Citations ajoutées le 1er mai 2001

José Saramago

  1. On rencontre partout des gens comme ce monsieur José, ils occupent leur temps, ou celui qu'ils croient que la vie leur laisse, à collectionner des timbres, des monnaies, des médailles, des potiches, des cartes postales, des boîtes d'allumettes, des livres, des montres, des chandails de sport, des autographes, des pierres, des personnages en terre cuite, des cannettes vides de boissons rafraîchissantes, des petits anges, des cactus, des programmes d'opéra, des briquets, des stylos, des hiboux, des boîtes à musique, des bouteilles, des bonsaïs, des tableaux, des gobelets, des obélisques en cristal, des canards en porcelaine, des jouets anciens, des masques de carvanal, poussés probablement par quelque chose que nous pourrions appeler angoisse métaphysique, peut-être parce qu'ils n'acceptent pas l'idée que le chaos soit le seul arbitre de l'univers, et donc avec leurs faibles forces et sans aide divine, ils tentent d'introduire un peu d'ordre dans le monde, ils y réussissent pendant un certain temps, mais seulement aussi longtemps qu'ils parviennent à défendre leur collection car quand vient le jour de la disperser et ce jour arrive inéluctablement, à cause de la mort ou de la lassitude du collectionneur, tout retourne au chaos originel, tout replonge dans le désordre.
    (Tous les noms, trad. Geneviève Leibrich, p.21, Points/Seuil n°P826)
     
  2. Seuls les dieux morts sont dieux à tout jamais.
    (Tous les noms, trad. Geneviève Leibrich, p.24, Points/Seuil n°P826)
     
  3. Pour annoncer le commencement de quelque chose, on parle toujours du premier jour, alors que c'est la première nuit qui devrait compter, c'est elle qui est la condition du jour, le jour serait éternel s'il n'y avait pas la nuit.
    (Tous les noms, trad. Geneviève Leibrich, p.26, Points/Seuil n°P826)
     
  4. Le hasard ne choisit pas, il propose [...].
    (Tous les noms, trad. Geneviève Leibrich, p.47, Points/Seuil n°P826)
     
  5. [...] c'est la quête qui donne son vrai sens à la rencontre et [...] il faut beaucoup marcher pour atteindre ce qui est tout près.
    (Tous les noms, trad. Geneviève Leibrich, p.68, Points/Seuil n°P826)
     
  6. [...] les vies sont comme les tableaux, il faut toujours les regarder à quatre pas de distance, même si on arrive un jour à en toucher la peau, à en humer le parfum, à en goûter la saveur.
    (Tous les noms, trad. Geneviève Leibrich, p.73, Points/Seuil n°P826)
     
  7. [Il] aime être au courant de tout, c'est sa façon de faire semblant de ne donner d'importance à rien.
    (Tous les noms, trad. Geneviève Leibrich, p.128, Points/Seuil n°P826)
     
  8. [...] le sens de chaque mot ressemble à une étoile qui projette des marées vives dans tout l'espace, des vents cosmiques, des perturbations magnétiques, des malheurs.
    (Tous les noms, trad. Geneviève Leibrich, p.131, Points/Seuil n°P826)
     
  9. [...] il est des poisons si lents qu'ils ne produisent un effet que lorsqu'on en a oublié l'origine.
    (Tous les noms, trad. Geneviève Leibrich, p.239, Points/Seuil n°P826)
     

  
Maxence Fermine

  1. - La poésie n'est pas un métier. C'est un passe-temps. Un poème, c'est une eau qui s'écoule. Comme cette rivière.
    Yuko plongea son regard dans l'eau silencieuse et fuyante. Puis il se tourna vers son père et lui dit :
    -C'est ce que je veux faire. Je veux apprendre à regarder passer le temps.

    (Neige, p.15, Points/Seuil n°P804)
     
  2. La poésie est avant tout la peinture, la chorégraphie, la musique et la calligraphie de l'âme. Un poème est un tableau, une danse, une musique et l'écriture de la beauté tout à la fois.
    (Neige, p.33, Points/Seuil n°P804)
     
  3. La couleur n'est pas au dehors. Elle est en soi. Seule la lumière est dehors.
    (Neige, p.47, Points/Seuil n°P804)
     
  4. [...] l'amour est bien le plus difficile des arts. Et écrire, danser, composer, peindre, c'est la même chose qu'aimer. C'est du funambulisme. Le plus difficile, c'est d'avancer sans tomber.
    (Neige, p.50, Points/Seuil n°P804)
     
  5. Elle était funambule et sa vie tenait en une seule ligne. Droite.
    (Neige, p.60, Points/Seuil n°P804)
     
  6. En vérité, le poète, le vrai poète, possède l'art du funambule. Écrire, c'est avancer mot à mot sur un fil de beauté, le fil d'un poème, d'une oeuvre, d'une histoire couchée sur un papier de soie. Écrire, c'est avancer pas à pas, page après page, sur le chemin du livre. Le plus difficile, ce n'est pas de s'élever du sol et de tenir en équilibre, aidé du balancier de sa plume, sur le fil du langage. Ce n'est pas non plus d'aller tout droit, en une ligne continue parfois entrecoupée de vertiges aussi furtifs que la chute d'une virgule, ou que l'obstacle d'un point. Non, le plus difficile, pour le poète, c'est de rester continuellement sur ce fil qu'est l'écriture, de vivre chaque heure de sa vie à hauteur du rêve, de ne jamais redescendre, ne serait-ce qu'un instant, de la corde de son imaginaire. En vérité, le plus difficile, c'est de devenir un funambule du verbe.
    (Neige, p.80, Points/Seuil n°P804)
     
  7. Il y a deux sortes de gens.

    Il y a ceux qui vivent, jouent et meurent.

    Et il y a ceux qui ne font jamais rien d'autre que se tenir en équilibre sur l'arête de la vie.

    Il y a les acteurs.
    Et il y a les funambules.

    (Neige, p.94, Points/Seuil n°P804)