu japonais.

    (Dialogue avec mon jardinier, p.162, Seuil/Points P1234)
     
  11. - Finis d'entrer.
    - Juste un petit moment.
    - Tu resteras le temps que tu veux.
    -On m'attend.
    - Celui qui t'attend se sauvera pas. Y a que les trains qui partent à l'heure.

    (Dialogue avec mon jardinier, p.207, Seuil/Points P1234)
     

Marcelle Auclair

  1. L'accord physique ? Ne suffit pas. L'accord des caractères ? Ne suffit pas. La complicité des ambitions, des rêves ? Ne suffit pas. Pour un grand amour il faut tout. À moins qu'il ne faille rien, que l'amour.
    (L'Amour, p.7, Hachette/notes et maximes, 1963)
     
  2. L'amour se mesure au besoin de la présence.
    (L'Amour, p.8, Hachette/notes et maximes, 1963)
     
  3. Dans les âmes fortes, l'amour se glisse par les points faibles.
    (L'Amour, p.9, Hachette/notes et maximes, 1963)
     
  4. « L'amour, écrit Stendhal, se forme par cristallisation. » Pour certains coeurs prompts à s'attendrir, c'est caramélisation qu'il faudrait dire.
    (L'Amour, p.9, Hachette/notes et maximes, 1963)
     
  5. On sait rarement pourquoi on aime. On croit toujours savoir pourquoi on n'aime plus.
    (L'Amour, p.10, Hachette/notes et maximes, 1963)
     
  6. Manoeuvre délicate : retirer votre main de la sienne pour manger chaud.
    (L'Amour, p.11, Hachette/notes et maximes, 1963)
     
  7. Le président H. disait : « J'ai commencé à payer les femmes de bonne heure. Ainsi, je ne me vois pas vieillir... »
    (L'Amour, p.12, Hachette/notes et maximes, 1963)
     
  8. Amour : ce qui demeure quand on a oublié toutes les raisons d'aimer.
    (L'Amour, p.12, Hachette/notes et maximes, 1963)
     
  9. Réfléchir n'a jamais empêché d'aimer, mais aimer empêche de réfléchir.
    (L'Amour, p.13, Hachette/notes et maximes, 1963)
     
  10. « Sans amour, la vie ne vaut pas la peine d'être vécue. » Or il y a tant de gens et de choses à aimer, que l'amour nous cache...
    (L'Amour, p.15, Hachette/notes et maximes, 1963)
     
  11. Celle qui reconnaît qu'un chagrin d'amour l'enlaidit est déjà à moitié guérie.
    (L'Amour, p.16, Hachette/notes et maximes, 1963)
     
  12. L'amour heureux rend heureux tout de suite.
    (L'Amour, p.16, Hachette/notes et maximes, 1963)
     
  13. L'amour qui s'exhibe s'évapore. Il est rare que « les amoureux qui s'bécottent sur les blancs publics » s'aiment longtemps.
    (L'Amour, p.20, Hachette/notes et maximes, 1963)
     
  14. L'amant, variété transhumante de l'époux...
    (L'Amour, p.21, Hachette/notes et maximes, 1963)
     
  15. L'amour gagne à se doubler d'amitié ; à imiter l'amour, l'amitié peut tout perdre.
    (L'Amour, p.23, Hachette/notes et maximes, 1963)
     
  16. À celui qu'elle aime, toute femme écrit la lettre qu'elle voudrait recevoir.
    (L'Amour, p.24, Hachette/notes et maximes, 1963)
     
  17. L'amoureuse aime à être entourée, enveloppée, relancée, serrée de près jusque dans son sommeil. C'est pourquoi elle poursuit de ses soins l'homme, qui déteste cela.
    (L'Amour, p.30, Hachette/notes et maximes, 1963)
     
  18. Vous croyez aimer cette personne compliquée ? Ce sont les complications que vous aimez.
    (L'Amour, p.31, Hachette/notes et maximes, 1963)
     
  19. Le flirt est à l'amour ce que les relations sont à l'amitié.
    (L'Amour, p.36, Hachette/notes et maximes, 1963)
     
  20. Les vrais amants, ceux pour qui l'amour reste en sa nouveauté au bout de longues années, gardent aux yeux l'un de l'autre un visage sans rides.
    (L'Amour, p.38, Hachette/notes et maximes, 1963)
     
  21. L'infidèle : « En amour, je n'aime que les commencements. »
    (L'Amour, p.39, Hachette/notes et maximes, 1963)
     
  22. L'infidèle a plus de mal à se taire qu'à mentir.
    (L'Amour, p.40, Hachette/notes et maximes, 1963)
     
  23. « Je ne te trompe pas, puisque je te dis tout. »
    (L'Amour, p.41, Hachette/notes et maximes, 1963)
     
  24. Pour pénible que soit le doute, il est moins cruel que la certitude.
    (L'Amour, p.44, Hachette/notes et maximes, 1963)
     
  25. On est toujours plus trompé qu'on ne pense, et moins trahi qu'on ne croit.
    (L'Amour, p.46, Hachette/notes et maximes, 1963)
     
  26. Elle. - Je ne sais pas mentir.
    Lui. - Tu te sous-estimes.

    (L'Amour, p.46, Hachette/notes et maximes, 1963)
     
  27. Il n'est femme qu'un homme ne puisse avoir s'il sait attendre le moment de dépit, d'ennui ou de désespoir, qui la ferait chavirer dans les bras de n'importe qui.
    (L'Amour, p.49, Hachette/notes et maximes, 1963)
     
  28. L'homme infidèle, qui surveille son visage, ne songe pas à surveiller son dos - ce dos soudain redressé, quand il sort... -, et son dos le trahit. La femme infidèle se surveille même dans le sommeil.
    (L'Amour, p.49, Hachette/notes et maximes, 1963)
     
  29. Le jour où l'on aime trop n'est pas éloigné du jour où l'on n'aimera plus : comme ces ampoules électriques qui grésillent d'un vif éclat avant de mourir.
    (L'Amour, p.54, Hachette/notes et maximes, 1963)
     
  30. Heureux ceux qui pardonnent. Plus heureux encore ceux qui n'ont pas mémoire d'avoir eu quelque chose à pardonner.
    (L'Amour, p.55, Hachette/notes et maximes, 1963)
     
  31. Si les femmes étaient aussi exigeantes dans le choix de leurs amants qu'elles le sont dans celui d'une paire de bas, elles auraient moins d'embêtements.
    (L'Amour, p.58, Hachette/notes et maximes, 1963)
     
  32. En amour, les compromis ont souvent l'apparence du bonheur.
    (L'Amour, p.59, Hachette/notes et maximes, 1963)
     
  33. Pour certaines femmes, le chagrin qu'elles causent est une preuve d'amour plus vraie que le bonheur qu'elles donnent.
    (L'Amour, p.62, Hachette/notes et maximes, 1963)
     
  34. Ceux qui rêvent leur amour, un cauchemar les réveille.
    (L'Amour, p.64, Hachette/notes et maximes, 1963)
     
  35. Que de filles se croient amoureuses, qui ne sont que curieuses !
    (L'Amour, p.69, Hachette/notes et maximes, 1963)
     
  36. Mieux vaut perdre ses illusions de bonne heure, on a ainsi plus de temps pour les retrouver.
    (L'Amour, p.72, Hachette/notes et maximes, 1963)
     
  37. Entre deux maux, des esprits mal faits choisissent toujours le pire. Entre deux hommes, des filles choisiront infailliblement celui qui gâchera leur vie.
    (L'Amour, p.75, Hachette/notes et maximes, 1963)
     
  38. L'homme s'attache par le plaisir qu'il donne encore plus que par celui qu'il prend.
    (L'Amour, p.75, Hachette/notes et maximes, 1963)
     
  39. Céder au désir est une habitude. Y résister aussi.
    (L'Amour, p.79, Hachette/notes et maximes, 1963)
     

Raoul Vaneigem

  1. L'entreprise scolaire n'a-t-elle pas obéi jusqu'à ce jour à une préoccupation dominante: améliorer les techniques de dressage afin que l'animal soit rentable?
    (Avertissement aux écoliers et lycéens, p.8, Mille et une nuits, n°69)
     
  2. Une école où la vie s'ennuie n'enseigne que la barbarie.
    (Avertissement aux écoliers et lycéens, p.9, Mille et une nuits, n°69)
     
  3. Il faut vraiment cultiver la sottise avec une faconde ministérielle pour ne pas révoquer sur-le-champ un enseignement que le passé pétrit encore avec les ignobles levures du despotisme, du travail forcé, de la discipline militaire et de cette abstraction, dont l'étymologie - abstrahere, tirer hors de - dit assez l'exil de soi, la séparation d'avec la vie.
    (Avertissement aux écoliers et lycéens, p.10, Mille et une nuits, n°69)
     
  4. L'école demeure confinée dans le contre-jour du vieux monde qui s'effondre.
    Faut-il la détruire? Question doublement absurde.
    D'abord parce qu'elle est déjà détruite. De moins en moins concernés par ce qu'ils enseignent et étudient - et surtout par la manière d'instruire et de s'instruire -, professeurs et élèves ne s'affairent-ils pas à saborder de conserve le vieux paquebot pédagogique qui fait eau de toutes parts?
    L'ennui engendre la violence, la laideur des bâtiments excite au vandalisme, les constructions modernes, cimentées par le mépris des promoteurs immobiliers, se lézardent, s'écroulent, s'embrasent, selon l'usure programmée de leurs matériaux de pacotille.
    Ensuite, parce que le réflexe d'anéantissement s'inscrit dans la logique de mort d'une société marchande dont la nécessité lucrative épuise le vivant des êtres et des choses, le dégrade, le pollue, le tue.

    (Avertissement aux écoliers et lycéens, p.13, Mille et une nuits, n°69)
     
  5. Désormais, chaque enfant, chaque adolescent, chaque adulte se trouve à la croisée d'un choix : s'épuiser dans un monde qu'épuise la logique d'une rentabilité à tout prix, ou créer sa propre vie en créant un environnement qui en assure la plénitude ou l'harmonie. Car l'existence quotidienne ne se peut confondre plus longtemps avec cette survie adaptative à laquelle l'ont réduite les hommes qui produisent la marchandise et sont produits par elle.
    Nous ne voulons pas plus d'une école où l'on apprend à survivre en désapprenant à vivre.

    (Avertissement aux écoliers et lycéens, p.15, Mille et une nuits, n°69)
     
  6. Que l'enfance se soit prise au piège d'une école qui a tué le merveilleux au lieu de l'exalter indique assez en quelle urgence l'enseignement se trouve, s'il ne veut pas sombrer plus avant dans la barbarie de l'ennui, de créer un monde dont il soit permis de s'émerveiller.
    (Avertissement aux écoliers et lycéens, p.17, Mille et une nuits, n°69)
     
  7. Il serait vain, assurément d'accorder crédit à un gouvernement, à une faction politique, ramassis de gens soucieux de soutenir avant tout l'intérêt de leur pouvoir vacillant; ni davantage à des tribuns et maîtres à penser, personnages médiatiques multipliant leur image pour conjuguer la nullité que reflète le miroir de leur existence quotidienne. Mais ce serait surtout marcher au revers de soi que de s'agenouiller en quémandeur, en assisté, en inférieur, alors que l'éducation doit avoir pour but l'autonomie, l'indépendance, la création de soi, sans laquelle il n'est pas de véritable entraide, de solidarité authentique, de collectivité sans oppression.
    (Avertissement aux écoliers et lycéens, p.17, Mille et une nuits, n°69)
     
  8. Mettre l'école sous le signe de la compétitivité, c'est inciter à la corruption, qui est la morale des affaires.
    (Avertissement aux écoliers et lycéens, p.18, Mille et une nuits, n°69)
     
  9. Je ne suppose pas d'autre projet éducatif que celui de se créer dans l'amour et la connaissance du vivant. En dehors d'une école buissonnière où la vie se trouve et se cherche sans fin - de l'art d'aimer aux mathématiques spéculatives -, il n'y a que l'ennui et le poids mort d'un passé totalitaire.
    (Avertissement aux écoliers et lycéens, p.18, Mille et une nuits, n°69)
     
  10. Quelle devrait être la préoccupation essentielle de l'enseignement? Aider l'enfant dans son approche de la vie afin de lui apprendre à savoir ce qu'il veut et à vouloir ce qu'il sait`c'est-à-dire à satisfaire ses désirs, non dans l'assouvissement animal mais selon les affinements de la conscience humaine.
    (Avertissement aux écoliers et lycéens, p.21, Mille et une nuits, n°69)
     
  11. Une école qui entrave les désirs stimule l'agressivité.
    (Avertissement aux écoliers et lycéens, p.22, Mille et une nuits, n°69)
     
  12. Et est-il si sûr que l'école ne reste pas dans la lâcheté d'un assentiment général, un lieu de dressage et de conditionnement, auquel la culture sert de prétexte et l'économie de réalité ?
    (Avertissement aux écoliers et lycéens, p.24, Mille et une nuits, n°69)
     
  13. Apprendre sans désir, c'est désapprendre à désirer.
    (Avertissement aux écoliers et lycéens, p.27, Mille et une nuits, n°69)
     
  14. Comment peut-on exciter la curiosité chez des êtres tourmentés par l'angoisse de la faute et la peur des sanctions? Certes, il existe des professeurs assez enthousiastes pour passionner leur auditoire et faire oublier un instant les détestables conditions qui dégradent leur métier. Mais combien, et pendant combien d'années?
    (Avertissement aux écoliers et lycéens, p.27, Mille et une nuits, n°69)
     
  15. Si l'enseignement est reçu avec réticence, voire avec répugnance, c'est que le savoir filtré par les programmes scolaires porte la marque d'une blessure ancienne: il a été castré de sa sensualité originelle.
    (Avertissement aux écoliers et lycéens, p.29, Mille et une nuits, n°69)
     
  16. La connaissance du monde sans la conscience des désirs de vie est une connaissance morte.
    (Avertissement aux écoliers et lycéens, p.30, Mille et une nuits, n°69)
     
  17. Chaque jour, l'élève pénètre, qu'il le veuille ou non, dans un prétoire où il comparaît devant ses juges sous l'accusation présumée d'ignorance. À lui de prouver son innocence en régurgitant à la demande les théories, règles, dates, définitions qui contribueront à sa relaxation en fin d'année.
    L'expression « mettre en examen », c'est-à-dire procéder, en matière criminelle, à l'interrogatoire d'un suspect et à l'exposition des charges, évoque bien la connotation judiciaire que revêt l'épreuve écrite et orale infligée aux étudiants.
    Nul ne songe ici à nier l'utilité de contrôler l'assimilation des connaissances, le degré de compréhension, l'habileté expérimentale. Mais faut-il pour autant travestir en juge et en coupable un maître et un élève qui ne demandent qu'à instruire et à être instruit ?

    (Avertissement aux écoliers et lycéens, p.31, Mille et une nuits, n°69)
     
  18. Juger empêche de comprendre pour corriger.
    (Avertissement aux écoliers et lycéens, p.32, Mille et une nuits, n°69)
     
  19. Chacun possède sa propre créativité. Qu'il ne tolère plus qu'on l'étouffe en traitant comme un délit passible de châtiment le risque de se tromper. Il n'y a pas de fautes, il n'y a que des erreurs, et les erreurs se corrigent.
    (Avertissement aux écoliers et lycéens, p.34, Mille et une nuits, n°69)
     
  20. Seuls ceux qui possèdent la clé des champs et la clé des songes ouvriront l'école sur une société ouverte.
    (Avertissement aux écoliers et lycéens, p.35, Mille et une nuits, n°69)
     
  21. Épingler un papillon n'est pas la meilleure façon de faire connaissance avec lui. Celui qui transforme le vivant en chose morte, sous quelque prétexte que ce soit, démontre seulement que son savoir ne lui a même pas servi à devenir humain.
    (Avertissement aux écoliers et lycéens, p.36, Mille et une nuits, n°69)
     
  22. La conscience d'une présence vivante dans le sujet et dans l'objet n'est-elle pas de nature à manifester ce qu'il y a de maître dans l'élève et d'élève dans le maître? Où manque l'intelligence de la vie, il n'y a que des rapports de brutes. Ce qui ne vient pas de ce qu'il y a en nous de plus vivant pour y retourner se dévoie vers la mort, pour la plus grande gloire des armées et des technologies de profit. C'est pourquoi la plupart des écoles sont des champs de bataille où le mépris, la haine et la violence dévastatrice dressent le constat de faillite d'un système éducatif qui contraint l'enseignant au despotisme et l'enseigné à la servilité.
    (Avertissement aux écoliers et lycéens, p.37, Mille et une nuits, n°69)
     
  23. Celui qui porte dans son coeur le cadavre de son enfance n'éduquera jamais que les âmes mortes.
    (Avertissement aux écoliers et lycéens, p.37, Mille et une nuits, n°69)
     
  24. L'apprentissage de la vie est une promenade dans l'univers du don. Une promenade mycologique en quelque sorte, où le guide enseigne à distinguer les champignons comestibles des autres, impropres à la consommation, voire mortels mais dont un traitement approprié peut tirer des vertus curatives.
    (Avertissement aux écoliers et lycéens, p.38, Mille et une nuits, n°69)
     
  25. Rien ne tue plus sûrement que de se contenter de survivre.
    (Avertissement aux écoliers et lycéens, p.40, Mille et une nuits, n°69)
     
  26. Ce qui s'enseigne par la peur rend le savoir craintif.
    (Avertissement aux écoliers et lycéens, p.42, Mille et une nuits, n°69)
     
  27. L'autorité légalement accordée à l'enseignant prête un goût si amer à la connaissance que l'ignorance arrive à se parer des lauriers de la révolte. Celui qui dispense son savoir par plaisir n'a que faire de l'imposer mais l'encasernement éducatif est tel qu'il faut instruire par devoir, non par agrément.
    (Avertissement aux écoliers et lycéens, p.42, Mille et une nuits, n°69)
     
  28. Apprendre à démêler ce qui nous rend plus vivant de ce qui nous tue est la première des lucidités, celle qui donne son sens à la connaissance.
    (Avertissement aux écoliers et lycéens, p.43, Mille et une nuits, n°69)
     
  29. [...] la vraie richesse de l'homme : la capacité de se recréer en recréant le monde.
    (Avertissement aux écoliers et lycéens, p.44, Mille et une nuits, n°69)
     
  30. Seul le plaisir d'être soi et d'être à soi prêterait au savoir cette attraction passionnelle qui justifie l'effort sans recourir à la contrainte.
    (Avertissement aux écoliers et lycéens, p.45, Mille et une nuits, n°69)
     
  31. Si vous oubliez ce que vous êtes et dans quelle vie vous voulez être, n'espérez d'autre sort que celui d'une marchandise bonne à être jetée une fois franchi le poste de péage.
    (Avertissement aux écoliers et lycéens, p.58, Mille et une nuits, n°69)
     
  32. Le développement de la consommation a permis, en touchant une plus large couche de population, d'absorber jusqu'à un certain point une quantité croissante de marchandises conçues moins pour leur usage pratique qu'à l'effet de rapporter de l'argent. La qualité d'un produit a été traitée avec d'autant plus de désinvolture que ce n'est pas elle qui déterminait le chiffre des ventes mais le mensonge publicitaire dont elle était habillée pour séduire le client.
    (Avertissement aux écoliers et lycéens, p.58, Mille et une nuits, n°69)
     
  33. Si les hommes politiques nourrissaient à l'égard de l'éducation les bonnes intentions qu'ils ne cessent de proclamer, ne mettraient-ils pas tout en oeuvre pour en garantir la qualité? Tarderaient-ils à décréter les deux mesures qui déterminent la condition sine qua non d'un apprentissage humain: augmenter le nombre des enseignants et diminuer le nombre d'élèves par classe, en sorte que chacun soit traité selon sa spécificité et non dans l'anonymat d'une foule?
    (Avertissement aux écoliers et lycéens, p.59, Mille et une nuits, n°69)
     
  34. Résignez-vous donc au parti pris de bêtise qu'implique l'état grégaire, car je ne vois pour éduquer une classe de trente élèves que la férule ou la ruse.
    (Avertissement aux écoliers et lycéens, p.60, Mille et une nuits, n°69)
     
  35. [...] l'éducateur n'aurait plus qu'à se consacrer à l'essentiel de sa tâche : assurer la qualité des informations reçues globalement, aider à la formation d'individus autonomes, donner le meilleur de son savoir et de son expérience en aidant chacun à se lire et à lire le monde.
    (Avertissement aux écoliers et lycéens, p.61, Mille et une nuits, n°69)
     
  36. Il n'y a pas d'enfants stupides, il n'y a que des éducations imbéciles. Forcer l'écolier à se hisser au sommet du panier contribue au progrès laborieux de la rage et de la ruse animales mais sûrement pas au développement d'une intelligence créatrice et humaine.
    Dites-vous que nul n'est comparable ni réductible à qui que ce soit, à quoi que ce soit. Chacun possède ses qualités propres, il lui incombe seulement de les affiner pour le seul plaisir de se sentir en accord avec ce qui vit. Que l'on cesse donc d'exclure du champ éducatif l'enfant qui s'intéresse plus aux rêves et aux hamsters qu'à l'histoire de l'Empire romain. Pour qui refuse de se laisser programmer par les logiciels de la vente promotionnelle, tous les chemins mènent vers soi et à la création.

    (Avertissement aux écoliers et lycéens, p.65, Mille et une nuits, n°69)
     
  37. C'est se condamner à ne s'atteindre jamais que de rechercher son identité dans une religion, une idéologie, une nationalité, une race, une culture, une tradition, un mythe, une image. S'identifier à ce que l'on possède en soi de plus vivant, cela seul émancipe.
    (Avertissement aux écoliers et lycéens, p.66, Mille et une nuits, n°69)
     
  38. Qui vend des béquilles a besoin d'éclopés.
    Nous sortons à peine et avec peine d'une société où, à défaut d'avoir jamais pu croire en eux, les individus ont accordé leur croyance à tous les pouvoirs qui les estropiaient en les faisant marcher. Dieu, églises, État, patrie, parti, leaders et petits pères des peuples, tout leur a été prétexte raisonnable pour n'avoir pas à vivre d'eux-mêmes. Ces enfants qu'on ne relevait jadis que pour les faire tomber, il est temps de leur apprendre à apprendre seuls. Que soit enfin rompue l'habitude d'être en demande au lieu d'être en offre, et que soit révolue la misérable société d'assistés permanents dont la passivité fait la force des corrompus.

    (Avertissement aux écoliers et lycéens, p.70, Mille et une nuits, n°69)
     
  39. On est au-dessous de toute espérance de vie tant que l'on reste en deçà de ses capacités.
    (Avertissement aux écoliers et lycéens, p.75, Mille et une nuits, n°69)