Citations ajoutées le 26 novembre 2005

Christian Bobin

  1. J'écris ce livre pour tous ces gens qui ont une vie simple et très belle, mais qui finissent par en douter parce qu'on ne leur propose que du spectaculaire.
    (Prisonnier du berceau, p.11, Mercure de France, 2005)
     
  2. Un enfant qui s'ennuie n'est pas très loin du paradis : il est au bord de comprendre qu'aucune activité, même celle, lumineuse, du jeu, ne vaut qu'on y consacre toute son âme. L'ennui flaire un gibier angélique dans le buisson du temps : il y a peut-être autre chose à faire dans cette vie que de s'y éparpiller en actions, s'y pavaner en paroles ou s'y trémousser en danses. La regarder, simplement.
    (Prisonnier du berceau, p.15, Mercure de France, 2005)
     
  3. Un fou, c'est quelqu'un qui a laissé la souffrance prendre sa place.
    (Prisonnier du berceau, p.35, Mercure de France, 2005)
     
  4. Beaucoup de très belles choses nous attendent, sans jamais s'impatienter de ne pas nous voir venir.
    (Prisonnier du berceau, p.41, Mercure de France, 2005)
     
  5. Le paradis c'est d'être là.
    (Prisonnier du berceau, p.43, Mercure de France, 2005)
     
  6. La prétention empêche de voir plus loin que soi.
    (Prisonnier du berceau, p.47, Mercure de France, 2005)
     
  7. [...] rien ne sera jamais aussi vaste qu'un visage ouvert par l'étonnement d'aimer.
    (Prisonnier du berceau, p.62, Mercure de France, 2005)
     
  8. Le plus beau dans cette vie, c'est de se fatiguer pour quelqu'un sans qu'il s'en aperçoive.
    (Prisonnier du berceau, p.66, Mercure de France, 2005)
     
  9. Lire c'est débroussailler dans son âme un chemin que les ronces et les arbres effondrés ont depuis longtemps recouvert, puis avancer jusqu'à découvrir un château en ruine dont les fougères sont les princesses et les liserons les sentinelles. Une légende est attachée à ce château jadis construit par un seigneur si bon qu'il n'a voulu laisser son nom nulle part. Lire c'est rechercher ce nom dans les livres mais aussi dans les fleurs ou sur les visages : partout où passe une douceur si grande que nulle explication ne peut en être donnée.
    (Prisonnier du berceau, p.69, Mercure de France, 2005)
     
  10. [...] le poinçon du sourire aux lèvres des mères quand les forteresses des écoles laissent échapper à midi leurs minuscules otages.
    (Prisonnier du berceau, p.74, Mercure de France, 2005)
     
  11. Mais les opinions sont des branches mortes flottant sur l'eau croupie de l'époque.
    (Prisonnier du berceau, p.76, Mercure de France, 2005)
     
  12. Ce qui nous sort du monde malgré nous est toujours une grâce. La plus belle vie est celle qui exprime ce que la vie a de beau.
    (Prisonnier du berceau, p.78, Mercure de France, 2005)
     
  13. Quand il me vit, d'abord il ne me reconnut pas. [Son père était atteint de la maladie d'Elzeimer -GGJ] Puis le crêpe de la maladie s'enflamma, ses yeux s'ouvrirent sur moi, son soulagement rajeunit ses traits et il avait un visage d'enfant crédule quand il me demanda : « Comment as-tu fait pour me retrouver? » Cette parole, je l'entends chaque fois que je rencontre vraiment quelqu'un.
    (Prisonnier du berceau, p.80, Mercure de France, 2005)
     
  14. Le silence boit la vérité de nos vies.
    (Prisonnier du berceau, p.82, Mercure de France, 2005)
     
  15. Quand on regarde vraiment quelqu'un, on est devant lui comme sa mort bienveillante, on l'aide à se défaire des enveloppes qui entourent son âme et l'oppressent. Une suie de néant se dépose sur notre visage au long de notre vie. La mort est le gant de crin avec lequel Dieu nous débarbouille. L'attention commence ce travail.
    (Prisonnier du berceau, p.87, Mercure de France, 2005)
     
  16. Chacun, même le plus perdu des hommes, a dans son âme une chaumière, avec une clochette à l'entrée. Le vent parfois la fait bouger.
    (Prisonnier du berceau, p.88, Mercure de France, 2005)
     
  17. Le temps est la toupie de Dieu. Les saisons sont peintes sur son tour. La toupie tourne de plus en plus vite, jusqu'au jour où, comme si elle avait heurté un invisible obstacle, elle sort de son axe, bascule sur le côté, s'arrête : quelqu'un vient nous sortir du tourbillon de nos soucis et de peines.
    (Prisonnier du berceau, p.03, Mercure de France, 2005)
     

Albert Brie

  1. Nous racontons volontiers nos expériences malheureuses pour épater. Notre vanité, pour se bien porter, a besoin de compassion flatteuse. L'émotion que nous éveillons alors chez les autres fait mieux que nous consoler de nos malheurs, elle nous en récompense.
    (Le mot du silencieux, p.17, Fides, 1978)
     
  2. Il y a des êtres si éloquents pour raconter leurs malheurs que, si on les applaudissait, ils donneraient des rappels.
    (Le mot du silencieux, p.17, Fides, 1978)
     
  3. Crains cet ami qui raconte du bien de toi dans ton dos, juste assez haut pour que tu entendes.
    (Le mot du silencieux, p.18, Fides, 1978)
     
  4. Le propre du sot n'est pas de dire des sottises (tout le monde le fait), mais de les redire.
    (Le mot du silencieux, p.18, Fides, 1978)
     
  5. Si vous pensez comme la majorité, ne pensez pas.
    (Le mot du silencieux, p.18, Fides, 1978)
     
  6. La preuve que nous appartenons à l'espèce motorisée nous est fournie par le langage. Nous n'exprimons plus nos idées, nous les véhiculons.
    (Le mot du silencieux, p.21, Fides, 1978)
     
  7. L'homme est devenu le jouet éducatif de l'électronique.
    (Le mot du silencieux, p.21, Fides, 1978)
     
  8. La liberté, pour l'un, de s'exprimer trouve sa compensation dans la liberté, pour l'autre, de l'interpréter.
    (Le mot du silencieux, p.25, Fides, 1978)
     
  9. Des gens mal avisés croient pouvoir atténuer un malheur qui vous frappe en vous en racontant un plus grand qui leur est arrivé. Ils ne se rendent pas compte que, loin de diminuer votre chagrin, ils le méprisent.
    (Le mot du silencieux, p.25, Fides, 1978)
     
  10. L'amour-propre est la plus ombrageuse des passions, à telle enseigne que nous en voulons plus à la personne qui nous apprend que nous avons été trompé qu'à celle-là même qui nous a floué.
    (Le mot du silencieux, p.26, Fides, 1978)
     
  11. Si je me cache, on me cherche. Si je me montre, on m'évite. Je dois donc m'arranger, partout où je me trouve pour avoir l'air absent.
    (Le mot du silencieux, p.27, Fides, 1978)
     
  12. Nous aimons bien que les gens soient francs avec nous, à condition qu'ils se trompent.
    (Le mot du silencieux, p.27, Fides, 1978)
     
  13. C'est parfois la faute du vase si la goutte le fait déborder.
    (Le mot du silencieux, p.29, Fides, 1978)
     
  14. La sagesse est lâcheté quand elle tolère l'intolérance.
    (Le mot du silencieux, p.30, Fides, 1978)
     
  15. L'ennui est l'angoisse des sots.
    (Le mot du silencieux, p.31, Fides, 1978)
     
  16. En amour, le je est un pronom possessif.
    (Le mot du silencieux, p.32, Fides, 1978)
     
  17. Curieusement nous disons blancs de mémoire pour désigner nos souvenirs obscurs.
    (Le mot du silencieux, p.33, Fides, 1978)
     
  18. Le spécialiste est dangereux non par l'étendue de ce qu'il ignore, mais par le mépris dont il honore tout ce qui lui échappe.
    (Le mot du silencieux, p.33, Fides, 1978)
     
  19. L'ignorance est perfectible. Il suffit d'étudier.
    (Le mot du silencieux, p.33, Fides, 1978)
     
  20. Quand on s'assoit sur des certitudes, c'est que sa tête n'est pas solide.
    (Le mot du silencieux, p.34, Fides, 1978)
     
  21. La confession n'a donc rien appris aux prêtres qui se sont mariés?
    (Le mot du silencieux, p., Fides, 1978)
     
  22. Excellente cette réponse d'un centenaire à qui un reporter avait demandé le secret de sa longévité : « Une longue habitude de toujours remettre au lendemain. »
    (Le mot du silencieux, p.36, Fides, 1978)
     
  23. Le siècle de la vitesse n'a été sérieusement combattu jusqu'ici que par la prolifération des salles d'attente.
    (Le mot du silencieux, p.37, Fides, 1978)
     
  24. Le bonheur, cette provocation.
    (Le mot du silencieux, p.37, Fides, 1978)
     
  25. Comme on aimerait parfois se venger du bien que certaines gens croient nous avoir fait.
    (Le mot du silencieux, p.38, Fides, 1978)
     
  26. À quoi peut bien rimer ce fameux respect de l'opinion de l'autre. À peu près tous ceux qui jugent bon préluder par un « je respecte votre opinion » s'emploient tranquillement à la démolir.
    (Le mot du silencieux, p.43, Fides, 1978)
     
  27. J'ai des certitudes branlantes et des doutes robustes.
    (Le mot du silencieux, p.43, Fides, 1978)
     
  28. Les grandes idées ne manquent pas. Ce sont les cervelles en mesure de leur offrir un asile convenable qui font défaut.
    (Le mot du silencieux, p.45, Fides, 1978)
     
  29. Nous pouvons arriver à changer d'opinion, dès que nous nous apercevons qu'elle est partagée par un individu que nous n'aimons pas. Mais si nous tenons fort à cette opinion, nous ferons tout pour l'arracher à cet indésirable.
    (Le mot du silencieux, p.46, Fides, 1978)
     
  30. D'aucuns voient de la profondeur là où il n'y a que du superficiel sur une grande épaisseur.
    (Le mot du silencieux, p.48, Fides, 1978)
     
  31. Une idée que vous avez et qui vous échauffe, écrivez-la. Le papier est un refroidisseur.
    (Le mot du silencieux, p.48, Fides, 1978)
     
  32. Quand nous avons une opinion sur quelque sujet, nous acceptons sans trop de discernement ce qui la fortifie, jamais ce qui risque de l'affaiblir. Pour nous, la vérité ne mérite pas le dérangement.
    (Le mot du silencieux, p.49, Fides, 1978)
     
  33. Attendu que la parole est le véhicule de la pensée, il est fréquent de voir de beaux parleurs noliser l'arche de Noé pour transporter un couple de pucerons.
    (Le mot du silencieux, p.49, Fides, 1978)
     
  34. Rien ne sert de discourir, il faut mentir à point.
    (Le mot du silencieux, p.51, Fides, 1978)
     
  35. Il y a moins de cerveaux lumineux que de crânes éblouis.
    (Le mot du silencieux, p.51, Fides, 1978)
     
  36. Il y a deux sortes de mensonges que tout le monde accepte comme allant de soi : ceux des politiciens et des épitaphes.
    (Le mot du silencieux, p.52, Fides, 1978)
     
  37. Les gens sincères seraient supportables s'ils n'avaient pas la naïve prétention de croire qu'ils disent la vérité parce qu'ils disent ce qu'ils pensent.
    (Le mot du silencieux, p.53, Fides, 1978)
     
  38. La méfiance à l'égard des autres est à proportion de l'illusion que nous nous faisons de notre importance.
    (Le mot du silencieux, p.55, Fides, 1978)
     
  39. Il ne faut pas désillusionner les gens qui vous louent avec sincérité pour un mérite que nous savez ne pas avoir. Les âmes bienveillantes n'ont pas d'autre façon de se montrer cruelles.
    (Le mot du silencieux, p.55, Fides, 1978)
     
  40. Sur un point, les spécialistes sont à contre-courant du reste des humains : ils ne cherchent pas à être compris.
    (Le mot du silencieux, p.57, Fides, 1978)
     
  41. C'est surtout quand elle nie qu'une personnalité s'affirme.
    (Le mot du silencieux, p.58, Fides, 1978)
     
  42. Considérons que tuer le temps est parfois un cas de légitime défense.
    (Le mot du silencieux, p.59, Fides, 1978)
     
  43. Du choc des idées naît fréquemment l'électrocution du jugement.
    (Le mot du silencieux, p.61, Fides, 1978)
     
  44. Il y a un signe certain qui permet de distinguer un fanatique : son imperméabilité rébarbative à l'humour.
    (Le mot du silencieux, p.64, Fides, 1978)
     
  45. Nous sommes à peu près tous convaincus que les opinions sont de deux sortes : les nôtres et les fausses.
    (Le mot du silencieux, p.64, Fides, 1978)
     
  46. On s'engage souvent par manque de courage intellectuel. Prendre un parti, c'est démissionner du sien.
    (Le mot du silencieux, p.65, Fides, 1978)
     
  47. L'un de mes regrets : ces choses que j'ai apprises par coeur, alors que le coeur n'y était pas.
    (Le mot du silencieux, p.67, Fides, 1978)
     
  48. Un slogan, une devise, une maxime, c'est la précision du vague.
    (Le mot du silencieux, p.68, Fides, 1978)
     
  49. L'erreur est humaine, même pour les machines.
    (Le mot du silencieux, p.69, Fides, 1978)
     
  50. Les lèvres, le média de communication des microbes.
    (Le mot du silencieux, p.82, Fides, 1978)
     
  51. L'alcool est l'huile à moteur de nos rapports mécanisés.
    (Le mot du silencieux, p.83, Fides, 1978)
     
  52. Comme les grandes douleurs, les grandes reconnaissances sont muettes.
    (Le mot du silencieux, p.84, Fides, 1978)
     
  53. Expérience et compétence font mauvais ménage. Ce sont les routines que l'expérience a installées que la compétence bouscule.
    (Le mot du silencieux, p.93, Fides, 1978)
     
  54. Dans la fonction publique, le grand savoir-faire du fonctionnaire consiste à remettre les choses telles qu'elles étaient au moment de leur prise en mains, c'est-à-dire au point mort.
    (Le mot du silencieux, p.93, Fides, 1978)
     
  55. Beaucoup de personnes de valeur ont fréquemment la naïveté de croire que les hauts postes se méritent alors qu'ils se prennent. Plus que jamais, c'est l'application du nouvel adage : les premiers arrivistes sont les premiers servis.
    (Le mot du silencieux, p.93, Fides, 1978)
     
  56. L'homme de l'année, la femme de l'année, la célébrité de l'année, ces immortels de l'éphémère.
    (Le mot du silencieux, p.96, Fides, 1978)
     
  57. Le fonctionnarisme est la plus savante école de l'irresponsabilité.
    (Le mot du silencieux, p.99, Fides, 1978)
     
  58. Si vous choisissez de travailler dans l'ombre, vous en serez quitte pour faire le plus clair de la besogne.
    (Le mot du silencieux, p.102, Fides, 1978)
     
  59. On s'inquiète des hommes qui cherchent des situations, mais on se fait rarement du souci pour les situations qui demandent des hommes.
    (Le mot du silencieux, p.102, Fides, 1978)
     
  60. Un bourreau de travail finit ordinairement par tomber sous son couperet.
    (Le mot du silencieux, p.103, Fides, 1978)
     
  61. N'est pas conformiste qui veut. Il faut passer par l'éducation.
    (Le mot du silencieux, p.106, Fides, 1978)
     
  62. L'instruction ne combat pas toujours l'ignorance ; elle peut parfois lui donner une allure savante.
    (Le mot du silencieux, p.108, Fides, 1978)
     
  63. À la petite école d'hier que j'ai fréquentée, je n'ai rien appris, mais je le savais par coeur.
    (Le mot du silencieux, p.109, Fides, 1978)
     
  64. L'erreur fondamentale de toute éducation : prendre les enfants pour des enfants.
    (Le mot du silencieux, p.109, Fides, 1978)
     
  65. Devant la tâche d'éduquer les enfants, l'école déclare forfait. Elle se contente d'instruire, de remplir des cruches, à proportion d'au moins cinquante et un pourcent de la capacité des récipients. Ensuite, elle n'a qu'à apposer « approuvé Québec ». Bien bouché, le produit est prêt pour la mise en marché.
    (Le mot du silencieux, p.110, Fides, 1978)
     
  66. Nous décidons que nos enfants ont atteint l'âge de raison à partir du moment où ils adoptent nos préjugés.
    (Le mot du silencieux, p.111, Fides, 1978)
     
  67. Il y a évidemment plus d'idées dans deux têtes que dans une. Pour être équitable, ajoutons qu'il y a aussi plus de sottises.
    (Le mot du silencieux, p.114, Fides, 1978)
     
  68. L'expérience prouve que si vous avez longtemps travaillé dans l'ombre, vous serez peu apte à oeuvrer dans l'éclat du plein jour. De deux choses l'une : ou vous ne supporterez pas la lumière, ou la lumière ne vous tolérera pas.
    (Le mot du silencieux, p.115, Fides, 1978)
     
  69. Le progrès est sensible en éducation : après le bourrage, le bousillage de crâne.
    (Le mot du silencieux, p.119, Fides, 1978)
     
  70. Conseils à un jeune étudiant : Tu t'appliqueras à obtenir tous les diplômes qu'il faut pour te tailler une place dans le système ; après quoi, tu te mettras à la tâche de former ton esprit, si tu as encore ce courage et si ton intelligence n'a pas été trop abîmée par les écoles.
    (Le mot du silencieux, p.120, Fides, 1978)
     
  71. Le temps est un grand maître et un mauvais élève.
    (Le mot du silencieux, p., Fides, 1978)
     
  72. Un exemple flagrant de la mysoginie du vocabulaire. Un paternel désigne le père et une maternelle, l'école. La femme-objet jusque-là.
    (Le mot du silencieux, p.121, Fides, 1978)
     
  73. Il y a deux façons sûres de vous faire expulser d'une école : l'insubordination et le diplôme. L'avantage de la première manière est que vous pouvez toujours vous amender. La seconde vous classe irrémédiablement.
    (Le mot du silencieux, p.122, Fides, 1978)
     
  74. On compte beaucoup moins de gens curieux de ce qu'ils ignorent que de gens intéressés à se confirmer dans le peu qu'ils savent déjà.
    (Le mot du silencieux, p.123, Fides, 1978)
     
  75. Je considère tout travail d'éducation néfaste, qui tient compte uniquement de ce qu'il ajoute, sans souci de ce qu'il mutile.
    (Le mot du silencieux, p.123, Fides, 1978)
     
  76. Il ne manque pas d'adulte pour croire, à l'exemple de mon fils de douze ans, que l'excommunication désigne la période qui a précédé l'invention du téléphone.
    (Le mot du silencieux, p.123, Fides, 1978)
     
  77. Un lavage de cerveau le salit.
    (Le mot du silencieux, p.127, Fides, 1978)
     
  78. La société ne permet pas à une personne intelligente de se tromper ; par ailleurs, elle acceptera qu'une personne idiote ait raison.
    (Le mot du silencieux, p.130, Fides, 1978)
     
  79. Quand la télévision sera un art, il s'ensuivra une épidémie d'appareils éteints.
    (Le mot du silencieux, p.133, Fides, 1978)
     
  80. L'information a élevé le commérage à la dignité de la culture.
    (Le mot du silencieux, p.134, Fides, 1978)
     
  81. Les mass média ne nous empêchent pas de penser, ils nous en dispensent.
    (Le mot du silencieux, p.134, Fides, 1978)
     
  82. Les téléphages finissent par ressembler à leur poste : leur pensée n'a jamais plus que deux dimensions.
    (Le mot du silencieux, p., Fides, 1978)
     
  83. Faites l'expérience de fermer les yeux devant l'écran de télé. Vous verrez plus clair avec vos oreilles.
    (Le mot du silencieux, p.139, Fides, 1978)
     
  84. Le livre n'apprend pas toujours à penser ; trop souvent, il en dispense.
    (Le mot du silencieux, p.140, Fides, 1978)
     
  85. La spécialisation est le plus sûr chemin pour arriver à une savante étroitesse d'esprit.
    (Le mot du silencieux, p.144, Fides, 1978)
     
  86. La planification, c'est du hasard mis en conserve.
    (Le mot du silencieux, p.144, Fides, 1978)
     
  87. Quand j'ai envie d'un livre, je l'achète ; si je veux être sûr de le lire, je l'emprunte.
    (Le mot du silencieux, p.145, Fides, 1978)
     
  88. Entre la faute et l'aveu, notre plus court chemin, c'est le détour.
    (Le mot du silencieux, p.146, Fides, 1978)
     
  89. Le publicitaire est en quelque sorte un éducateur des temps nouveaux, un guide, un entraîneur et, à tout prendre, un maître à penser à notre place.
    (Le mot du silencieux, p.158, Fides, 1978)
     
  90. Les esprits réalistes sont les idéalistes de l'immédiat et de l'apparence.
    (Le mot du silencieux, p.160, Fides, 1978)
     
  91. Arithmétique. Le temps que je mets à gagner de l'argent plus le temps que je prends pour le dépenser égalent le temps que je n'ai plus pour en jouir.
    (Le mot du silencieux, p.165, Fides, 1978)
     
  92. Une forme répandue du bilinguisme : parler en anglais et se taire en français.
    (Le mot du silencieux, p.172, Fides, 1978)
     
  93. Comment se fait-il que l'on dise d'un bilingue qu'il est parfait alors que tel n'est jamais le cas pour un uniligue ? Il faut croire que le bilinguisme anglais-français est en soi un état de perfection.
    (Le mot du silencieux, p.172, Fides, 1978)
     
  94. Tous les hommes sont en faveur de la démocratie comme tous les vers sont en faveur des pommes.
    (Le mot du silencieux, p.177, Fides, 1978)
     
  95. Pour défendre sa langue, le parlant français doit être vigilant ; l'Anglais pour faire usage de la sienne n'a qu'à être là où il se trouve.
    (Le mot du silencieux, p.177, Fides, 1978)
     
  96. Quand un discours politique a de l'élévation, de la vigueur, de l'élégance, de la tenue, détrompons-nous ! ce n'en est pas un.
    (Le mot du silencieux, p.178, Fides, 1978)
     
  97. La vérité a très mauvais visage, à cause de cette habitude que nous avons de nous en servir pour convoyer nos jugements désagréables sur le compte des autres.
    (Le mot du silencieux, p.181, Fides, 1978)
     
  98. Tant que les hommes d'aujourd'hui, y compris les femmes, vivront pour travailler à une ou plusieurs besognes qu'ils n'ont pas choisies, en vue d'assurer leur nécessaire, l'expression « société juste » sera la plus odieuse foutaise que les cerveaux technocratiques auront inventée à l'usage du peuple anesthésié.
    (Le mot du silencieux, p.182, Fides, 1978)
     
  99. Une société bureaucratique fait du parasitisme une vertu professionnelle.
    (Le mot du silencieux, p.182, Fides, 1978)
     
  100. Tous les politiciens sont opportunistes ; les plus habiles le sont au moment opportun.
    (Le mot du silencieux, p.184, Fides, 1978)
     
  101. Il ne mentait pas ce député qui lançait à ses électeurs : « Ma porte est toujours ouverte. » Il se gardait bien d'ajouter qu'il n'était pas dans la pièce.
    (Le mot du silencieux, p.184, Fides, 1978)
     
  102. La plupart des gens qui se passionnent pour les luttes électorales ne portent ordinairement aucun intérêt à la vie politique dans son cours normal. En cela, ils suivent l'exemple de bon nombre de politiciens qui s'agitent avec fureur durant un ou deux mois que dure la campagne électorale. On les trouve abîmés dans un sommeil comateux pour les trois ou quatre ans qui précèdent le prochain match.
    (Le mot du silencieux, p.186, Fides, 1978)
     
  103. On sait ce que promettre veut dire. Les promesses électorales ressemblent aux serments d'amour. Elles sont un accompagnement obligé du jeu. Pour cette raison, si l'on pardonne l'aveuglement du politicien, l'amoureux a une excuse qui manque à celui-là, celle de n'abuser qu'une personne à la fois.
    (Le mot du silencieux, p.188, Fides, 1978)
     
  104. Mon sentiment est qu'il faut voter pour le meilleur homme, surtout si c'est une femme.
    (Le mot du silencieux, p.189, Fides, 1978)
     
  105. En politique, s'expliquer c'est mentir, mais en beaucoup plus de mots.
    (Le mot du silencieux, p.189, Fides, 1978)
     
  106. Quand un sondage se trompe, il émet encore une vérité. Celle-ci qu'une bonne partie des répondants sont des menteurs.
    (Le mot du silencieux, p.190, Fides, 1978)
     
  107. Il est bien admis que les politiciens pratiquent couramment le mensonge. Si l'un d'eux prend l'habitude de dire la vérité, le peuple peut aller jusqu'à se demander si cet original ne manque pas à son devoir professionnel.
    (Le mot du silencieux, p.192, Fides, 1978)
     
  108. Un Français parle la même langue que nous, mais avec d'autres mots.
    (Le mot du silencieux, p.193, Fides, 1978)
     
  109. On entend réclamer partout l'égalité des chances, nulle part l'égalité des risques.
    (Le mot du silencieux, p.195, Fides, 1978)
     
  110. Il n'est pas besoin de fréquenter les spécialistes longtemps pour découvrir qu'ils connaissent tout de presque rien et moins que rien de presque tout.
    (Le mot du silencieux, p.201, Fides, 1978)
     
  111. Une personne entre deux âges se trouve ordinairement bien installée dans le deuxième.
    (Le mot du silencieux, p.201, Fides, 1978)
     
  112. Une femme se consolait que son mari eût une maîtresse en déclarant : « Il ne me trompe pas, il se trompe avec une autre. »
    (Le mot du silencieux, p.205, Fides, 1978)
     
  113. Avec les transports publics, rien ne sert de partir à point, il faut attendre.
    (Le mot du silencieux, p.208, Fides, 1978)
     
  114. À l'occasion du 25e anniversaire du zoo de Granby, l'officiel a dit au ministre invité aux célébrations : « Vous êtes ici chez vous. »
    (Le mot du silencieux, p., Fides, 1978)
     
  115. Absentéisme : Doctrine parlementaire qui veut qu'un représentant du peuple n'est nulle part ailleurs plus utile à son parti qu'en dehors de la Chambre.
    (Le mot du silencieux, p., Fides, 1978)
     
  116. Assemblée : Spectable de marionnettes grandeur nature.
    (Le mot du silencieux, p., Fides, 1978)
     
  117. Bigamie : Théorie sexiste selon laquelle deux erreurs valent mieux qu'une.
    (Le mot du silencieux, p.225, Fides, 1978)
     
  118. Biliguisme : Facilité de s'exprimer en anglais et de se taire en français.
    (Le mot du silencieux, p.225, Fides, 1978)
     
  119. Bureaucrate : L'une des pièces maîtresses du char de l'État : le frein.
    (Le mot du silencieux, p.226, Fides, 1978)
     
  120. Campagne électorale : Hostilités portées sur la place publique par les partis politiques, et menées avec les armes conventionnelles du mensonge, du vol, de la haine, du préjugé, du fanatisme, de la calomnie, de la bassesse et de la canaillerie. La lutte se termine ordinairement par la victoire du parti qui a su faire le plus éclatant usage de ces vertus démocratiques.
    (Le mot du silencieux, p.227, Fides, 1978)
     
  121. Diplomate : Personnage politique fatigué de se livrer à des empoignades dans son pays et qui, pour se reposer, est chargé des embrassades à l'étranger.
    (Le mot du silencieux, p.230, Fides, 1978)
     
  122. Divorce : 1) Libération conditionnelle. 2) Autorisation légale donnée à deux aveugles ayant recouvré la vue de ne plus se voir.
    (Le mot du silencieux, p.230, Fides, 1978)
     
  123. Éducateur : Juge d'instruction dont la mission est de condamner les innocents au marché du travail.
    (Le mot du silencieux, p.230, Fides, 1978)
     
  124. Éducation : Méthode d'enseignement visant à élever le standard de qualité de l'ignorance.
    (Le mot du silencieux, p.231, Fides, 1978)
     
  125. Élection : Dans les démocraties évoluées, c'est-à-dire décadentes, expression du désenchantement politique de la collectivité, caractérisé par la tendance du peuple à l'aboulie que, par un retournement de sens, on appelle volonté.
    (Le mot du silencieux, p.231, Fides, 1978)
     
  126. Études : Gaspillage des ressources naturelles d'un jeune cerveau pour l'acquisition transitoire de matières périssables.
    (Le mot du silencieux, p.234, Fides, 1978)
     
  127. Fanatique : Croyant qui, pour assurer le triomphe de sa foi, consent à faire le sacrifice suprême de votre vie.
    (Le mot du silencieux, p.234, Fides, 1978)
     
  128. Fonctionnaire : L'État, c'est lui.
    (Le mot du silencieux, p., Fides, 1978)
     
  129. Journal : Publication quotidienne de l'actualité du monde. La moitié des événements qu'elle rapporte n'ont aucune importance; quant à l'autre moitié, ils ne se produiraient pas si le journal n'était pas là pour en parler.
    (Le mot du silencieux, p.236, Fides, 1978)
     
  130. Mariage : Prison à sécurité maximum.
    (Le mot du silencieux, p.237, Fides, 1978)
     
  131. Médecin : 1) Sage homme qui vit de la croyance superstitieuse que la santé est le plus grand de tous les biens. 2) Grand connaisseur du corps humain, à qui il arrive parfois de guérir des personnes bien portantes.
    (Le mot du silencieux, p.237, Fides, 1978)
     
  132. Menteur : [...] maintenant les appellations politicien et menteur sont synonymes.
    (Le mot du silencieux, p.237, Fides, 1978)
     
  133. Opinion publique : Avis que l'on prête à tout le monde quand personne n'a été consulté.
    (Le mot du silencieux, p.238, Fides, 1978)
     
  134. Pause-café : Dans les bureaux, les usines et les chantiers, période de relâchement au cours de laquelle le travail se fait tout seul.
    (Le mot du silencieux, p.239, Fides, 1978)
     
  135. Pessimiste : Homme confiant que ça ira mal.
    (Le mot du silencieux, p.239, Fides, 1978)
     
  136. Poste : Dans l'administration publique, place forte qui abrite les hauts fonctionnaires contre les assaults du travail.
    (Le mot du silencieux, p.239, Fides, 1978)
     
  137. Suffrage universel : Système électoral qui permet à un imbécile d'annuler votre vote et à un autre imbécile de voter pour le même imbécile que vous.
    (Le mot du silencieux, p.241, Fides, 1978)
     
  138. Vedette : Sorte de corps fluide et lumineux, appelé aussi « star » qui profite de l'extinction des masses clairvoyantes pour étinceler.
    (Le mot du silencieux, p.242, Fides, 1978)
     

Christian Gailly

  1. (En parlant ce Coltrane, le jazzman) [...] sa façon de rajeunir les choses avant de les tuer.
    (Un soir au club, p.30, Éd. de Minuit, n°29)
     
  2. Les hommes qui disent la vérité sont les plus dangereux.
    (Un soir au club, p.61, Éd. de Minuit, n°29)
     
  3. Il était soûl. Donc lucide. Soûl on voit très clair en soi.
    (Un soir au club, p.79, Éd. de Minuit, n°29)
     
  4. Or dans le jazz il n'y a pas de beauté. Du swing, certes, de l'émotion, de la joie et de la danse dans le corps, voire de la rage, tristesse ou gaîté mais pas de beauté, je regrette.
    (Un soir au club, p.119, Éd. de Minuit, n°29)
     
  5. La prétendue vocation nous trompe tout le temps. [...] On pense être fait pour telle chose. On est fait pour telle autre.
    (Un soir au club, p.124, Éd. de Minuit, n°29)
     
  6. On imagine, on se trompe, on invente dans les vides, les historiens font ça.
    (Un soir au club, p.137, Éd. de Minuit, n°29)
     

Vita Sackville-West

  1. Même si l'on ne recherche que la simplicité, comment échapper à la complexité de la vie ?
    (Toute passion abolie, trad. Micha Venaille , p.47, Ed. Autrement, 2005)
     
  2. Je peux à peine supporter la compagnie de quelqu'un de moins de soixante-dix ans. Les jeunes vous obligent à envisager la vie comme un combat, une véritable entreprise, ils sont sans cesse pris par leurs plans. En revanche, les personnes âgées, tous projets abandonnés, peuvent enfin se pencher sur leur passé. Ne trouvez-vous pas que c'est reposant ? Le repos, lady Slane, est une des choses les plus importantes de la vie, et pourtant peu d'entre nous y parviennent réellement, d'ailleurs bien peu en rêvent vraiment. Il est imposé aux personnes âgées, quand elles sont infirmes, ou malades. Mais presque toutes gardent encore la nostalgie de l'énergie qui fut autrefois la leur. À mon avis c'est là une grave erreur.
    (Toute passion abolie, trad. Micha Venaille, p.50, Ed. Autrement, 2005)
     
  3. Ensemble ils vivaient tous les trois leur grand âge, ce moment de la vie où il n'est plus nécessaire de parler pour se comprendre.
    (Toute passion abolie, trad. Micha Venaille , p.60, Ed. Autrement, 2005)
     
  4. [...] j'ai horreur de tous ceux qui ne voient pas le monde comme il est. C'est-à-dire monstrueux, lady Slane ! Et monstrueux parce qu'il est construit sur la compétition, sans que personne ne sache si la raison fondamentale de cette compétition est une pure convention ou une nécessité, une extraordinaire illusion, une loi naturelle ou animale destinée à disparaître à mesure que nous progressons dans la civilisation. Je crois que l'homme a construit sa vie sur un système mathématique erroné. Certes, il s'est arrangé pour que ses calculs tombent juste, parce qu'il a forcé le monde à accepter ses hypothèses. Mais si l'on choisissait de raisonner autrement, la réponse serait peut-être identique et ces hypothèses de départ apparaîtraient délirantes, astucieuses sans doute mais délirantes. Peut-être qu'un jour une authentique civilisation viendra corriger nos erreurs présentes? Mais nous avons encore du chemin à faire, oui, la route sera longue...
    (Toute passion abolie, trad. Micha Venaille , p.62, Ed. Autrement, 2005)
     
  5. J'ai toujours pensé qu'il valait mieux plaire beaucoup à une seule personne, qu'un peu à tout le monde !
    (Toute passion abolie, trad. Micha Venaille , p.65, Ed. Autrement, 2005)
     
  6. D'ailleurs viendrait un jour où poètes et prophètes compteraient davantage que les conquérants.
    (Toute passion abolie, trad. Micha Venaille , p.153, Ed. Autrement, 2005)
     
  7. C'est étonnant comme la mort permet à la beauté de s'exprimer. [...] Dans la vie on peut s'embellir si on sait s'habiller. Mais une fois mort, c'est du plus profond de vous-même que naît la beauté.
    (Toute passion abolie, trad. Micha Venaille , p.157, Ed. Autrement, 2005)
     

Yasmina Reza

  1. La vie conjugale nous a tués, comme elle tue tout le monde, et ce n'est pas la philosophie croyez-moi qui vous donne un coup de main dans la vie conjugale, d'ailleurs je ne vois rien qui puisse vous sortir la tête de cette embarcation maudite, surtout pas la philosophie qui en gros, sous des allures plus ou moins provocantes, s'est toujours attachée à calmer les esprits, à réduire la bête sauvage, notre meilleure part [...]
    (Dans la luge d'Arthur Schopenhauer, p.21, Albin Michel, 2005)
     
  2. [...] j'oscille, comme les accents, entre l'aigu et le grave, je n'ai jamais pu maîtriser les accents, l'accent aigu, l'accent grave, jamais rien compris, j'ai intégré les raisonnements les plus significatifs jamais les accents, j'effectue un travail de faussaire pour que le trait puisse être lu de deux manières, le lecteur choisit. Au tableau, dans les corrections, partout, jamais de figure définitive. Rien ne vous sauve. Le travail, longtemps j'y ai cru, je veux dire l'activité qu'on appelle travail mais qui n'est que diversion de la mort, l'activité vous sauve, l'agitation furieuse, divertissement auréolé de prestige, jusqu'à ce que ça s'effondre.
    (Dans la luge d'Arthur Schopenhauer, p.35, Albin Michel, 2005)
     
  3. [...] novembre, le mois des tragédies [...]
    (Dans la luge d'Arthur Schopenhauer, p.38, Albin Michel, 2005)
     
  4. C'est quand même un anachronisme permanent que celui qui consiste à juger les autres à l'aune de ce que nous sommes aujourd'hui.
    (Dans la luge d'Arthur Schopenhauer, p.55, Albin Michel, 2005)
     
  5. Beaucoup de choses peuvent avoir du sens et de la pertinence, c'est la vie qui n'en a pas, le tout n'a aucun sens mais chacune des parties en a. Est-ce que ça tient philosophiquement ? Ça tient. C'est ce qui tient le mieux.
    (Dans la luge d'Arthur Schopenhauer, p.58, Albin Michel, 2005)
     
  6. Je suis félicité par les vendeuses pour ma patience, et mon intérêt. En revanche mon opinion n'a d'effet qu'unilatéralement. Marie-Claude n'achètera pas ce que je n'aime pas, mais elle n'achète pas ce que j'aime.
    (Dans la luge d'Arthur Schopenhauer, p.69, Albin Michel, 2005)
     
  7. [...] je crois voyez-vous à la frivolité, heureusement que nous avons la frivolité, la frivolité nous sauve, je suis étonnée que vous ne compreniez pas cette supériorité que nous avons d'être sauvées par la frivolité, je veux dire littéralement sauvées par la frivolité, le jour où la frivolité nous abandonne nous mourons [...]
    (Dans la luge d'Arthur Schopenhauer, p.104, Albin Michel, 2005)
     

Louis Latzarus

  1. La politique est l'art de gouverner la cité : ainsi parlaient les anciens.
    Mais, hier, un homme d'État, qui est aussi un penseur et un lettré, a trouvé cette définition incomplète. Il a écrit : « La politique, c'est l'art, la volonté, la passion de gouverner. »
    Ainsi a-t-il mis sur le même rang l'art et la passion du pouvoir, c'est-à-dire la capacité et l'ambition.
    Au vrai, l'ambition suffit, de nos jours, à un homme politique, et l'on a vu souvent, dans les plus hauts postes, des incapables.

    (La politique, p.7, Librairie Hachette, 1928)
     
  2. En démocratie, la politique est l'art de faire croire au peuple qu'il gouverne.
    (La politique, p.7, Librairie Hachette, 1928)
     
  3. Il y a des sciences politiques. Il n'y a pas une science de la politique.
    (La politique, p.8, Librairie Hachette, 1928)
     
  4. Certains hommes politiques se vantent d'être des hommes tout court. Ne les croyez pas. S'ils n'étaient que des hommes, la politique les écoeurerait.
    (La politique, p.9, Librairie Hachette, 1928)
     
  5. Bossuet à dit : La vertu rend impropre aux affaires.  Regrettons cette triste sentence, qui a servi d'excuse à bien des défaillances. Mais admirons-en l'exactitude. On est porté à demander aux politiques la loyauté, la générosité, la modestie, le désintéressement, l'indépendance. S'ils étaient affligés de ces vertus, ils resteraient chez eux.
    (La politique, p.9, Librairie Hachette, 1928)
     
  6. Le peuple est un souverain sans mémoire. Le pardon lui est aussi naturel que l'ingratitude.
    (La politique, p.10, Librairie Hachette, 1928)
     
  7. Le peuple réclame des tempéraments plutôt que des intelligences.
    (La politique, p.12, Librairie Hachette, 1928)
     
  8. « Le peuple, a dit Rivarol, accorde aisément sa faveur, et presque jamais sa confiance. »
    (La politique, p.12, Librairie Hachette, 1928)
     
  9. Il y a toujours en France deux cent mille mécontents permanents. Mais ils ne sont pas redoutables. Ce qui est terrible, ce sont les mécontents occasionnels.
    (La politique, p.13, Librairie Hachette, 1928)
     
  10. Toute révolution est commencée par des idéalistes, poursuivie par des démolisseurs et achevée par un tyran.
    (La politique, p.14, Librairie Hachette, 1928)
     
  11. L'auréole du malheur ne va pas bien aux têtes altières.
    (La politique, p.15, Librairie Hachette, 1928)
     
  12. Seule la gloire console de l'esclavage. Aussi tout dictateur, s'il veut durer, est contraint de devenir un soldat heureux.
    (La politique, p.17, Librairie Hachette, 1928)
     
  13. Gouverner, c'est prévoir. Alors nul ne gouverne.
    (La politique, p.18, Librairie Hachette, 1928)
     
  14. Quand vous lisez dans les journaux : le pays s'est prononcé, comprenez qu'une moitié de la nation a réussi à opprimer l'autre.
    (La politique, p.20, Librairie Hachette, 1928)
     
  15. Le plus sûr moyen de détruire un parti est d'accomplir son programme.
    (La politique, p.21, Librairie Hachette, 1928)
     
  16. Les parties extrêmes ne peuvent régner. Ils ne servent que de frontières pour délimiter les positions du centre.
    (La politique, p.21, Librairie Hachette, 1928)
     
  17. Réforme réalisée : réforme diminuée.
    (La politique, p.21, Librairie Hachette, 1928)
     
  18. Il n'en va point dans la lutte politique comme à la guerre. Le parti vaincu devient plus redoutable après sa défaite. Il lui suffit de ramasser les armes que les vainqueurs ont dû troquer contre les insignes du pouvoir.
    (La politique, p.22, Librairie Hachette, 1928)
     
  19. La liberté ne se reconnaît qu'à ses limites.
    (La politique, p.23, Librairie Hachette, 1928)
     
  20. J'ai vu, un soir d'élection, pleurer un vieux député battu. Vingt ans auparavant, il avait écrasé son prédécesseur. Il ne pensait pas que le même destin pût jamais l'atteindre.
    (La politique, p.27, Librairie Hachette, 1928)
     
  21. Le député battu dit : Ils sont ingrats. L'élu dit : Ils sont intelligents.
    (La politique, p.27, Librairie Hachette, 1928)
     
  22. Toute assemblée d'hommes est une assemblée d'écoliers. On y rit pour peu de chose. On s'y moque aisément. On est curieux. On aime le bruit. Et l'on aspire à la récréation.
    (La politique, p.31, Librairie Hachette, 1928)
     
  23. La Chambre est femme. Le sentiment a sur elle un grand empire. La seule raison n'en a point.
    (La politique, p.31, Librairie Hachette, 1928)
     
  24. Il ne faut pas croire que les députés soient généralement stupides. Il en est même fort peu qui, dans leur particulier, n'aient quelque mérite. Mais chacun d'eux pourrait répondre ce que m'a répondu le mien quand je lui reprochais une mauvaise loi :: « Que voulez-vous ? je n'étais pas seul ! »
    (La politique, p.32, Librairie Hachette, 1928)
     
  25. Les parlementaires ont généralement des femmes laides. Une jolie quémandeuse a toutes chances d'être écoutée.
    (La politique, p.36, Librairie Hachette, 1928)
     
  26. Un jeune député déclame des réformes. Un jeune sénateur les refuse.
    (La politique, p.38, Librairie Hachette, 1928)
     
  27. Celui-ci, il y a trente ans, serait mort dans l'infamie. Il a duré. Il aura droit à des obsèques nationales.
    (La politique, p.51, Librairie Hachette, 1928)
     
  28. - J'ai été sept fois ministre ! disait, dans une réunion publique, un député qui briguait sa réélection.
    - Dire que c'est vrai ! cria un interrupteur.
    Aussitôt, tout le monde rit.

    (La politique, p.53, Librairie Hachette, 1928)